Blocage d'un Buffalo Grill, rassemblement au marché du porc de Plérin, assemblée de tracteurs devant la Maison de l'Europe... Quelques mobilisations étaient signalées jeudi, à l'appel de la première alliance syndicale agricole FNSEA-Jeunes Agriculteurs contre les importations « aberrantes » qui minent selon elle l'agriculture française.
D'autres actions symboliques sont annoncées pour vendredi, loin des grandes journées de blocage des deux hivers derniers alors que vendanges et récoltes occupent encore le monde paysan.
Dans le viseur des agriculteurs, le projet d'accord de libre-échange entre l'Union européenne et des pays latino-américains du Mercosur dont Bruxelles a lancé début septembre le processus de ratification, et vis-à-vis duquel la France, hier très opposée, semble depuis se montrer moins défavorable.
Plus globalement, il s'agit cette fois de se mobiliser contre « le Mercosur, les taxes imposées par Donald Trump et le flot des importations internationales qui ne respectent pas les normes qui sont les nôtres », résume Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA.
Sur le Mercosur, le dirigeant syndical interpelle Emmanuel Macron depuis que la Commission européenne a présenté le 3 septembre un projet de texte amendé de « clauses de sauvegarde renforcées » pour satisfaire les réticences françaises.
« Le président doit être plus clair »
« Le président doit être plus clair. L'Etat nous dit "on expertise" (le texte, NDLR). A un moment, il faudra nous dire ! », a-t-il réclamé mardi à la presse à l'Assemblée nationale, où tous les syndicats ont été entendus sur ce projet de traité.
Celui-ci doit permettre à l'UE d'exporter davantage de voitures, machines, vins... La filière viti-vinicole, confrontée à un phénomène général de déconsommation et à des conflits commerciaux aux Etats-Unis et en Chine, a exprimé son intérêt, par le biais de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). Mais l'accord facilitera aussi l'entrée de bœuf, volaille, sucre, miel, riz, exemptés de droits de douane.
Alors que Bruxelles insiste sur la faiblesse des volumes attendus, les filières européennes crient au risque de déstabilisation et de baisse des prix, et surtout à la concurrence déloyale du fait de normes moins-disantes sur le plan sanitaire et environnemental et de contrôles défaillants.
Jeudi, une cinquantaine d'agriculteurs, selon des représentants syndicaux, ont bloqué l'entrée d'un Buffalo Grill à Pusey, près de Vesoul (Haute-Saône), pour protester contre le Mercosur et pour la défense de la viande française. Ils ont amené une Charolaise devant la porte d'entrée et ont tagué sur la devanture « Je suis français, je mange français ».
Ordre syndical dispersé
« Les dégradations sur notre restaurant de Vesoul ne visent pas le bon acteur. Elles sont inacceptables », a déploré auprès de l'AFP le directeur général de l'enseigne Robert Guillet, assurant qu » à aucun moment nous n'avons ne serait ce que penser à importer depuis les pays d'Amérique du Sud ».
A Plérin (Côtes d'Armor), une cinquantaine de manifestants étaient réunis au marché au porc, selon un photographe de l'AFP.
Dans le centre de Dijon, 150 agriculteurs sont venus, avec 41 tracteurs et bennes, déverser fumier, terre et paille devant la Maison de l'Europe. « C'est à cause de l'Europe qu'on est là. On importe de la viande qu'on n'a pas le droit de produire chez nous, alors qu'on a l'agriculture la plus durable au monde », explique à l'AFP Antoine Fauchet, président des JA d'Is-sur-Tille (Côte d'Or).
« N'importons pas ce qu'on ne veut pas qu'on produise. C'est ça, l'hypocrisie de l'Europe. Sous couvert d'écologie, on importe ce qu'on ne produit pas ici, avec aucune norme environnementale et sociale », appuie Dominique Noury, éleveur de vaches charolaises et de volailles.
« Les gens sont épuisés, c'est vraiment pour soutenir »
La mobilisation se poursuivra vendredi sous diverses formes : mobilisations en supermarchés, défilés devant des préfectures, présentation de produits jugés « aberrants » (pommes du Chili, noix des Etats-Unis, etc), ou manifestation régionale avec tracteurs place d'Armes, devant le château de Versailles.
Mais pour les agriculteurs interrogés par l'AFP en Occitanie, cette date du 26 septembre ne convient pas, en période de vendange et de récolte céréalière, « maïs, tournesol, soja, sorgho », énumère Jérôme Barthès, président de la FDSEA de l'Aude : « c'est trop tôt dans la saison. Il peut y avoir un manque d'agriculteurs impliqués » dans la mobilisation.
Son syndicat prévoit une action vendredi aux abords de Carcassonne. Ce sera « surtout de la communication, des distributions de tracts », dit-il.
« Les gens sont épuisés, [cette mobilisation] c'est vraiment pour soutenir », confirme Enzo Rodriguez, président des JA des Pyrénées-Orientales. « C'est symbolique. On suit l'appel national, mais la période est compliquée », en cette saison de vendanges ou de récolte de maïs, souligne Enzo Rodriguez, président des JA des Pyrénées-Orientales, sans fermer la porte à de nouvelles mobilisations dans les prochaines semaines.
« On veut que la copie soit sur le bureau du ou de la prochaine ministre »
En Haute-Garonne, la FDSEA souligne que la « base, elle suit. Même s'il n'y a pas de gouvernement, on veut que la copie soit déjà sur le bureau du, ou de la, prochaine ministre », explique Luc Mesbah, secrétaire général.
Le texte sur le Mercosur doit encore être approuvé par les Etats membres puis par le Parlement européen, la Commission espérant leur aval d'ici fin décembre. A l'Assemblée nationale mardi, les syndicats ont exprimé leur opposition au traité dans un rare mouvement d'unanimité. Mais ils se mobiliseront en ordre dispersé.
La Coordination rurale (CR), dans une volonté de se démarquer, veut être reçue par le Premier ministre Sébastien Lecornu pour lui présenter ses propositions, avant une mobilisation « avant la fin de l'année ».
Le 3e syndicat, la Confédération paysanne, pour sa part a annoncé une manifestation à Paris, « tracteurs en tête », le 14 octobre.
Rappelant son engagement de toujours contre les traités de libre-échange, elle dénonce les « contradictions profondes des dirigeants de la FNSEA et de la CR » dont la lutte contre les normes « empêche une réelle stratégie gagnante contre les accords de libre-échange ».
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