Une prairie bien implantée sous couvert de méteil

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La prairie à flore variée est semée sous couvert d'un mélange céréalier riche en protéine qui, ensilé, affiche des valeurs alimentaires de 0,9 UFL et 15 à 16% de MAT. (© J. Pezon)

Les essais menés à la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou valident l’intérêt d’un semis d’automne sous couvert de méteil riche en protéagineux, pour sécuriser à la fois l’implantation des prairies et la qualité des stocks.

Face à des aléas climatiques récurrents, les difficultés d’implantation des prairies aux périodes classiques de fin d’été ou de printemps ont conduit la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou, en Maine-et-Loire, à tester différents itinéraires de semis sous couvert de mélanges céréales-protéagineux communément appelés méteils. Ainsi, le principe qui consiste à réaliser un semis simultané mi-octobre en deux passages le même jour, ou un seul avec un semoir double caisson, se révèle être la technique la plus robuste d’implantation d’une prairie de longue durée. Ces expérimentations permettent aussi d’affiner la composition du méteil et de programmer une date de récolte optimale en fonction de ses objectifs.

Faisons d’abord un rappel du contexte : la ferme expérimentale est un système d’élevage allaitant bio. Elle est soumise à un climat d’influence océanique, avec une pluviométrie annuelle de 675 mm, sur des sols limono-sableux de faible profondeur, à forte alternance hydrique et à tendance acide (pH 6,1 après chaulage).

Le choix éprouvé d’une prairie à flore variée

Dans ce contexte pédoclimatique limitant, le choix de la prairie à flore variée (PFV) s’est imposé pour gagner en productivité et robustesse. Comparées à une association RGA-TB, les données compilées entre 2000 et 2012 indiquent un gain moyen de 1,5 t de MS/ha (dont 50 % sur le premier cycle) et une moindre variabilité des rendements en faveur de la PFV. Le mélange réalisé à la ferme est composé de 10 kg/ha de fétuque élevée, pour sa résistance à l’alternance hydrique, 8 kg de RGA demi-tardif (tétraploïde et diploïde), pour sa valeur alimentaire, 3 kg de TB, moteur azoté de la prairie, 3 kg de trèfle hybride, pour sa résistance à l’hydromorphie et 3 kg de lotier, pour son adaptation dans des sols à potentiel modeste. Sur cette base, une première phase d’essai de trois ans a consisté à comparer le semis classique de la prairie sur sol nu début septembre, le sursemis de la prairie au printemps sous couvert d’un méteil semé à l’automne et donc le semis simultané à l’automne. Il ressort que cette dernière technique assure une meilleure maîtrise du salissement de la prairie après récolte du méteil : les relevés dénombrent en moyenne seulement 4 % d’espèces diverses (70 % de graminées et 26 % de légumineuses). L’option du sursemis de printemps est plus aléatoire, elle génère deux fois plus de salissement et une baisse de rendement du méteil liée au passage d’outil en sortie d’hiver.

Un méteil riche en protéagineux pour plus de qualité

Quant au semis sur sol nu, il génère la présence de 14 % d’espèces diverses, et jusqu’à 28 % la première année, ce qui peut avoir une incidence négative sur la pérennité de la prairie. De plus, là où la prairie semée sur sol nu va produire en moyenne 5 t de MS/ha l’année suivant son implantation, le semis sous couvert présente le double avantage de renforcer les stocks fourragers grâce à la récolte ensilée du méteil, suivie d’une ou deux exploitations de la prairie, soit jusqu’à 2,8 t de MS/ha d’herbe exploitée dès la première année (voir l’infographie).

Dans une logique d’autonomie fourragère, la ferme expérimentale mise sur la récolte tardive d’un méteil à base de céréales récolté au stade du grain laiteux-pâteux, soit un rendement moyen de 8,7 t de MS/ha d’un fourrage dosant 0,78 UFL et seulement 7,2 % de MAT. C’est pourquoi, entre 2019 et 2021, un travail a été mené sur des méteils intégrant davantage de protéagineux, récoltés selon trois modalités, pour aller chercher de la qualité : un mélange riche en protéagineux composé d’avoine (40 g/m²) + pois fourrager (15) + pois protéagineux (40) + vesce (15) + féverole (10) ; un mélange dit « mixte » composé de triticale (125) + pois fourrager (15) + vesce (15) + féverole (20). Le mélange intervient dans la rotation après deux céréales.

Pour un semis à la volée de la prairie, un semoir à couvert à été installé sur le semoir en ligne. Il est équipé d’une soufflerie et d’un rouleau doseur synchronisé en fonction de l’avancement du tracteur qui répartie les semences vers huit sorties pour plus de précision. (© J. Pezon)

Le labour n’est pas systématique, une année sur deux ; seul un faux semis est réalisé après la moisson. Puis le semis simultané est réalisé entre le 10 et le 25 octobre au plus tard avec un semoir combiné équipé d’un double caisson (voir photo ci-dessus), suivi d’un roulage pour favoriser le contact graine-sol. Avec cet outil « maison », le mélange céréales-protéagineux est semé à 2-3 cm de profondeur et la prairie en surface à une dose de 27 kg/ha.

Une pratique transposable sous climat plus continental

Sans surprise, la productivité du méteil augmente en même temps que sa valeur alimentaire diminue avec l’évolution du stade de récolte. « La récolte précoce du méteil “protéagineux” permet d’ensiler un fourrage à 0,9 UFL et 15 à 16 % de MAT. C’est aussi l’option la plus chère (762 €/ha) en raison d’un moindre volume récolté, souligne Bertrand Daveau, ingénieur chargé d’étude à la ferme expérimentale. La récolte intermédiaire est l’option qui permet de maximiser la quantité de MAT produite par hectare, tandis que la baisse de valeur nutritive est plus rapide entre le stade précoce et intermédiaire pour le mélange mixte. Le choix dépendra des objectifs de chacun au regard des besoins des animaux. » À noter que les taux de MS de l’ordre de 20 à 21 % en récolte précoce impliquent un préfanage systématique. Ce taux remonte à 26 % en récolte intermédiaire et à 36 % en récolte tardive. Les essais se poursuivent désormais sur l’intégration croissante de fèverole, peu sensible à la verse (rôle tuteur), en vue d’augmenter la valeur nutritive des méteils en récolte tardive. Cette pratique du semis sous couvert est aussi adaptée à des conditions climatiques plus continentales. C’est ce que révèlent les essais similaires menés à la ferme expérimentale de Saint-Hilaire-en-Woëvre, en Lorraine. « Face aux échecs à répétition des semis d’été, le semis réalisé sous couvert à l’automne permet de gagner en rendements et en sécurité d’implantation. C’est une solution à privilégier, indique Didier Deleau, ingénieur fourrage de la chambre d’agriculture régionale. Elle limite le risque d’échec et la propreté de la prairie est nettement améliorée comparativement à un semis en sols nus de fin d’été. Dans nos conditions, le semis intervient entre début et mi-octobre. À cette date, le développement rapide du méteil protège la jeune prairie des risques de gelée précoce de faible ampleur. »

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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