Olivier Lasternas, éleveur : « Intervalle vêlage-vêlage, mon 1er critère de rentabilité élevage »

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Réforme systématique, prospection génétique, une sélection des primipares au sevrage. En 9 ans, le talent et les pratiques d'un jeune éleveur, Olivier Lasternas, lui ont permis de se classer parmi le fleuron des éleveurs sélectionneurs limousins. Interview.

EARL Lasternas

« Le Champagne », Saint Cyr en Champagne (Dordogne)
Eleveur sélectionneur Herd Book Limousin de 60 mères reproductrices
SAU : 70 ha dont:
7 ha de maïs pour l’ensilage et une fabrication de maïs grain humide
10 ha de prairie temporaire en luzerne
53 ha en prairie permanente
Olivier s’est installé le 1er janvier 1997 sur l’exploitation de son grand-père traditionnellement consacrée à la production de pommes, avec seulement 30 mères limousines non inscrites.

Une génisse de renouvellement vendue à dix mois au sevrage de bonne qualité est vendue 1.100€ garanties sanitaires et génétiques avec un niveau de préparation à l’attache, au licol

Nathalie Petit (NP): Cinq ans seulement après votre installation, vous avez été sélectionné pour participer au concours général agricole de Paris en 2002. Quelle a été votre conduite pour accéder si rapidement à un très bon niveau génétique ?
Olivier Lasternas (OL), éleveur sélectionneur limousin à Saint Cyr les Champagne (Dordogne):

Je suis extrêmement rigoureux sur la sélection de mes animaux. Ma première sélection se fait sur les primipares au sevrage de leurs veaux, en fonction des performances individuelles des veaux et du niveau morphologique de l’état dans lequel les primipares se sont entretenues. Dans le choix de mes reproducteurs, j’ai utilisé à la fois les taureaux d’IA (insémination artificielle) que je jugeais correspondre à mon axe de sélection et des taureaux de monte naturelle que je partage en copropriété avec deux autres sélectionneurs. Nous achetons systématiquement deux reproducteurs tous les ans que nous allons choisir en ferme et que nous faisons ensuite évaluer à la station de Lanaud. Cette manière de travailler nous permet d’acheter plus de génétique, de diversifier les origines, de mieux amortir les coûts et de trouver le taureau qui va fonctionner le mieux sur son cheptel. Les meilleurs veaux qui naissent sur nos trois élevages sont élevés et conduits en commun sur nos exploitations. Pour ce qui est des taureaux d’IA, mon cheptel est très marqué par les reproducteurs Highlander et Neuf. Je dois aussi une part de mes progrès au taureau Niagara, un taureau de monte naturelle que nous avons aujourd’hui revendu aux enchères après en avoir conservé des doses. Ce reproducteur est un fils de Haricot, tous deux taureaux RJ. Mes trois critères essentiels de choix dans la sélection des reproducteurs sont la longueur dans les dessus (longueur de dos) où se trouvent les bons morceaux pour la boucherie demandés par les consommateurs, les largeurs de bassin et la finesse d’os.


« Tornade à l’Earl Lasternas (Saint Cyr les champagne, 24) enlève le prix de championnat femelle adulte, au Concours Interrégional Aquitaine / Poitou-Charentes de la race bovine Limousine (Aquitanima Bordeaux). Fille de Niagara qualifié « Reproducteur Jeune » à la Station Nationale de Qualification de Lanaud, cette vache est dotée d’une morphologie exceptionnelle dans ses épaisseurs de dessus, largeurs de bassin, arrondis et largeurs de culotte. Elle possède morphologie mixte qui correspond aux qualités bouchères de notre race », commente Romain Ferrier, chargé de communication à l’Upra France Limousin Selection. (© DR)

NP : Quelle est la marque de fabrique de votre élevage ?
OL :
Notre marque de fabrique correspond complètement aux objectifs du schéma de sélection en race limousine. Mon axe de travail est orienté vers la recherche d’animaux morphologiquement développés qui portent beaucoup de viande, en essayant de maintenir la finesse d’or qui est le caractère primordial en limousin. Au tout premier plan je place également les qualités maternelles des mères : leur capacités d’allaitement et les facilités de vêlage, soit essentiellement un bassin ouvert et large. Les facilités de vêlage sont primordiales dans ma sélection. Les vaches sont faites pour vêler facilement et chez moi, les multipares vêlent systématiquement toutes seules. Nous ne nous lèverons pas la nuit pour vérifier si ça se passe bien.
Ce qui a contribué à notre notoriété fut notre participation systématique sur les concours auxquels nous participons, une vingtaine chaque année. La réputation de l’élevage s’est construite sur ma sévérité dans la sélection des primipares. Au sevrage de leurs veaux, certaines femelles sont mises à l’engraissement. Et ces génisses réformées sont systématiquement conduites à la boucherie et ne se retrouveront jamais dans un circuit de commercialisation pour servir à des fonctions de reproduction.


La deuxième saison de pâture est exclusivement à l’herbe (© Web-agri)
NP : Quelle est votre conduite du pré troupeau ?
OL :
J’ai fait le choix d’un vêlage à trois ans et je ne suis pas prêt d’en changer. Je me suis donné l’occasion d’expérimenter la pratique d’un vêlage à 24 mois mais je trouve que les pertes de croissance ne se rattrapent pas dans le temps au niveau morphologique. Chez nous, les trois quarts des vêlages ont lieu du 15 août au 15 octobre. Les femelles passent l’hiver en stabulation et sont sevrées au printemps. A la mise à l’herbe, elles sont conduites au pâturage avec une complémentation à 16% de protéines jusqu’à l’hivernage au premier novembre. Pour ce premier hiver, elles ont une ration d’enrubannage de luzerne, du foin à volonté et 2,5 kg de maïs grain humide. La deuxième saison de pâture est exclusivement à l’herbe. Et au deuxième automne, elles rentrent également le 1er novembre pour une insémination le 15 et elles ont la même ration hivernale : enrubannage de luzerne, foin et 2,5 kg de maïs grain humide. Ma première sélection sévère se fera au sevrage des veaux, où les primipares insuffisantes à mes yeux sont engraissées pour la boucherie. Je suis passée d’un taux de renouvellement de 28 à 22%. Cette stabilisation stratégique est aussi liée à la difficulté de plus en plus aiguë de choisir les animaux que je vais ou non réformer.

