DOPER UN MOTEUR, PAS N'IMPORTE COMMENT !

L'opérateur se connecte sur la prise diagnostic du véhicule, il récupère le fichier d'origine puis, à l'aide d'un logiciel, reprogramme certains paramètres et réinjecte le fichier modifié dans le calculateur.©  VIJOROVIC D
L'opérateur se connecte sur la prise diagnostic du véhicule, il récupère le fichier d'origine puis, à l'aide d'un logiciel, reprogramme certains paramètres et réinjecte le fichier modifié dans le calculateur.© VIJOROVIC D (©)

INTERVENIR SUR LES PARAMÈTRES MOTEUR, PAR UN BOÎTIER OU EN MODIFIANT LA CARTOGRAPHIE, EST UNE PRATIQUE QUI SE DÉVELOPPE. LES OFFRES SONT SOUVENT ALLÉCHANTES MAIS ATTENTION OÙ ON MET LES PIEDS.

QUI VEUT DES CHEVAUX SUPPLÉMENTAIRES sur son tracteur, son ensileuse ou son télescopique ? Le dopage des moteurs serait très « tendance » dans nos campagnes. « Cela a toujours existé : modifier le débit de la pompe à injection pour gagner de la puissance. Aujourd'hui, avec la gestion électronique des moteurs, les interventions sont plus sophistiquées, avec pas mal de prestataires qui offrent ce service », note Christian Savary, conseiller en machinisme à la chambre d'agriculture de la Manche. Certains ont pignon sur rue et peuvent revendiquer une expérience en la matière. D'autres, venus de l'automobile ou du poids lourd, investissent un marché agricole qui pourrait être juteux. Les offres sont alléchantes : pour un peu plus de 1 000 €, on vous propose davantage de puissance et de couple, le tout avec une consommation de carburant diminuée.

Des déceptions après l'achat d'un nouveau modèle alimentent la demande des agriculteurs. Nombreux sont les utilisateurs qui se plaignent de tracteurs qui n'expriment pas la puissance affichée, qui manquent de couple à bas régime, donc moins agréables à conduire et qui, pourtant, consomment plus. Les normes environnementales Tier 3 et Tier 4 expliqueraient ces différences de comportement.

Les offres des constructeurs, qui alignent souvent trois ou quatre modèles équipés de la même motorisation, mais avec 30 ch et 20 000 € d'écart, sont une autre motivation pour « optimiser » le moteur du modèle inférieur.

La première technique d'optimisation consiste à installer un boîtier électronique, souvent numérique, qui pilote le temps et le débit d'injection.

La seconde est une intervention directe sur la cartographie du calculateur du moteur. Dans ce cas, l'opérateur se connecte sur la prise diagnostic du véhicule. Il récupère le fichier d'origine puis, à l'aide d'un logiciel, il reprogramme certains paramètres et réinjecte le fichier modifié dans le calculateur. L'intervention est assez rapide (1 h 30).

NE PAS ALLER AU-DELÀ DES TOLÉRANCES MÉCANIQUES

C'est le savoir-faire de l'ingénieur motoriste qui permet d'optimiser les courbes de mesure de puissances de couple et de consommation. « Les clients nous demandent surtout d'intervenir sur le couple à bas régime et sur la consommation. Ainsi, à régime moteur égal, il aura davantage de puissance, ce qui permet de moins consommer », explique Damien Chandron, de Sport System.

N'y a-t-il pas des risques à modifier ainsi les données du constructeur ?

Plusieurs conseillers en machinisme mettent en garde devant cette pratique. Certes, le moteur en tant que tel peut avoir des marges de progression, mais quid de ce qu'il y a autour ? Le surplus de puissance sera-t-il accepté par le circuit de refroidissement, la boîte de vitesses, le pont, etc. ? Le sérieux du prestataire est ici primordial. « Nous nous interdisons d'aller au-delà des tolérances mécaniques. Et la marge est différente d'un modèle à l'autre. Mais dans la majorité des cas, la demande des clients n'est pas sur la puissance, mais sur le couple et la consommation », affirme Damien Chandron.

Didier Langlois, conseiller à la chambre d'agriculture de Poitou-Charentes, pointe un autre risque chez des agriculteurs qui optimisent leurs moteurs sans un passage préalable au banc de puissance. « Il y a tellement d'écarts d'un tracteur à l'autre qu'il faut savoir d'où on part avant d'intervenir sur le moteur. Le passage au banc de puissance est aussi indispensable après l'optimisation pour vérifier ce qui a été fait. Ceux qui travaillent à l'aveugle s'exposent à des déconvenues, comme récupérer 100 ch supplémentaires et une espérance de vie du moteur limitée. »

PRÉVENIR SON ASSUREUR EST INDISPENSABLE

Pourquoi les constructeurs ou les concessionnaires n'optimiseraient-ils pas eux-mêmes leurs propres moteurs ?

« Les concessionnaires et certains constructeurs qui ne sont pas des motoristes n'ont pas accès à toute la cartographie du moteur. Ils peuvent modifier certains paramètres mais ils n'ont pas la main sur tout. D'ailleurs, Sport System travaille essentiellement avec des concessionnaires et très peu en direct avec les particuliers », poursuit-il.

Un autre risque est celui du défaut d'assurance avec un engin que l'on pourrait juger « trafiqué ». Interrogés, les assureurs nous confirment que « certaines garanties dommages sont exclues si l'engin n'est pas utilisé conformément aux prescriptions du constructeur ».

La première des précautions est de déclarer la modification à son assureur par lettre recommandée. Sans cette démarche, il pourrait considérer qu'il y a une modification du risque (voire une aggravation) avec des conséquences qui peuvent être énormes en cas d'accident.

Enfin, d'autres interventions sont clairement illégales : la suppression du filtre à particules, des vannes EGR ou des capteurs du catalyseur SCR. Idem pour la modification de la vitesse d'avancement du matériel. « Nous nous interdisons d'intervenir sur la suppression des systèmes antipollution. D'ailleurs, l'article 16 du projet de loi énergétique condamne financièrement et pénalement ces transformations et ceux qui se livrent à leur propagande », avertit Damien Chandron.

Curieusement, il nous a été signalé que certains concessionnaires avaient cette pratique !

DOMINIQUE GRÉMY

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

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