Des conséquences au long cours des intempéries pour l’élevage laitier

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Dans le Pas-de-Calais, le cumul des précipitations est tel que les nappes débordent, laissant apparaître des sources dans les bâtiments. Sur le terrain, la solidarité s'organise pour reloger les animaux. (© PhotoPQR/Voix du Nord/Johan Ben Azzouz)

De la Bretagne au Pas-de-Calais, en passant par la Normandie, tempêtes et inondations ont durement frappé les éleveurs. L’heure est au bilan. Et l’inquiétude monte face à l’ampleur de la facture.

Dans la nuit du 1er au 2 novembre, la tempête Ciaran a balayé la Bretagne, puis la Normandie. Le vent a soufflé à plus de 200 km/h sur les côtes, 160 dans les terres. D’innombrables arbres n’ont pas résisté. Au lendemain de la tempête, une partie du réseau routier était impraticable, les lignes électriques à terre. Le Finistère a été particulièrement touché.

En Bretagne, quelque 600 éleveurs touchés

À la demande du ministère de l’Agriculture, la chambre d’agriculture de Bretagne a établi un premier bilan des conséquences sur les exploitations. Plus de 2 000 agriculteurs ont répondu à son enquête. Ce sont d’abord les bâtiments qui ont souffert, éventrés par les arbres, leurs toitures arrachées. Le maïs restant à récolter a été ravagé.

Dans le détail, 377 éleveurs laitiers sont concernés dans le Finistère, 600 au total dans la région. Ils représentent plus d’un tiers des sinistrés. Il s’agit d’une estimation basse, selon la chambre d’agriculture. Aux dégâts matériels s’ajoutent les pertes de production (lait jeté), qui restent à chiffrer, et aussi des animaux blessés ou tués. Au lendemain de la tempête, la collecte de lait était impossible dans bien des endroits. Les difficultés de circulation concernaient aussi bien les camions de ramassage que les salariés travaillant dans les usines. De plus, si l’électricité a été rétablie assez vite pour les plus chanceux, d’autres ont attendu plusieurs jours. Des conséquences indirectes sont également à prévoir dans les étables, en raison du stress des animaux après cette terrible nuit. La productivité laitière mais aussi la santé des troupeaux ont été affectées.

En visite dans le Finistère le 3 novembre, Emmanuel Macron a promis que l’état de catastrophe naturelle serait déclaré dans de nombreuses communes. Cette perspective s’est éloignée depuis, Marc Fesneau expliquant qu’une tempête n’est pas une catastrophe naturelle. Pourtant, dans nombre de communes, le vent a dépassé les 145 km/h pendant au moins 10 minutes ce qui correspond à la qualification d’un ouragan et permet la déclaration de catastrophe naturelle (article L. 122-7 du Code des assurances).

Dans le Finistère, malgré des rafales enregistrées à plus de 145 km/h dans les terres, l'état de catastrophe naturelle n'a pas été retenu.

L’état de catastrophe naturelle ne change pas le processus d’indemnisation mais l’origine des fonds passe des assureurs à l’État. Pour les assurés, il n’y a, en principe, pas de différence. Sauf que les assureurs n’ont pas tardé à expliquer qu’ils étaient dans l’incapacité de tout indemniser. Pour certaines exploitations maraîchères, par exemple, la facture dépasse le million d’euros. Il y a fort à parier que les cotisations futures vont grimper.

En Normandie, 170 éleveurs se déclarent sinistrés

La Normandie, en particulier le département de la Manche, et une partie de la Seine-Maritime ne bénéficient pas non plus de l’état de catastrophe naturelle. En plus de la tempête s’ajoutent pourtant les dégâts causés par les pluies incessantes qui s’abattent depuis plus d’un mois. Là aussi, il y a d’abord des conséquences directes : bâti envolé, arbres arrachés, animaux blessés, chute de production. À l’heure où nous publions, 170 agriculteurs se sont déclarés sinistrés auprès du numéro vert unique mis en place par la chambre d’agriculture (1).

