Le pâturage est-il compatible avec un haut niveau de production ?

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Même quand les conditions naturelles ne sont pas favorables, un accès même temporaire au pâturage est bénéfique, notamment pour aider les vaches boiteuses à récupérer. (© Terre-net Média)
Même quand les conditions naturelles ne sont pas favorables, un accès même temporaire au pâturage est bénéfique, notamment pour aider les vaches boiteuses à récupérer. (© Terre-net Média)

Les vaches laitières à haut niveau de production, logées dans un bâtiment confortable, préfèrent-elles le pâturage et en ont-elles besoin ? Ne sont-elles pas mieux en stabulation intégrale ? Adaptent-elles leur rythme pour mieux profiter du pâturage lorsque le temps passé dehors est réduit ? Peuvent-elles être uniquement la nuit en pâture sans baisser en lait ? Le Btpl répond à vos interrogations sur le pâturage des hautes productrices.

Certes, l’intérêt économique de la pâture est indiscutable : le coût alimentaire y est le moins élevé. Maintenir des vaches laitières en zéro pâturage pose des questions quant au bien-être des animaux, et à l’image de la production laitière qui reste fortement attachée aux vaches dans les prés.

Mais d’autres facteurs plaident pour un maintien des vaches en stabulation :

  • Avec les troupeaux qui grandissent, les surfaces pâturables disponibles autour du bâtiment ne suivent pas toujours ;
  • Les caprices de la météo : printemps humides, canicules estivales compliquent la gestion des prairies ;
  • Un bâtiment bien conçu et confortable offre un confort thermique plus adapté qu’une pâture sans ombre en pleine canicule ;
  • La gestion du pâturage est complexe et demande du travail parfois incompatible avec les travaux d’été sur les exploitations produisant des cultures de vente ;
  • Certains producteurs supportent mal les baisses et les variations de production forcément induites par le pâturage, quand les vaches sont alimentées l’hiver avec une ration à haut niveau. D’autant plus dans un contexte où les laiteries incitent fortement à produire du lait de façon linéaire et régulière.

Faut-il sortir les vaches ou pas ?

Les conditions climatiques de ces dernières années montrent que dans une majorité de régions, il n’est pas possible de laisser les vaches au pâturage de façon intégrale et continue. Il faut donc souvent mener de front alimentation à l’auge et pâturage.

Dans ces conditions, un accès temporaire au pré, même court, est-il plus avantageux que pas de pâturage du tout ?

Une amélioration de l’état sanitaire

Une étude récente réalisée par des chercheurs canadiens montre « qu’un accès, même temporaire de cinq semaines au pâturage améliore significativement les problèmes de boiterie, surtout pour les vaches les plus gravement atteintes ». Des mesures indiquent que les vaches en pâture passent moins de temps couchées que celles qui restent dans le bâtiment.

La pâture influence-t-elle la qualité du lait ?

La teneur en matière grasse a tendance à diminuer lorsque les vaches sont au pré. L'apport de concentrés aggrave encore plus ce facteur :

- l'apport d'un peu de foin ne peut pas compenser cette chute.
- l’apport d’ensilage de maïs peut la compenser mais avec des quantités importantes.
- par contre la pâture modifie la composition de la matière grasse du lait en augmentant les teneurs en acides gras mono et poly-insaturés favorables à la santé, ce qui ne joue pas sur son prix.

La pâture a-t-elle une influence sur la fertilité ?

Tendanciellement, la reproduction est surtout difficile au printemps, en particulier chez des vaches fortes productrices. La pâture n’a pas d’effet particulièrement néfaste. Veillez à :

- éviter la pâture d’une herbe de trop bonne qualité pour des vaches taries,
- limiter les apports azotés avec de l’herbe d’automne trop riche en azote.

Et quand il fait trop chaud ?

La plupart des pâturages offrent très peu de zones ombragées, voire aucune, ce qui augmente considérablement le risque de stress thermique lorsque les températures sont très élevées. Le maintien en stabulation, dans un bâtiment bien conçu et bien ventilé, permet aux vaches de rester à l’abri des grosses chaleurs et du soleil direct.

Les chercheurs canadiens ont mesuré que si on laisse les vaches choisir librement :

- elles passent près de 46 % de la journée à l’intérieur du bâtiment, surtout lorsqu’il fait trop chaud. 
- elles passent par contre la nuit au pâturage.
- elles préférent être à l’intérieur dès que la température extérieure dépasse 20 ºC.

Il semble donc qu'elles n’aient pas de préférence particulière entre une étable bien conçue et le pâturage. Leur choix dépend plutôt de la période du jour et des conditions climatiques.

Pour les vaches, le mieux est une circulation à volonté entre le bâtiment et le pâturage.

Bâtiment le jour et pâture la nuit : est-ce la solution ?