NP : Quel est pour vous le critère d’élevage le plus important pour la rentabilité de votre élevage ?
OL :
Il s’agit pour moi de l’intervalle vêlage-vêlage. Les charges du troupeau sont très fortes et je suis allé au bout de l’optimisation que ce soit dans les charges vétérinaires ou dans les charges alimentaires, un poste sur lequel je suis autonome. Par contre, il est important de maîtriser l’intervalle vêlage-vêlage. Il est de 372 jours sur mon élevage, ce que je considère comme un bon résultat. Toutes les vaches qui peuvent présenter un problème n’ont pas de deuxième chance. Une vache qui va perdre son veau sera systématiquement réformée, des vaches qui se décalent également. Exceptionnellement, je peux faire preuve d’un peu plus d’indulgence sur des vaches de très haute valeur génétique.

NP: Vous commercialisez deux tiers de vos animaux à la reproduction. La valorisation économique est-elle pour vous supérieure à une valorisation bouchère ?
OL:
  Je dirais qu’aujourd’hui, j’ai le même niveau de rentabilité que celui d’un éleveur naisseur engraisseur en race limousin. Car depuis dix ans, j’ai du beaucoup améliorer mon cheptel de souche.
Sur un animal de qualité génétique bonne mais pas exceptionnelle, le différentiel de valorisation économique entre la boucherie ou l’élevage est très faible, ce delta est du coût de l’engraissement. Au plan strictement économique, la progression et la flexibilité des élevages est limitée par les niveaux de chargements actuels conditionnés aux aides. Je constate que j’ai fait l’erreur de vouloir respecter des taux de chargement suffisamment faibles pour bénéficier des primes Pac extensif. J’aurais été gagnant à adopter une conduite un peu plus intensive. Aujourd’hui je m’oriente vers un chargement plus élevé. Je viens d’acheter 10 mères, passant de 50 à 60 mères sur l’exploitation. J’ai eu recours à l’achat extérieur pour aller plus vite. J’aurais pu passer de 50 à 60 par auto renouvellement mais ça m’aurait demandé deux ou trois ans. En passant par des achats extérieurs, j’y suis déjà.

NP : Quels sont à ce jour vos meilleurs produits, les animaux dont vous êtes le plus fier ?
OL :
Tornade est chez moi la première vache qui a très bien débuté jeune et qui continue à briller dans les championnats. Dernièrement, elle a décroché le prix de championnat femelle au salon Aquitanima de Bordeaux en 2006. Par deux fois, elle a été nommée meilleur animal de la Dordogne. C’est une fille de Niagara, un taureau adulte qualifié RJ (jeune reproducteur) qui a marqué près de 50% de mon cheptel. Niagara est lui-même un fils de Haricot, lui-même taureau RJ sorti de la station de Lanaud. J’ai des espoirs aujourd’hui dans sa vraie sœur Vedette, génisse suitée qui possède un bassin exceptionnel. Elle est à la fois très fine d’os et très garnie de son dessus. Elle a fini 5ième au concours national de sa catégorie cette année. J’ai fait naître notamment un taureau Pantin qui a été retenu par le schéma de schéma de sélection limousin mais il n’est pas allé jusqu’au bout, il est resté 5ième réserve au centre d’insémination. J’ai vendu 3.500 € un veau aux enchères à Lanaud, qui a été acheté en copropriété par deux éleveurs de la Haute Vienne. Voilà 4-5 ans que nous participons aux concours nationaux de la race et tous les ans, nous avons des animaux qui se classent dans les dix premiers de la race. Et depuis ces dernières années, j’ai eu des clients à l’exportation, avec des animaux qui sont partis en Espagne, au Portugal, en Italie et au Pays de Galle.

NP : Pour vous qui pratiquez beaucoup de concours, considérez-vous que la recherche de poids très lourds en expo rende service au schéma de sélection de la race ?
OL :
Je dirais en réalité qu’aujourd’hui, le poids optimum d’une vache limousine à destination de la boucherie oscille entre 400 et 430 kg. On s’aperçoit que les carcasses lourdes ne sont plus aussi faciles à vendre, c’est lié à une évolution du marché et des modes de consommation. Au niveau de la race limousine, la prise de conscience est effective et personnellement je ne peux que l'approuver. Il ne reste plus qu’à passer à la mise en œuvre qui a déjà commencé. Cette année, pour le concours national limousin, les poids n’ont pas été affichés et pour le salon de l’agriculture de Paris 2007, des limites de poids vont être imposées dans chaque section.

NP : Comment voyez-vous l’ouverture et la libéralisation du marché de l’insémination artificielle au premier janvier 2007 ?
OL :
A titre personnel, je pense que c’était utile car mes aspirations vont plutôt dans le sens de la libéralisation des activités. Je pense surtout aux bénéfices dans le domaine de la transparence du système : transparence dans le coût des actes, de la mise en place, de la dose en elle-même. Pour le reste, je vais continuer pour ma part à faire confiance à notre centre d’insémination. Je suis en effet très fédérateur vis à vis des instances de l’Upra et de la race en général car je suis convaincu de la nécessité d’une gestion juste et unifiée du schéma de sélection.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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