
Même si les contraintes de la nouvelle Pac paraissent pesantes aux agriculteurs, le système de l’éco-régime n’est pas suffisamment incitatif pour faire changer les pratiques. Des chercheurs de l’Inrae ont testé différentes hypothèses pour y parvenir sans pénaliser les revenus.
La nouvelle Politique agricole commune veut produire des améliorations écologiques. Parmi les neuf objectifs que l’Union européenne a affichés pour sa version 2023-2027, trois concernent l’environnement : agir contre le changement climatique, protéger l’environnement, préserver les paysages et la biodiversité. Le système des éco-régimes a été mis en place pour apporter plus de soutien financier aux agriculteurs qui ont des pratiques agroécologiques. « Ces mesures volontaires sont financées par le 1er pilier, alors qu’elles dépendaient auparavant du 2e pilier. Les agriculteurs qui ne pourront pas y prétendre perdront jusqu’à 25 % de leurs aides », explique Marie Lassalas, économiste agricole à l’Inrae, lors d’une conférence au Space. Ces nouvelles dispositions auraient pu être une motivation à intégrer plus d’environnement dans leurs pratiques. Mais dans les faits, elles ne semblent pas aussi incitatives qu’il n’y paraît.
Chaque pays a construit sa propre déclinaison de l’éco-régime. La France a défini trois voies d’accès au sien : par les pratiques agroécologiques, par la certification environnementale (HVE et bio) et par des éléments favorables à la biodiversité. Pour chacune, elle définit deux niveaux, standard et supérieur, avec des degrés d’aides différents. À partir des données du Rica (Réseau d’informations comptables agricoles), les chercheurs de l’Inrae ont fait des projections sur le niveau d’aides que peuvent espérer les agriculteurs français. « Presque toutes les exploitations peuvent prétendre au niveau standard. 85 % atteignent le niveau supérieur », partage Marie Lassalas. Ce qui est positif du point de vue économique mais n’encourage pas à des changements de pratiques. « Il y a 20 € de différence entre les niveaux standard et supérieur, précise l’économiste. Ce n’est pas suffisant pour inciter les 15 % d’exploitations en niveau standard à changer leurs pratiques pour atteindre le niveau supérieur. Pour compenser la perte de revenu du fait du changement de pratiques, les exploitations spécialisées en grandes cultures ou en bovins lait auraient besoin d’une différence de plus de 90 €. »
Sans revenu, pas de changement de pratiques
Si la Pac n’ose pas aller plus loin dans l’application de ses ambitions climatiques, c’est peut-être que la survie du modèle agricole est en jeu. « En France, sans aide Pac, 40 % des exploitants ne dégageraient pas de revenu », prévient Vincent Chatellier, chercheur à l’Inrae. Cette forte dépendance des revenus aux aides, l’impossibilité d’avoir une réorientation favorable à toutes les productions, complique la réorientation des aides vers plus d’environnement. Faire plus d’environnement à budget constant est d’autant plus délicat qu’il est difficile d’intégrer le coût des progrès environnementaux sur les prix de vente. »
Taxer les phytos
Pour autant, l’Europe doit relever un certain nombre de défis environnementaux. Les chercheurs de l’Inrae ont simulé différentes pistes pour une meilleure prise en compte de ces objectifs par la Pac, sans pénaliser le revenu des agriculteurs.
La première hypothèse consiste à taxer les phytos, sans taxer les agriculteurs. « La réduction de l’usage des pesticides est un objectif de longue date sur lequel la Pac n’a pas eu d’efficacité », rappelle Fabienne Féménia. La chercheuse a travaillé sur les conséquences d’une taxe de 100 %, soit un doublement du prix des phytosanitaires. « Nos modèles montrent que cela réduirait leur consommation de 25 %, ce qui aurait un impact de 9 % sur les rendements. Cela entraînerait une perte de revenu de 165 €/ha en moyenne, avec des écarts de 84 € en orge et jusqu’à 242 € en betterave », estime la chercheuse. Le montant de cette taxe serait reversé sous forme d’une compensation à l’hectare, calculée par culture et par région. « Cette compensation irait de 61 € en orge à 223 € en betterave. Ce qui limiterait, en moyenne, la perte à 20 €/ha, a chiffré Fabienne Féménia. Les petits utilisateurs de phytosanitaires seraient même gagnants. »
Un accord mondial encourage à réduire de 30 % les émissions de méthane entre 2020 et 2030. L’élevage bovin est l’un des principaux secteurs émetteurs. Des chercheurs de l’Inrae ont donc travaillé sur la réduction des émissions de méthane des vaches laitières par le biais de leur alimentation. « Une diminution est possible mais limitée, analyse Élodie Letort, de l’Inrae Bretagne-Normandie. Un paiement pour service climatique de 5 € par kilo de méthane non émis encouragerait à une réduction des rejets de 14 %. Mais cela induirait une baisse des surfaces en prairies du fait de changement de pratiques alimentaires. » Pas simple de concilier environnement et économie.
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