Sous les encouragements des bergers, une grande houle de laine blanche envahit les Champs-Elysées. Sur son cheval blanc, Henri IV, le roi venu du Béarn qui légua aux Français la fameuse « poule au pot » -version post-Renaissance de la souveraineté alimentaire-, conduit la parade.
Flûtes et chants polyphoniques accompagnent les bêtes, suivis d'attelages de solides vaches montagnardes et d'anciens chariots où quelques brebis ont droit à une tonte précoce.
Jules, 8 ans, est épaté. Il est venu avec sa mère voir « d'où sort le lait » qui permet de fabriquer son fromage préféré. Kahina, 40 ans, a elle amené ses filles, en hommage à un grand-père berger en Kabylie, qui « a peiné toute sa vie dans la montagne pour envoyer ses enfants à l'école ».
Cette « folie béarnaise » est l'idée d'un homme: Jacques Pédehontaà, maire de la petite commune rurale de Laàs, à 50 km de Pau, et ardent défenseur d'une « ruralité positive ».
« Au-delà du pays »
Il explique avoir voulu porter une « image de réconciliation » entre « la France des campagnes et la France des villes, qui se comprennent de moins en moins » alors qu'elles « ont besoin » l'une de l'autre.
Avec ses voisins italiens et espagnols notamment, il plaide pour faire entrer la transhumance, littéralement le voyage « au-delà du pays », au patrimoine immatériel de l'Unesco. « C'est 7 000 ans d'histoire », celle de l'homme et de « la montagne qu'il entretient », d'un « élevage extensif qui donne un fromage au goût incomparable » et d'une « identité forte » qu'il veut préserver.
Des vallées béarnaises d'Ossau, Aspe et Barétous, il est venu avec 13 des plus vieux bergers et 13 jeunes bergères, fier d'un renouvellement des générations qui féminise un métier resté longtemps le seul domaine des hommes.
Dans les années 1990, le durcissement des normes européennes imposées aux fromageries a conduit à moderniser les « cabanes d'estives » - ou « cuyalaa » en béarnais - où vivent de juin à octobre les bergers, perchés à plus de 1.200 mètres.
« L'eau et l'électricité - avec des panneaux solaires - sont arrivées, les cabanes sont devenues bien plus confortables », explique Corinne Baylocq, 40 ans, qui transhume avec mari, enfants et leurs 300 brebis.
Les premiers mois sont les plus rudes, avec deux traites par jour et la fabrication du fromage - qui sera vendu en circuit court dans la vallée - puis « la lactation des brebis diminue et on peut profiter de la montagne », raconte-t-elle.
Sur le podium installé au milieu de l'avenue, le vieux Julien se réjouit: « 30% des bergers sont aujourd'hui des bergères, jeunes ».
« Ne nous laissez pas tomber »
D'une voix qui roule, pleine des cailloux de sa montagne, il harangue la foule parisienne: « Chaque fois qu'une ferme disparaît, c'est une maison en moins dans le village, une école qui ferme, des services publics qui disparaissent. Ne nous laissez pas tomber, ce seront peut-être vos enfants qui nous rejoindront ! ».
Emu, il passe le micro à une voisine italienne, Francesca, qui vient rappeler que « la transhumance, c'est un exemple de paix entre les peuples », une vieille solidarité « importante, surtout aujourd'hui », insiste-t-elle, sans toutefois évoquer la guerre en Ukraine, dans toutes les têtes.
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