Un bâtiment au top pour se faire remplacer facilement

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Yves Kermarrec pilote les ouvertures et la lumière à partir d’un tableau de commandes. Les pignons sont fermés par des portes sectionnelles. La partie haute des dômes est ouverte pour favoriser la ventilation. Les entrées de pluie sont minimes. La partie basse est étanche. Devant le portail, on voit un pont-levis. Dans cette position, il permet de garder propre la table d’alimentation. Quand il se lève, il donne accès à la salle de traite située à gauche, prolonge l’aire d’attente et crée un cou (© P.Le Cann)

Éleveur breton engagé, Yves Kermarrec a construit un bâtiment multichapelle pour ses laitières. Tout est fait pour le confort des animaux et des personnes afin de faciliter son remplacement lors de ses nombreuses absences.

Installé sur une exploitation laitière depuis 2001 au Drennec (Finistère), Yves Kermarrec se définit comme un manuel qui a besoin aussi de travailler avec sa tête. Bien dans sa peau d’éleveur, il est en plus conseiller municipal et vice-président de sa coopérative, Even. Concilier ses mandats, son métier et sa vie personnelle constitue pour lui un objectif majeur, d’autant moins simple à atteindre qu’il est seul chef d’exploitation.

Pour raccorder le nouveau bâtiment à l’ancien (visible derrière à droite) il fallait l’orienter Est-Ouest. Les façades Nord et Sud sont habillées de rideaux. Un capteur de pluie côté Nord commande la fermeture du rideau qui se trouve contre les logettes. Les parties hautes et basses s’ouvrent et se ferment indépendamment. (© P.Le Cann)

Il a démarré avec 30 vaches produisant 240 000 l de lait dans un bâtiment de 56 places. Petit à petit, en reprenant une exploitation de 16 ha et en obtenant du volume B, il s’est développé jusqu’à la saturation de son étable.

Pâturage et ensilage de maïs

En 2018, avec 70 vaches en système libre-service et un volume de référence de 700 000 l, il est parvenu au bout de ce qu’il pouvait faire. Dix génisses étaient mises en pension chaque hiver faute de place et surtout, Yves avait payé sa dernière annuité. Allait-il réinvestir et poursuivre sa carrière, ou vendre pour faire autre chose ? L’envie de continuer l’a emporté mais pas dans ses conditions. Le manque d’espace pesait sur les performances et l’inconfort risquait de rendre difficile son remplacement alors que ses divers mandats lui prennent environ cent jours par an.

Yves n’a pas remis en cause son système de production basé sur le pâturage et l’ensilage de maïs, le jugeant adapté au contexte de son exploitation. Le pâturage démarre mi-février et se poursuit jusqu’à mi-décembre. Pour des raisons d’organisation du travail, il n’y a pas de vêlages de fin décembre à fin mai. La distribution de maïs augmente dès le mois de juillet pour soutenir la production des vaches en début de lactation. En moyenne sur le printemps et l’été, elles en consomment 5 kg de MS/jour.

Depuis, en 2022, Yves a repris 10,8 ha ce qui porte la surface accessible au pâturage à 36 ha dont 28 en herbe cette année. De ce fait, le besoin en maïs devrait se réduire un peu. Les génisses et les taries pâturent un îlot de 5 ha situé à 5 km du siège d’exploitation. Les travaux des champs sont confiés à une entreprise.

Rencontre décisive avec le BTPL

À l’occasion d’un congrès du réseau EDF (European Dairy Farmers), auquel sa coopérative est adhérente, Yves a rencontré Dominique Lagel, conseiller en bâtiment au BTPL, et lui a fait part de ses interrogations. «J’ai bien aimé ses idées et j’ai suivi son conseil en participant à une formation de deux jours sur le thème : comment loger 75 vaches », se souvient l’éleveur.

Dominique Lagel s’est rendu sur place pour voir les installations et éplucher les résultats Écolait. Yves lui a précisé qu’il avait quantifié son temps de travail et découvert qu’il passait souvent deux heures par jour pour déplacer les animaux, notamment du fait du manque d’espace et de l’absence de contention.

Les résultats technico-économiques étaient bons, preuve que le système fonctionnait malgré tout. Agrandir le bâtiment pour ajouter des places risquait de déséquilibrer ce fonctionnement puisque les vaches voudraient probablement toutes aller dans la partie neuve. Dominique a proposé six avant-projets et l’idée de construire un bâtiment neuf pour les vaches et de loger les génisses et les taries dans l’ancien s’est imposée. Les travaux ont été réalisés en 2021.

