
Au Gaec Delcroix-Duflos, le choix de la microméthanisation s’avère très complémentaire du système de polyculture élevage et offre une voie de diversification tout en améliorant le bilan environnemental de l’exploitation.
Au mois d’octobre 2022, après deux ans de réflexion, de visites, de montage de dossier, puis de travaux, Ludovic et Virginie Delcroix, éleveurs à Bessent (130 vaches laitières à 9500 l en moyenne), dans le Pas-de-Calais, ont mis en route une unité de microméthanisation par voie liquide, c’est-à-dire qui fonctionne uniquement à partir du lisier produit sur la ferme. Il s’agit d’un investissement dans l’air du temps qui ne manque pas d’atouts : pour un coût total de 269 000 €, la microméthanisation offre l’opportunité au couple de dégager un complément de revenu, sans impact sur l’assolement (donc le produit des cultures de vente) et avec un temps de travail minimal.
« Le procédé consiste à récupérer le méthane du lisier, qui serait perdu par évaporation, pour lui donner une valeur. Dès le départ, nous avions exclu l’idée d’un projet impliquant la circulation de camions chargés de coproduits dans le village et dans la cour, ou la mise en culture de maïs, pour alimenter le méthaniseur. Notre projet était de fonctionner en autonomie, pour valoriser un déchet de la ferme dans un système vertueux d’un point de vue environnemental. C’est notre côté un peu bobo », plaisantent les éleveurs.

Ici, le troupeau de 130 laitières en ration semi-complète est logé dans une stabulation de 140 logettes sur béton, équipées de tapis et/ou de matelas. L’aire d’alimentation centrale sépare les vaches en début de lactation conduites en zéro pâturage, des fins de lactation bénéficiant d’un accès à l’herbe. D’un côté, les deux couloirs bétonnés sont curés toutes les deux heures par un racleur et, de l’autre, par un robot racleur. Au bout du couloir de raclage, le lisier tombe d’abord dans une préfosse de 50 m3, avant d’être évacué vers la fosse en béton de 2 200 m3.
« Notre banque a suivi le projet assez facilement »
Le projet de microméthanisation a été bâti avec la société belge Biolectric, concepteur et fournisseur des équipements. Dans le cadre d’un partenariat, Seenorest (contrôle laitier du Pas-de-Calais) a réalisé le montage des dossiers administratifs. « La signature du contrat de revente d’électricité est la partie la plus longue du projet et Enedis ne lance l’étude de faisabilité qu’après l’obtention du permis de construire, soulignent les éleveurs. Heureusement, le permis a été obtenu en seulement trois mois et la banque [NDLR : Crédit Agricole] a suivi assez facilement le projet. Il a aussi fallu changer d’assurance pour souscrire un contrat spécifique. Au total, il s’est écoulé dix-huit mois entre la commande à Biolectric et la mise en route du site. »

Le dispositif fonctionnant sans ensilage ni coproduit, il n’y a donc pas de silos supplémentaires à prévoir.
Captation de 90 % du méthane contenu dans le lisier frais
L’empreinte au sol est ainsi réduite : elle comprend un digesteur de 362 m3 raccordé à la préfosse (50 mètres) d’où il est approvisionné en lisier grâce à une pompe de 15 kW. Dans le digesteur, le lisier est mélangé à une température de 39 à 42 °C permettant aux micro-organismes anaérobies de produire le biogaz (CH4). Au Gaec, le lisier est « épaissi » par environ 350 g de paille broyée épandue quotidiennement dans les logettes. « Il n’y a pas de limite précise d’incorporation de paille, indique Sigrid Farvacque, chargée de projet Biolectric.
Le repère est un lisier ne devant pas excéder 10 % de MS. Mais, sur le terrain, cela dépend de la pompabilité du lisier, qui est variable selon les situations. Ici, la possibilité de pomper directement dans la préfosse assure l’alimentation du digesteur uniquement avec du lisier frais du jour, ce qui permet de capter 90 % du méthane produit. Cela représente une baisse de 20 à 30 % du bilan carbone d’une exploitation. » Le biogaz est ensuite détourné vers le local technique, un conteneur où il est compressé, asséché, où le soufre est filtré pour produire de l’électricité et de la chaleur à l’aide d’un moteur à combustion et d’un générateur. Un réseau d’eau récupère 30 % de la chaleur thermique pour chauffer le digesteur.
Un retour sur investissement après sept ans et six mois
Les deux moteurs quatre cylindres de 16 500 kW sont dimensionnés à la taille du troupeau. Ils font tourner une génératrice qui produit de l’électricité injectée dans le réseau EDF via le raccordement à un transformateur situé à 800 mètres de la ferme. Lorsqu’ils tournent à 100 % de leurs capacités, ils assurent une production de 33 kW/heure, pendant 8 760 heures par an. Le contrat passé avec EDF garantit pour une durée de vingt ans un tarif de revente de 20 cts/kW, c’est-à-dire un chiffre d’affaires annuel de 57 816 € (33 kW x 8 760 heures x 0,20 €).

Côté charges, il faut bien sûr mettre dans la balance le montant des annuités d’emprunt, mais aussi le surcoût de l’assurance et le coût de fonctionnement électrique du site de 280 € HT/mois. À partir de la deuxième année, les éleveurs souscrivent un contrat de maintenance de 15 000 €/an : il inclut un bilan trimestriel avec les techniciens Biolectric, toutes les interventions curatives, les consommables (filtres et toutes pièces de rechange) et un service de monitoring en ligne associé à une garantie de fonctionnement des équipements de 90 % au minimum. « La rentabilité commence à partir de 75 %, c’est-à-dire un retour sur investissement programmé après sept ans et six mois », soulignent les éleveurs.
Un seuil de rentabilité minimal de 100 vaches
En l’état, l’installation du Gaec est légèrement surdimensionnée pour valoriser à terme le lisier de 150 vaches, conformément au projet d’agrandissement des éleveurs : « La microméthanisation fait partie d’un projet global comprenant l’accroissement de la taille du troupeau, couplée à l’installation de trois robots de traite, expliquent-ils. Cela ouvre la porte à des développements possibles, comme l’autoconsommation d’une part de l’électricité produite afin d’alimenter les futurs robots de traite. » Dans l’attente, ils ont aussi l’intention de valoriser la chaleur actuellement perdue pour chauffer leur maison d’habitation, « l’échangeur est déjà installé, il manque juste les tuyaux de raccordement ». Plus tard, en fonction de l’évolution du marché de l’électricité, l’autoconsommation de 100 % de l’électricité produite est envisageable, sous réserve de renégocier le contrat EDF. « La baisse de l’empreinte carbone de l’exploitation offre aussi l’opportunité de valoriser demain des crédits carbone », indique Hervé Dubois. Le conseiller Seenorest chargé du montage des dossiers administratifs a accompagné une cinquantaine de projets avec Biolectric sur sa zone (Pas-de-Calais et Lorraine). « La microméthanisation est une solution abordable, entre 200 000 et 300 000 €, pour mettre en place une production complémentaire sans trop de travail supplémentaire. » Pour Sigrid Farvacque, le seuil de rentabilité de la microméthanisation correspond à un troupeau de 100 vaches au minimum pour une production de 22 kW/h, « car la microméthanisation ne bénéficie pas d’aides en France et il y a un coût que l’on peut difficilement établir en dessous de 170 000 € ».
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