
Jacques Manière, vétérinaire à Decize dans la Nièvre, berceau de la race charolaise, pratique la transplantation embryonnaire (TE) depuis les débuts de cette technique il y a près de trente ans. Interview.
Les résultats d'une TE dépendent principalement de la qualité de la semence des taureaux, de la capacité à super-ovuler de la donneuse, de la qualité des embryons ainsi que de la fertilité des receveuses. (© Terre-net Média) |
Web-agri : Quelles sont les motivations des éleveurs qui pratiquent la transplantation embryonnaire (TE) ?
Jacques Manière (JM) : Pour le progrès génétique de leur troupeau. L’objectif de la TE est de travailler par la voie femelle en multipliant les veaux issus de bonnes vaches. Cela permet de gagner du temps en réduisant l’intervalle de génération en collectant de jeunes vaches. Pour les éleveurs amateurs de génétique qui sélectionnent et concourent dans le but de vendre des reproducteurs, la rentabilité n’est pas directement leur première motivation. Ils souhaitent avant tout sortir de beaux veaux pour donner de l’intérêt et de la renommée à leur élevage, et pour cela, il faut que les plus belles vaches aient un maximum de descendants.
La congélation d’embryons permet aux éleveurs de se constituer une banque de stockage de leur génétique. On peut ainsi conserver des bonnes lignées si un animal d’exception s’éteint ou si l’ensemble du troupeau doit être abattu en cas de problème sanitaire atteignant tout le troupeau, comme la tuberculose par exemple. Afin d’éviter ce risque, depuis une dizaine d’années Charolais embryons, basé à la ferme du Marault à Magny-court (58), stocke et commercialise différentes souches. Par ailleurs, la congélation permet de retrouver des souches anciennes, car les modes changent ainsi que les attentes de la grande distribution qui préfère aujourd’hui des bêtes plus petites, plus "standard".
La TE peut également être utile aux éleveurs qui veulent rapidement, et à moindre frais, se constituer un cheptel de qualité, changer de race, transformer un troupeau laitier en allaitant par exemple, ou encore, passer d’un troupeau non inscrit à un troupeau inscrit au Herd-Book sans acheter d’animaux vivants.
Web-agri : Quelles sont les conditions requises pour se lancer dans la TE ?
Jacques Manière : Avant de se lancer dans la TE, je demande à éleveur s’il a l’habitude de faire de la synchronisation de chaleurs pour insémination. S’il n’a pas de bons taux de réussite en synchronisation, il y a peu de chances que les résultats s’améliorent avec la TE. Ces deux techniques sont très similaires et demandent un peu de rigueur de la part de l’éleveur.
Web-agri : Pour quelles chances de réussite ?
Jacques Manière : En TE, les résultats peuvent être assez variables. Le taux de mise bas est d’environ 60 à 70 % lorsque l’embryon est posé directement en frais dans une donneuse et 50 à 55 % si l’embryon a été congelé.
Web-agri : Comment expliquez-vous l’hétérogénéité des résultats ?
![]() Jaques Manière. (© Terre-net Média) |
Jacques Manière : Un des gros problèmes que l’on rencontre en Charolais, vient en partie de la qualité de la semence des taureaux. Le nombre de non-fécondée en Charolais est extrêmement important. Lorsque l’on discute avec les gens qui pratiquent la TE, on sait les taureaux qui marchent bien et ceux qui sont moins fertiles. D’autre part, on maîtrise très mal les facteurs individuels au niveau des vaches. Toutes les vaches n’ont pas la même fertilité naturelle, le statut hormonal peut-être très différent d’un animal à l’autre.
Le hasard de la biologie fait qu’au sein d’un même lot de vaches, nourrit et traité de la même façon, certaines vont donner 25 embryons de bonne qualité tandis que d’autres n’en donneront qu’un ou deux. Une vache âgée de 6 ou 7 ans qui met bas un veau par an donne, en général, de bons résultats alors que certaines jeunes vaches peuvent rencontrer des difficultés. De même, les vaches qui ont eu des jumeaux ont une tendance à super-ovuler beaucoup plus facilement et donnent plus d’embryons que les autres. Si la qualité des embryons influence les chances de réussite, la qualité des receveuses joue également. Avant de transférer un embryon, je fouille les receveuses pour palper si elles ont un bon corps jaune et je fais appel à l’éleveur pour savoir s’il les a vues en chaleur ou non.
Web-agri : Observez-vous une baisse de la fertilité ?
Jacques Manière : Bien que l’on maîtrise la TE et l’insémination artificielle depuis de nombreuses années, les résultats ne s’améliorent pas. Au contraire, les statistiques montrent que la fertilité tend plutôt à baisser. Mis à part des problèmes de manque de variabilité génétique à l’intérieur de certaines races, il y a un phénomène d’inhibition entre la Fsh (hormone folliculo-stimulante qui permet l’ovulation) et la prolactine qui stimule la synthèse du lait. Ainsi, plus une vache produit de lait, moins elle est fertile. Une vache en pleine lactation réagira généralement moins bien aux traitements hormonaux qu’une vache qui n’est pas en lactation.
Web-agri : Quel retour sur investissement peut-on attendre de la TE ?
Jacques Manière : Le coût de revient de la transplantation varie énormément en fonction du nombre de vaches synchronisées et des résultats obtenus. Un éleveur qui débute dans la transplantation, doit en faire un certain nombre sur les premières années pour rentrer dans ses frais. En pratiquant régulièrement la TE, et en appliquant soigneusement les protocoles, il atteindra des résultats rapidement dans la moyenne, soit environ six ou sept embryons obtenus par vache et un taux de gestation de l’ordre de 60 %. Avec des résultats comme ceux-là, le surcoût d’un embryon tourne autour des 200 euros par rapport à un veau obtenu en monte naturelle.
La variabilité individuelle des résultats est le facteur limitant du transfert d’embryons, c’est pourquoi, pour limiter les risques de mauvaise surprise, il faut mieux collecter trois ou quatre vaches à la fois et préparer cinq ou six receveuses par donneuse. Plus l’écart de valeur marchande entre les donneuses et les receveuses est important, plus c’est rentable. C’est pourquoi, pour faire naître plus de veaux sur leur exploitation, certains éleveurs-sélectionneurs achètent des génisses laitières, souvent des normandes. Ils évitent ainsi d’utiliser leurs femelles charolaises et les laitières apportent une meilleure croissance des veaux.
Les génisses laitières sont de plus en plus chères et il y a toujours un risque sanitaire lors d’achat d’animaux qui proviennent d’autres régions. (© Terre-net Média) |
Web-agri : Comment se porte le commerce d’embryons ?
Jacques Manière : Avec les crises sanitaires à répétition, les exportations sont plus difficiles qu’auparavant. Beaucoup de pays exigent des garanties sanitaires. Le principe de précaution prime, même pour les embryons alors qu’ils ne transmettent pas les maladies qui ne sont pas d’ordre génétique. Quoi qu’il en soit, le marché est très calme en ce moment, alors que l’embryon pourrait jouer d’avantage la carte de la sécurité sanitaire.
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