
En 2016, le nombre des conversions à l’agriculture biologique est sans précédent. Face à l’afflux de lait programmé en 2018, les opérateurs de la filière peuvent miser sur une croissance soutenue de la demande.
En raison de conditions climatiques défavorables à la production fourragère, la collecte de lait bio 2016 apparaît en léger recul (- 0,7 %). Elle s’élève à 571 708 millions de litres, soit 2,3 % de la collecte nationale. Dans un contexte de forte croissance de la demande, cette situation génère des difficultés en aval de la filière. Lactel Bio annonce, par exemple, une baisse de 10 % de sa collecte, entraînant un allongement des délais d’approvisionnement dans la grande distribution. Mais il ne faut pas s’y tromper : il s’agit d’une baisse conjoncturelle, car depuis dix ans, la production de lait bio français a bondi de 147 %.
L’année 2016 marque d’ailleurs une accélération sans précédent du rythme des conversions : séduit par la perspective de plus-value, quelque 827 éleveurs laitiers ont décidé de franchir le pas (hors exploitations laitières 100 % vente directe), soit un total de 320 millions de litres de lait bio supplémentaires qui devraient être certifiés à la fin de l’année 2018.
Un écart de prix de 144,80 €/1 000 litres avec le conventionnel
« Le contexte dégradé de la filière conventionnelle est clairement le déclencheur de la décision de s’engager en conversion », souligne Paul Zindy, chargé de mission à la commission bio du Cniel. En effet, l’écart de prix entre le lait conventionnel 38-32 et le bio est passé de 98,80 € en 2015, à 137,60 €/1 000 litres en 2016, et les derniers chiffres de la Maison du Lait font état d’un écart de 144,80 € en janvier. Cette tendance de fond laisse entrevoir une production de 889 Ml fin 2018 (+ 55 % vs 2016). Tout l’enjeu est de pouvoir gérer cette hausse afin de préserver la plus-value versée aux producteurs. « 2018 représente un vrai cap à franchir. Mais les deux années de conversion offrent une visibilité qui doit permettre d’anticiper l’arrivée de ces volumes sur le marché », poursuit-il.
Pour préserver l’équilibre de l’offre et de la demande, les acteurs de la filière peuvent s’appuyer sur la forte croissance de la consommation de produits laitiers bio, en particulier la crème et le beurre (voir ci-contre). Cette dynamique, observée dans les autres pays d’Europe, est le signe de nouvelles habitudes de consommations désormais bien ancrées. Car dans le même temps, les achats de produits laitiers conventionnels reculent, à l’exception du fromage.
Une croissance à deux chiffres
En 2016, tous produits confondus, le chiffre d’affaires de l’agriculture bio en France dépasse les 7 milliards d’euros, soit une hausse de 20 % en seulement un an. À l’échelle de l’Union européenne, en 2015, ce chiffre s’élevait à 28,6 milliards d’euros (+ 12,1 %) et à 39,7 md$ aux États-Unis (+ 11 %). « Le consommateur cherche à se reconnecter avec la production, analyse Florence Méa, directrice adjointe de l’Agence Bio. L’environnement, la santé, le bien-être animal, mais aussi la rémunération du producteur sont autant d’arguments auxquels il est sensible. Pour répondre à ses attentes, la bio possède une longueur d’avance grâce à un cahier des charges et un logo reconnu. »
Sur ce marché du lait bio, où actuellement l’offre ne satisfait pas la demande, le développement de la production fait partie des leviers à activer pour accompagner la croissance de la consommation : transformateurs et distributeurs attendent ces volumes pour pouvoir innover, élargir la gamme de produits disponibles en magasins, répondre à la demande de la RHF ou à celle des importateurs.
De nouveaux marchés s’ouvrent à l’export
« Des volumes conséquents peuvent encore basculer en bio, explique Jacques Ménétrier, directeur amont d’Agrial. Nos projections sur cinq ans sont saines, d’autant plus que de nouveaux marchés s’ouvrent à l’export pour de la poudre de lait bio infantile. » À la suite de la fusion avec Eurial, le groupe coopératif pense doubler sa collecte de 60 Ml d’ici à fin 2018. Présent sur tous les segments avec 64 Ml collectés, Sodiaal vise un volume de 200 Ml en 2020, dont 140 Ml seraient déjà identifiés. La coopérative va donc lancer une deuxième vague d’investissements sur son site de Montauban pour y développer la transformation de poudre de lait bio infantile. « Nous restons sereins car nos perspectives de marché se sont encore développées vers des pays de l’UE, mais aussi sur les marchés internationaux et pas seulement vers l’Asie, indique Jean-Paul Picquendar, directeur régional en charge de la bio. À l’horizon 2020, la poudre pourrait devenir notre premier débouché devant le lait de consommation. » La coopérative continue donc d’accepter les demandes de conversion. Même celles émanant de producteurs non adhérents lorsqu’ils ne peuvent pas être collectés en bio par leur laiterie. Objectif : assurer 80 % de sa collecte en interne, là où Sodiaal achète 50 % de ses besoins sur le marché.
L’équilibre de la filière ne semble donc pas se situer dans un excès d’offres, mais dans le manque de matière première et la progression par paliers marqués de la production. « Nous n’avons pas identifié de risques de surproduction pour 2018, car la croissance de la demande doit permettre d’absorber ces volumes », assure Gérard Maréchal, directeur des approvisionnements chez Lactalis. L’industriel collecte 135 millions de litres et attend 50 Ml supplémentaires à échéance 2018. « Les hausses de production par à-coups nous mettent davantage en alerte. Elles sont d’autant plus difficiles à gérer qu’à l’inverse de la filière conventionnelle, nous fabriquons peu de poudre pour tamponner ces variations », explique-t-il.
Les coopératives mixtes absentes des OP
Le souci de cette hausse de la production par paliers est d’ailleurs ce qui a motivé la création de Lait bio de France (LBF). Il s’agit d’une association transversale qui fédère cinq organisations de producteurs (1). Elle pèse environ 50 % de la production nationale. « Cette croissance par à-coups génère des situations de surproduction passagères, toxiques pour la filière et pour le prix payé aux producteurs, explique Patrice Lefeuvre, son président. Notre volonté au sein de LBF est d’échanger entre producteurs pour avoir une meilleure connaissance du marché et se donner les moyens d’une croissance de la production vigoureuse, mais régulière. »
Pour éviter de reproduire les crises du conventionnel, l’éleveur évoque la possibilité de décider collectivement de réduire les volumes ponctuellement pour préserver la plus-value. Seule ombre au tableau, l’absence à LBF d’une représentation des producteurs bio adhérents des coopératives mixtes. Or, l’enjeu est de taille puisque ces mêmes coopératives s’engagent fortement et sans concertation sur des marchés à l’export jugés incertains, en particulier la pérennité des débouchés vers la Chine.
(1) Biolait, Lait Bio du Maine, l’association des producteurs de lait biologique de Seine et Loire, l’association des producteurs de lait biologique du Grand Est et l’APCLBO (Association des producteurs coopérateurs de lait bio de l’Ouest).
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