Herbe : pour en récolter de la bonne, comptez en degré-jours !

Fauche de ray-grass d'Italie.
Florian Moulin propose de rechercher une herbe la plus digestible possible. Pour ce faire, viser un fourrage riche en sucres et pas trop fibreux. (©S. Leitenberger / AdobeStock)

Dans un webinaire proposé par Ver de Terre production, Florian Moulin donne quelques repères pour réaliser des récoltes de qualité. Pour ce faire, viser une fauche entre 600 et 800° (cumul de température depuis le 1er février) à 7 cm de haut minimum : une manière d’avoir un fourrage hautement digestible. Attention également aux modalités de récolte. Une fauche à plat, suivie d’un fanage rapide, permet de conserver un maximum de sucres.

Quand récolter ses fourrages ? Pour Florian Moulin, conseiller à la Chambre d’agriculture de Lozère, l’idéal est de combiner plusieurs approches pour maximiser ses chances de réussite. La première est bien connue de tous les éleveurs : elle vise à analyser les stades de la plante. « On trouve les meilleurs fourrages au stade fin montaison, lorsque l’épi est au deuxième nœud », explique le conseiller. Une récolte qui assure de l’herbe de qualité, mais des rendements modérés. Vient ensuite le début épiaison, qui constitue un compromis entre qualité et quantité. Au-delà, la récolte s’oriente vers un fourrage très fibreux.

Pour récolter au bon stade, il faut être aux aguets. « Suivant la météo, il y peut y avoir 10, comme 3 jours entre le début épiaison et la fin montaison », constate Florian Moulin à l'occasion d'un webinaire diffusé par Ver de Terre Production. « Cela exige d’être très réactif ». C’est pourquoi le conseiller propose de suivre en parallèle l’évolution des sommes de températures.

Pour ce faire, il est nécessaire de récupérer les sommes de températures sur votre exploitation à compter du 1er février (sur une base 0-18 °C).

- De 600 à 700°, la fauche est précoce, et permet d’avoir un fourrage de qualité, au détriment du volume.
- De 700 à 900°, la récolte intervient à un stade intermédiaire, avec un compromis entre volume et qualité.
- À partir de 900°, l’on part sur des foins « mûrs » d’une qualité « acceptable ».
- Au-delà des 1 200° jusqu’à 1 500°, on est sur des fourrages beaucoup plus grossiers, plus difficiles à valoriser.

Une fois les 750° passés, il devient par exemple difficile de viser les 15 % de MAT. Les fauches précoces permettent aussi d’avoir des fourrages riches en phosphore ou potassium, qui peuvent être limitants pour la production de lait comme de viande. Mais c’est également un moyen de favoriser la digestibilité du fourrage. Car ça n’est pas tout d’avoir des nutriments en quantité, encore faut-il qu’ils soient facilement assimilables par l’animal.

Maximiser la digestibilité pour éviter les pertes

Ce raisonnement permet d’avoir un aperçu de la valeur alimentaire du fourrage sur pied. « Nous avons croisé somme de température et digestibilité des fourrages, et l’on se rend compte qu’il y a un fort lien entre les deux », détaille Florian Moulin. « Si on se fixe un objectif d’avoir au moins 70 % de digestibilité, il faut récolter autour de 600 — 700°. Selon les espèces, on peut pousser jusqu’à 800°, mais pas au-delà ».

La digestibilité est un indicateur clé en rationnement. Une dMO de 70 % (digestibilité de la matière organique) veut dire que si l’on donne 100 kg de fourrage à un animal, seuls 70 kg sont véritablement assimilables par son système digestif. Autrement dit, autant viser les fourrages à haute digestibilité.

Digestibilité des fourrages selon le stade de récolte.
Plus la récolte est tardive, plus il est difficile de passer les 70 % de digestibilité. (© Florian Moulin - Ver de Terre Production)

Contenir la teneur de fibre

Les fourrages récoltés entre 600 et 700° ont l’avantage de présenter moins de cellulose : c’est en partie ce qui explique leur grande digestibilité.

La NDF (neutral detergent fiber) indique la part de fibre présente dans un fourrage. Avoir une NDF de 420 g/kg MS revient à dire que 42 % de la matière sèche récoltée est constituée de fibre. « Les fourrages en dessous des 450 g/kg MS sont très productifs. Entre 450 et 480, on est sur des fourrages équilibrés qui apportent suffisamment de fibres pour assurer la rumination. Au-delà, ça commence à être très fibreux », détaille le conseiller.