Une autre étude canadienne a comparé sur du plus long terme, le comportement et la production des vaches dans deux situations : stabulation intégrale sans pâture et stabulation le jour avec accès à la même ration que les vaches en stabulation intégrale et pâturage la nuit, de 20h à 8h. Résultats : « les vaches qui sont dans les prés la nuit consomment pendant la journée la même quantité de ration complète que les vaches en zéro pâturage, et aucune différence n’a été relevée sur la production laitière (38,3 kg/vache/ jour en moyenne) ni sur les variations de poids et d’état corporel. »

Ces études menées au Canada sous un climat continental, assez peu favorable à l’utilisation de l’herbe en pâture, montrent qu’un accès même partiel au pâturage est favorable à l’état sanitaire des vaches, tout en maintenant une production élevée. Il aide les vaches boiteuses à récupérer. La préférence des vaches pour l’accès aux prairies dépend de la période du jour et des facteurs climatiques – elles optent pour le pâturage pendant la nuit et durant le jour quand le temps est frais et les prés ombragés. Finalement, les vaches ayant accès au pâturage la nuit peuvent consommer une ration complète le jour et maintenir une forte production laitière.

Réduire le temps de pâturage évite de trop dégrader la prairie et de compromettre la production d’herbe à venir

Cette utilisation « à temps partiel » du pâturage peut être utile lorsque les conditions climatiques sont parfois délicates en début et en fin de saison.

Les vaches s’adaptent au temps qu’on veut bien leur accorder en pâture…

Des essais conduits par l’Inra de Rennes apportent des éléments complémentaires. Lorsque ce temps est réduit, les vaches modifient leur comportement alimentaire.

Plus le temps passé en pâture est réduit, plus elles passent de temps à manger de l’herbe :

Ainsi, le pourcentage de temps passé à pâturer passe de 40 % à plus de 90 % du temps total en pâture, lorsque ce temps est réduit de 21h à 5h30, et il est dans ce cas quasiment de 100 % pour les vaches faiblement complémentées. Le nombre de repas par jour diminue alors très fortement, voire se réduit à un seul.

Les vaches concentrent donc leur temps d’alimentation dans le peu de temps disponible au pâturage : elles décalent alors les moments de repos et de rumination à plus tard.

Plus le temps passé en pâture est réduit, plus les vaches mangent vite :

En plus de passer plus de temps à brouter, les vaches augmentent également leur vitesse d’ingestion d’herbe lorsque le temps au pâturage est réduit : + 0,5 kg MS/heure soit une hausse de 30 % de vitesse d’ingestion quand on passe de 8 à 9h de temps en pâture à 4-5h par jour.

Cette vitesse est d’autant plus augmentée que la complémentation des vaches et le temps d’accès à la pâture sont réduits. La quantité d’herbe ingérée rapportée au nombre d’heures passées dans la prairie est de 0,7 kg MS/ heure lorsque le temps d’accès n’est pas limité et de 2,4 kg MS/heure pour un temps d’accès de 4-6 h. Néanmoins, la vitesse d’ingestion d’herbe en pâture reste largement plus faible que celle observée sur les rations d’ensilage maïs où elle peut atteindre 5 à 10 kg MS/heure.

Le temps d’accès au pâturage est donc déterminant de l’ingestion d’herbe sur pied par les vaches. Dans le cas d’un temps réduit au pâturage, l’augmentation de la quantité d’herbe offerte ne permet pas de compenser le manque de temps au pâturage.

réduction du temps de pâturage des bovins
La quantité d’herbe ingérée rapportée au nombre d’heures passées dans la prairie est de 0,7 kg MS/ heure lorsque le temps d’accès n’est pas limité et de 2,4 kg MS/heure pour un temps d’accès de 4-6 h.(© Terre-net Média)


Cette adaptation se fait sous certaines conditions…

Les vaches ne s’adaptent à cette courte durée d’accès au pâturage et limitent donc l’impact sur la production laitière que sous certaines conditions :

 - la réduction du temps d’accès à la pâture doit se faire progressivement sur trois à quatre jours pour que les vaches intègrent cette diminution de temps.

 - le temps d’accès à la pâture doit être régulier, ne doit pas être modifié chaque jour si l’on veut que les vaches anticipent la rentrée à l’étable et optimisent ainsi le temps passé au pâturage.

- il faut adapter le temps d’accès à la quantité d’aliment complémentaire apporté à l’auge (tableau 2) :

Temps de pâturage réduit vaches laitières
Le temps d’accès à l’herbe doit être au minimum de 8 à 10 h si l’on n’apporte aucun complément à l’auge, et 3-4 h avec 10 kg de matière sèche de ration complémentaire distribuée de préférence après le pâturage. (© Inra)

 

Une capacité de compensation sur laquelle compter au printemps en conditions humides

Les vaches savent s’adapter et améliorer l’efficacité de leur pâturage lorsque le temps d’accès à la pâture est réduit. Cette faculté peut être utilisée en périodes de transition au printemps et en automne ou lorsque surviennent des conditions humides qui rendent difficile le pâturage des vaches laitières. La réduction du temps d’accès aux prairies permet d’éviter leur dégradation.

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
récolte d'herbe dans un champ

Les stocks d’herbe sont limités avant l’arrière-saison

Herbe
Sécheresse

Un déficit d’herbe de 23 % depuis le début de la campagne

Herbe

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