Si la collecte semble avoir été globalement maintenue, des pertes de lait restent à évaluer. Car il y aura assurément des conséquences sanitaires durables pour certains élevages laitiers restés sans eau ni électricité pendant parfois plus de 72 heures. Ceci, malgré l’implication remarquable d’Enedis et de l’ensemble des services de l’État, tient à rappeler Jean-Michel Hamel, président de la FDSEA 50 et producteur laitier. « Un comité départemental d’experts a été mis en place par arrêté préfectoral afin d’évaluer l’ensemble des pertes de fond non couvertes par les assurances et qui pourraient bénéficier du statut de calamité agricole. Maintenant, il faut surtout que l’eau s’évacue. » Et le syndicaliste de pointer les règles d’interdiction de curage des fossés et cours d’eau mis en application par l’OFB (Office national de la biodiversité). Une pratique qui devrait pourtant contribuer à faciliter le bon écoulement des eaux en cas d’excès de précipitations. Mercredi 22 novembre, la FDSEA et les JA ont manifesté devant l’OFB pour dénoncer ces incohérences.

Dans le Pas-de-Calais, l’élevage laitier décrété prioritaire

La même incompréhension concernant les règles de gestion de l’eau s’est exprimée dans le Pas-de-Calais, où chacun a pu voir dans les médias l’ampleur des inondations et ses conséquences sur toute la façade littorale du département, jusqu’à la baie de Somme. Localement, des précipitations de près de 800 mm depuis le 18 octobre sont évoquées. Alors que la décrue semble s’amorcer, les syndicats soulignent par ailleurs la nécessité d’investir dans les ouvrages d’évacuation de l’eau vers la mer (écluses, pompes), dans un territoire très sensible aux inondations en raison de sa topographie. Le cumul est tel que les nappes débordent, laissant parfois apparaître des sources dans les bâtiments d’élevage. Des lots d’animaux ont ainsi dû être entièrement relogés. Heureusement, sur le terrain, la solidarité s’est organisée via le syndicalisme : aide à la traite, mise à disposition de bâtiments, de groupe électrogène ou de pompe… En l’état des remontées de terrain, l’ADPL, section laitière de la FDSEA, évoque entre un tiers et la moitié des éleveurs laitiers plus ou moins touchés. Les pertes directes de lait liées à un défaut de collecte semblent néanmoins très limitées.

Dans le département, 205 communes sont d’ores et déjà re­connues en état de catastrophe naturelle, d’autres devraient venir. Un numéro unique a été mis en service pour permettre à chaque sinistré de se faire connaître (2). Parallèlement, à l’initiative de la direction départementale des territoires et de la mer, une cellule de crise a été mise en place. Elle réunit tous les partenaires de l’agriculture, avec une priorité affichée pour l’élevage laitier. Son objectif est de centraliser et d’évaluer le montant des dégâts. Des pistes d’accompagnement y ont déjà été abordées : report de cotisations MSA, prêts bancaires à taux zéro, aides au remplacement du matériel... Une demande a été faite au Cniel d’annuler les analyses de lait consécutives à la tempête dans les zones sinistrées. « Les travaux de cette cellule ne font que commencer, rappelle Charles Inglard, président de l’ADPL. Mais il faut d’abord recenser tous les dégâts et faire remonter l’information pour n’oublier personne. »

Une aide de l’État bien dérisoire

La Caisse centrale de réassurance a estimé, mercredi 22 novembre, à 550 M€ le coût des inondations pris en charge dans le cadre du régime de catastrophe naturelle dans les Hauts-de-France, dont au moins la moitié à sa charge. Le fonds de 80 M€ annoncé par le ministre n’y changera pas grand-chose. Ce montant, à partager entre toutes les régions touchées, est dérisoire. Et, au 21 novembre, les modalités de répartition restaient floues.

(1) Contact: sinistre_tempete@normandie.chambagri.fr ; tél. 06 07 38 12 28

(2) Numéro unique : 03 20 63 79 00

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

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