À ce jeu, toutes les espèces ne combattent pas à armes égales. La luzerne fait partie des espèces qui présentent le moins de fibres. Le ray-grass se situe également en bonne position. A contrario, la prairie naturelle a tendance à être rapidement fibreuse.

Mais il y a fibre et fibre ! Toutes ne se digèrent pas de la même façon. L’ADF (acid detergent fiber) indique la proportion de fibres faciles à digérer. « Pour se repérer, on conseille de viser un ratio ADF/NDF autour de 50 », poursuit Florian Moulin. Là, les ray-grass précoces figurent parmi les mieux classés.

Préserver les sucres à la récolte

Le conseiller propose aussi de se pencher sur la teneur en sucre des fourrages. « C’est l’énergie soluble la plus facile à digérer ». Pour l’étudier, on regarde la concentration en Brix de la plante.

Plus la plante est à un stade avancé, plus faible est sa concentration. Mais assez paradoxalement, la date de récolte n’est pas le premier facteur qui conditionne la qualité du fourrage conservé. Florian Moulin conseille plutôt de se pencher sur le mode de séchage et de conservation de l’herbe. « Lorsqu’on récolte par voie humide, les sucres se consomment par fermentation ». Autrement dit, si l’on veut les préserver, affourager en vert ou utiliser la voie sèche.

Et il faut être précautionneux ! « Le fourrage doit sécher vite », insiste le conseiller. Sinon, les sucres se consomment pendant le séchage. « C’est la chaîne de récolte qui fait la différence ».

Adapter ses modalités de récolte

« On sait que plus on avance en journée, plus il y a de sucre dans la plante ». Pour autant, les essais montrent que la meilleure plage de récolte se situe entre 11 et 14 h. « Ça n’est pas tout d’avoir des sucres, mais encore faut-il les conserver », poursuit Florian Moulin. La fauche en milieu de journée permet de tirer profit des sucres issus de l’activité photosynthétique du matin, tout en profitant du soleil pour sécher le fourrage. « Si l’on coupe tard, l’herbe n’a pas le temps de sécher avant la nuit et va brûler tous ses sucres avant de sécher ».

Les modalités de fauche influent également sur la teneur en sucre. En cas de stress, la plante a pour réflexe de fermer ses stomates, en charge de l’évapotranspiration. Une faucheuse à plat, moins agressive qu’une conditionneuse à rouleau ou fléau, permet ainsi de garder les stomates ouverts. Car avec ses stomates fermés, la plante met plus de temps à sécher. Mais le conseiller nuance : si l’herbe est matraquée par un conditionneur, elle a aussi des blessures qui lui permettent de perdre de l’eau.

Mieux vaut également préfaner rapidement. « Plus on met de temps à sortir la faneuse, moins on a de digestibilité ». Si les stomates de la plante sont restés ouverts suite à la fauche, ils risquent de se refermer dans l’obscurité. Aérer son andain permet alors de les garder ouverts jusqu’au coucher du soleil, pour atteindre rapidement les 35-40 % de MS.

Facilité la repousse de la plante

Attention également aux hauteurs de coupe. Pour l’expert, inutile de faucher en deçà de 7 cm. Cela n’aide pas à avoir des fourrages de qualité, avec des tiges généralement plus ligneuses que les feuilles, et cela nuit à la repousse. « Il faut que le lamier fauche à 7 cm, et pour y arriver, il n’y a pas trente-six options. Il faut mettre un sabot de 7 cm sous la barre du lamier », martèle le conseiller.

Coupées courtes, les graminées puisent dans leurs réserves et résorbent une partie de leurs racines pour refaire des feuilles. « S’il fait sec, c’est la double peine. Elles diminuent leurs capacités à aller chercher de l’eau en profondeur et sèchent plus vite ». Avec suffisamment de feuilles, l’herbe a moins besoin de mobiliser les sucres présents dans ses racines car elle a plus de feuilles pour effectuer la photosynthèse. Une manière de repartir sereinement vers un nouveau cycle de fauche, ou de pâturage.

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Vaches, charolaises, U= France 7,23 €/kg net +0,09
Vaches, charolaises, R= France 7,06 €/kg net +0,07
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