Adaptations dans la vieille salle de traite

Le budget s’élevait à 500 000 €, hors traite. Difficile d’aller au-delà. «J’ai une salle de traite 2 x 5 en épi datant de 1993 et fonctionnant encore bien», raconte Yves. La traite prend environ deux heures mais sa salariée de l’époque se plaignait de douleurs aux épaules. Yves a obtenu de son constructeur une griffe plus légère à tester. Le passage d’un poids de 3,2 à 1,6 kg a tout changé. Toutes les griffes ont été remplacées pour un coût de 600 €/poste.

Le nouveau bâtiment est accolé à l’ancien qui héberge les génisses et les taries. Ces animaux ont accès à une table d’alimentation dans la partie neuve. Ceci oblige à garder une partie du bâtiment ouverte ce qui favorise les entrées d’oiseaux. Yves Kermarrec cherche une solution pour les éviter. (© P.Le Cann)
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Au fil de ses participations aux congrès d’EDF, Yves avait visité de nombreux bâtiments et identifié ce qui lui plaisait, ou pas. La conception en multichapelle le tentait car elle laisse entrer beaucoup de lumière naturelle. Les visites avec le constructeur l’ont rassuré sur le risque de manque de résistance au vent. Car les tempêtes d’automne peuvent se montrer violentes à la pointe du Finistère.

Pas d’effet de serre en été

L’été 2022 a permis de confirmer l’adaptation de ce type de structure aux fortes chaleurs. Quand la température a flirté avec les 40 °C, les vaches ont clairement choisi de rester à l’intérieur et la production s’est maintenue durant l’été. En effet, la bâche du toit fait de l’ombre dans l’ensemble du bâtiment. Il n’y a pas de faîtières ouvertes mais, entre l’ouverture permanente des sommets des dômes et celle pilotable des rideaux sur les longs-pans et des portails en pignon, la ventilation naturelle s’effectue très bien.

Même en ce jour neigeux de janvier, le bâtiment s’avère lumineux. C’est ce qui a séduit Yves quand il a visité ce type de construction pour la première fois au Pays-Bas. Il craignait une trop grande fragilité dans sa région venteuse du Nord Finistère. Finalement, le bâtiment a résisté à des rafales de plus de 100km/h. En été, la bâche fait ombrière. Lorsque la température extérieure est montée à 39°C en 2022, les vaches sont restées à l’intérieur et la production s’est maintenue. (© P.Le Cann)

Au fil des visites, Yves a vu également qu’il existait des solutions pour relier le nouveau bâtiment à l’ancien. Pour des raisons pratiques, le vieux ne pouvait servir qu’au couchage. Il fallait donc créer une table d’alimentation dans la nouvelle structure pour les génisses et les taries.

Les visites l’ont conforté dans l’idée de prévoir une place par vache, à l’auge comme en logettes. Il a aussi retenu l’option de barrières qui se lèvent le long de rails, moins encombrantes et plus faciles à manipuler que celles qu’il faut pousser. Plus original, il a choisi un Dac suspendu, installé sur l’aire d’exercice. Il est facile à nettoyer et peu encombrant. Le support a été spécialement créé par un artisan du coin. Les logettes souples ont eu sa préférence dans un souci de confort pour les animaux. Il en est satisfait, même si certaines vaches se couchent à l’envers. Il dispose de 89 logettes pour une moyenne de 75 vaches à la traite.

Un bâtiment évolutif

L’ensemble a coûté 543 000 €, soit un prix proche de celui d’un bâtiment plus classique. Pour comparer, il faut tenir compte du fait que la bâche du toit sera à remplacer au bout de quinze ans, ce qui coûtera 25 000 €. Des réservations ont été faites en vue de créer une nouvelle installation de traite, robot ou autre. De même, une extension est possible en ajoutant une autre chapelle ou en allongeant le bâtiment.

Un an et demi après la mise en service du bâtiment, Yves identifie quelques points à améliorer. Entre 2021 et 2022, la marge brute est passée de 242 à 303 €/1 000 l, mais la consommation de concentrés a progressé aussi de 1 154 à 1 336 kg/vache/an en lien avec la volonté d’augmenter la productivité laitière. Yves vise 8 500 l vendus par vache, un niveau déjà atteint il y a quelques années, avant que la saturation du bâtiment ne pénalise les performances. Y revenir n’implique pas de grands changements. Mais, déjà, l’éleveur et Anaïs Dietenhoeffer, sa salariée, bénéficient d’un cadre de travail agréable, le bien-être des vaches s’est nettement amélioré et la rentabilité de l’élevage est préservée.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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