«La nouvelle Pac et la suppression des quotas vont bouleverser le monde laitier»

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«La nouvelle Pac et la suppression des quotas vont bouleverser le monde laitier»

Michel Hobé est le directeur technique de Cogedis Fideor. Pour lui, la réforme de la Pac annoncée pour 2014-2020 et la libéralisation des quotas vont changer le paysage laitier en profondeur. Interview.

Vaches laitières au pré
Dans le Grand ouest, le Dpu moyen se situe entre 300 et 400 € contre 266 en France. Si l’on passe à une attribution calée sur le national, les producteurs de lait perdront gros tandis que les régions avec des Dpu plus faibles verront
leur enveloppe gonfler. (© Terre-net Média)
Quels sont les grands changements qui accompagneront cette nouvelle Pac ?

Après 2014, il y aura toujours deux piliers avec d’un côté les Droits à paiement unique (Dpu) et quelques aides couplées et de l’autre une Pac plus verte avec les aides agro-environnementales. Le mode d’attribution sera différent d’aujourd’hui. L’aide de base (Dpu) a été fixée à 56 €/ ha et l’aide verte à 80 €. Le reste sera fonction d’une base historique et calculé par références à des moyennes soit nationales, régionales ou départementales. Selon les modalités retenues, il y a clairement un risque de baisse des aides de 15 à 25 % suivant les systèmes de production. Après 2014, la baisse de revenu serait du même ordre. Pour mémoire, en 2011 le résultat moyen en lait est de 20.000 € /Uth aide comprise. C’est donc une réforme très impactante qui obligera les producteurs à faire évoluer leur système pour aller chercher les aides du second pilier et les aides vertes avec obligation de diversification de l’assolement, de maintien des prairies permanentes et de surfaces ayant un intérêt écologique. La question préalable sera donc de mesurer l’impact technico-économique mais aussi organisationnel d’une évolution de son système.

Quelles seraient les conséquences pour les producteurs laitiers si la France s’orientait vers une attribution des aides au niveau national ?

Ce serait le pire des scénarios. Dans le Grand ouest, le Dpu moyen se situe entre 300 et 400 € contre 266 en France avec de grands écarts selon les productions notamment en lait du fait que l’aide directe laitière a été intégrée au calcul. Si l’on passe à une attribution calée sur le national, les producteurs de lait perdront gros tandis que les régions avec des Dpu plus faibles verront leur enveloppe gonfler. Le mieux pour les laitiers serait de conserver une attribution au niveau départemental. Quant à une attribution au niveau régional, reste à définir le périmètre de ladite région.

Quel avenir pour la filière laitière dans ce nouveau contexte ?

L’ouest dispose de nombreux atouts : des éleveurs motivés et compétents, le potentiel de production, les industries et le climat… On peut penser que la nouvelle Pac va contribuer à la spécialisation par bassin de production ce qui devrait logiquement favoriser l’ouest laitier. Les perspectives d’augmentation de la population mondiale avec des besoins en produits laitiers de plus en plus importants pour la Chine et l’Inde sont de bon augure pour la filière. Mais attention à la surproduction européenne qui nous conduirait au même scénario de crise qu’en 2008.

Quelle sera l’incidence de la libéralisation des quotas sur la filière ?

La contractualisation a été mise en place pour structurer l’après quota. Cela a déjà modifié les relations entre le producteur et sa laiterie. Dans les faits, le quota actuel sera transféré à la laiterie et un contrat sera établi entre les parties. Rappelons qu’un quota "dur" qui correspondrait à celui d’aujourd’hui devrait être complété par un quota supplémentaire lié à un cahier des charges strict. La laiterie sera seule décisionnaire dans l’attribution de ces quotas. Vont-elles favoriser les grosses exploitations, celles qui sont sur le circuit de transport ? Sur quelle durée aura lieu le contrat ? Beaucoup de questions restent sans réponse. La fixation du prix du lait est également au cœur des débats. Ce qui pose clairement la question du pouvoir de négociation des éleveurs au regard de leur laiterie.

La libéralisation devrait également accélérer le processus de concentration et de spécialisation des exploitations. Le foncier sera de plus en plus cher. Ces deux facteurs risquent d’impacter l’installation des jeunes. De même, le choix du système au regard de la main d’œuvre disponible et du potentiel agro pédoclimatique sera plus complexe.

Les nouvelles normes environnementales accentueront l’intensification puisque selon l’administration moins une vache produit et reste au pâturage, plus elle pollue… Cela conduira peut-être certains éleveurs à revoir leur mode de production : par exemple déléguer entièrement l’élevage des génisses à d’autres exploitants ou garder les vaches à l’étable … Ces décisions, qui peuvent conduire à des effets irréversibles devront être bien réfléchies. Les contraintes environnementales constitueront de toute manière tout comme en hors sol, le facteur limitant à l’agrandissement.

 

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Aperçu des marchés
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Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
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Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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