Suite à l'interview de Pascal Gortais, président de l’Anarev, publiée sur Web-agri, Eric de Vaulx, vétérinaire en Ille-et-Vilaine a souhaité apporter quelques arguments afin de « rétablir certaines réalités » sur les frais vétérinaires.
![]() Pour Eric de Vaulx, vétérinaire (35), il est illusoire de croire que les frais vétérinaires baisseraient si les vétérinaires n'étaient plus autorisés à délivrer des médicaments directement après les avoir prescrits par ordonnance. (© Eric de Vaulx) |
Web-agri : L’Anarev souhaite voir découpler l’acte de prescrire les médicaments par les vétérinaires et celui de les délivrer. Selon vous, cela aurait-t-il un effet sur les frais vétérinaires payés par les éleveurs ?
Eric de Vaulx : C’est clairement une illusion ! On ne peut pas dissocier le médicament du service global. Actuellement, les vétérinaires ne font payer ni leur prescription, ni les conseils qu’ils peuvent dispenser à longueur de journée lors des visites ou au comptoir, ni leur disponibilité lors des services de garde. Par ailleurs, les pharmaciens, qui ont des officines à faire tourner, n’appliqueraient pas des marges foncièrement plus basses que les vétérinaires. Pour se faire délivrer les médicaments, les éleveurs n’auraient donc plus le « guichet unique prescription-délivrance » et perdraient du temps et de l’argent en déplacement.
L’Anarev parle de mise en danger de la compétitivité de l’élevage français à propos du prix du médicament. Cela me paraît pour le moins exagéré ! Les frais vétérinaires représentent, en moyenne, moins de 3 % du chiffre d’affaires d'un élevage, ils sont loin d’être en tête des dépenses ! De plus, dans ce chiffre sont compris à la fois les actes, les médicaments préventifs, les médicaments curatifs, et les compléments nutritionnels hors prescription.
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Lire l’interview de Pascal Gortais, président de l’Association nationale pour l’amélioration des relations éleveurs-vétérinaires (Anarev) : |
WA : Cette mesure pourrait-elle faire baisser la consommation de médicaments ?
E.dV : Le meilleur moyen de réaliser des économies dans le domaine de la santé animale - comme la très grande majorité des éleveurs l’ont compris - c’est d’appliquer la stratégie "mieux et moins de médicaments". "Mieux", c'est d’abord tout miser sur le préventif (vaccins, antiparasitaires, tarissement,..). D’ailleurs, les marges appliquées sur ces produits sont bien inférieures à celles pratiquées pour les médicaments curatifs. C’est aussi utiliser les solutions curatives à bon escient, en suivant les conseils du vétérinaire qui est disponible au téléphone 24 h sur 24 et 7 jours sur 7.
Pour les médicaments curatifs, c’est aussi la stratégie du "moins", c’est-à-dire d’une utilisation minimale, et surtout pas du produit le moins cher. Ces médicaments ne doivent pas être bradés, au risque d’une utilisation à outrance. Le prix maintenu du médicament curatif doit inciter l’éleveur à demander des conseils et à tout miser sur le préventif. Cela participe aussi aux bonnes pratiques de lutte contre l’antibiorésistance.
WA : Reconnaissez-vous que le non-découplage de la prescription et de la délivrance peut être une source de conflit d’intérêt ?
E.dV : La suspicion de conflit d’intérêt, qui conduirait les vétérinaires à prescrire plus pour délivrer davantage de médicaments, amène un seul commentaire : comme pour toutes les professions, les vétérinaires sont en majorité compétents et honnêtes et quant aux autres, le découplage entre prescription et délivrance ne changera pas leur mentalité. Vous savez, les éleveurs et les vétérinaires ruraux travaillent ensemble, nos carrières se suivent pendant près de 40 ans. S’il n’y a pas de relation de confiance mutuelle qui s’instaure, alors le duo vétérinaire-éleveur est rapidement voué à l’échec.
WA : Pensez-vous que dissocier la prescription et la délivrance, risque de réduire encore le nombre de jeunes vétérinaires qui souhaitent exercer en zones rurales ?
E.dV : Cet argument est souvent mis en avant par la profession vétérinaire, mais je ne pense pas que le principal problème de la pénurie de vétérinaires en milieu rural vienne de là. Il s’agit plus globalement d’un manque de vocation pour aller exercer en campagne. Nous devons alors faire appel à des diplômés venus d’Italie, de Belgique ou d’Espagne.
WA : En parlant de l’Europe, faudrait-il harmoniser les prix et les lois sur le médicament au sein de la communauté ?
E.dV : En ce qui concerne les chiffres donnés sur les prix des médicaments en Espagne ou en Belgique, il est bien connu que l’herbe est plus verte chez le voisin. Pour être juste, il faudrait comparer aussi le prix des actes, la formation et la disponibilité des vétérinaires, ainsi que les performances des éleveurs en matière de santé animale, de résidus et de lutte contre l’antibiorésistance. Néanmoins, il est vrai que les réglementations entre les différents pays européens sont très différentes. Une harmonisation permettrait de limiter les interrogations des éleveurs dans ce domaine.


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