
Moins médiatisée, la question de l’érosion de la biodiversité est aussi vitale que celle du dérèglement climatique pour l’humanité. La prise de conscience conduit à des engagements politiques internationaux de plus en plus tangibles. Mais le défi peut sembler inatteignable. Pourtant, par le biais de la préservation ou de la restauration des habitats naturels, les éleveurs bovins ont un rôle clé à jouer.
La biodiversité est le tissu vivant de notre planète : elle englobe non seulement l’ensemble des espèces (plantes, animaux, champignons, bactéries) et les relations entre elles, mais aussi leurs interactions avec de multiples écosystèmes (milieux de vie comme les prairies, mares, sols). Enfin, elle recouvre la diversité génétique des individus. D’après le site gouvernemental biodiversite.gouv.fr, 54 % du territoire de la France métropolitaine est couvert par des écosystèmes agricoles. Ces dernières décennies, l’intensification des pratiques (intrants de synthèse), la concentration des fermes (arrachage de haies), la spécialisation des territoires, ont fortement pénalisé la biodiversité dans ces espaces. Les populations d’oiseaux, d’insectes, de chauve-souris ainsi que la faune du sol sont touchées. Les évaluations de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), également appelée « Giec de la biodiversité », sont sans appel : le vivant décline à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine.
En France métropolitaine toutefois, les tendances montrent surtout un recul des surfaces des écosystèmes lié à l’artificialisation des sols – et donc une régression des effectifs de populations par la destruction des habitats naturels –, davantage que la disparition d’espèces. Bien que l’urgence soit de plus en plus pressante, il est encore temps d’agir pour enrayer le déclin. Tel est d’ailleurs l’objectif de la France, de l’Europe et des Nations unies à l’horizon 2030, comme cela a été rappelé à la COP15 biodiversité, qui s’est tenue à Montréal en décembre dernier.
Conditionnalité des aides Pac : des nouveautés
Préserver, voire restaurer, la biodiversité n’est pas une option pour assurer le futur de l’humanité. Car, au-delà de son aspect patrimonial, la biodiversité est essentielle à l’équilibre et à la régulation de nombreux processus biologiques à la base de la production agricole et, partant, de la sécurité alimentaire. La microfaune des sols contribue à leur structuration, à la fourniture d’éléments nutritifs aux plantes cultivées, à la capacité de stocker de l’eau pour la restituer aux végétaux. Les insectes, oiseaux et chauves-souris interviennent dans la pollinisation des cultures et/ou dans la régulation des ravageurs. Certains écosystèmes agricoles comme les prairies participent à la régulation de la qualité de l’eau. Les haies jouent un rôle significatif dans le contrôle des crues et de l’érosion des sols. En s’appuyant notamment sur les prairies et le bocage, la production bovine laitière est dès lors particulièrement bien placée pour jouer un rôle dans la préservation de la biodiversité des systèmes agricoles.
Et le moment est venu pour les agriculteurs d’intégrer cette dimension dans leur activité. Tel est le message porté notamment par la Politique agricole commune (Pac). La version 2023-2027 renforce la diversification des systèmes agricoles déjà encouragée avec le verdissement de la réforme de 2014. Elle introduit des nouveautés dans la conditionnalité des aides, via les mesures de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) sur la rotation des cultures (BCAE 7), la gestion des prairies (BCAE 1 et 9) et le maintien de la biodiversité (BCAE 8). Les infrastructures agroécologiques (haies, arbres, mares, jachères, etc.) présentes sur l’exploitation sont aussi l’une des voies d’accès aux nouvelles aides de l’écorégime.
Diversification des semences, des cultures et des races
Ce dispositif répond à la logique de paiement des agriculteurs pour les services environnementaux rendus. Il comprend également des bonus haies et prairies permanentes.
Au niveau mondial, un accord a été trouvé en décembre 2022 sur un cadre stratégique de préservation de la biodiversité lors de la 15e conférence des Parties (COP15) à la Convention sur la diversité biologique, à Montréal. Fixant un cap pour la prochaine décennie, il s’applique aux 196 Parties des Nations unies, dont la France, appelées à «des changements transformateurs nécessaires pour restaurer et protéger la nature, et prévenir des effets graves de la perte de biodiversité sur les populations humaines». La France actualise donc sa Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) afin de répondre aux préconisations mondiales, en plus de se conformer au cadre européen (Pac, Pacte vert, directive Habitats, directive Oiseaux). À ce jour, la SNB comprend cinq axes structurants se déclinant en objectifs et mesures opérationnelles. L’objectif n° 6 est de « favoriser la transition agroécologique des modes de production agricole et des systèmes alimentaires ». À titre d’exemple, l’une des mesures opérationnelles concerne « la diversification des semences, cultures, races et espèces animales dans un souci de préservation de la biodiversité ».
Au regard du nouveau cadre réglementaire en construction autour de la biodiversité, nous abordons, dans ce dossier, les leviers concrets à disposition des éleveurs laitiers : aménagements paysagers, agriculture de conservation des sols, diversification du système fourrager, maintien des prairies, préservation de races à petits effectifs. La filière lait a beaucoup de cartes en main pour relever ce nouveau défi.
SOMMAIRE
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
FCO : le Grand Ouest en première ligne
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?
L’agriculture biologique, marginalisée d’ici 2040 ?
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou