C’est l’histoire d’une fièvre Q à la présentation bien immergée

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Énigme : la fièvre Q provoque des avortements, mais pas que, et pas toujours.

Vous êtes nombreux à connaître la fièvre Q comme agent infectieux causant des avortements. Elle en est d’ailleurs en France la seconde cause infectieuse après la néosporose. L’avortement constitue la principale face visible de l’iceberg « fièvre Q ». On pourrait y ajouter des rétentions placentaires, des métrites, souvent difficiles à soigner, et la naissance de veaux faibles ou mort-nés. Tous ces symptômes sont bien évidemment imputables à des causes plus fréquentes que la fièvre Q, ce qui place cette dernière en second rang des recherches lorsque la prévalence de ces symptômes devient préoccupante. Il reste enfin la face cachée de l’iceberg, la dégradation de la fertilité du troupeau.

C’est dans ce contexte « immergé » qu’elle a été identifiée sur l’un des élevages que nous accompagnons mensuellement en reproduction. Il s’agit d’un troupeau de 190 vaches en lactation. Les génisses sont élevées à partir de huit mois sur un second site se situant à 3 km. Elles réintègrent le site principal deux mois avant leur vêlage au sein du groupe des taries qui est logé juste en face des vaches en lactation, dans le même bâtiment. Un taureau est acheté tous les 18 mois environ pour assurer le rattrapage des génisses plus âgées. En revanche, toutes les femelles sont exclusivement nées sur la ferme. Enfin, l’insémination par l’éleveur est pratiquée dans cette ferme depuis de nombreuses années par un éleveur aguerri.

Dégradation ponctuelle puis persistante de la reproduction

Ainsi, le taux de conception à l’insémination s’y est détérioré au cours de l’année 2023. D’abord de façon épisodique (avril et mi-mai à mi-juin) puis de façon prolongée à partir de mi-juillet (cf. courbe verte sur le graphique). Sur l’ensemble de l’année, le succès en première IA sur vache fut de 31 % contre 45 % en 2022. Et cela malgré la mise en place d’une ration pour la préparation au vêlage plus adaptée portant ses fruits dès le mois d’avril 2023 : moins de pathologies du post-partum et meilleurs démarrages en lactation. 33 % des vaches ont reçu au moins 3 IA contre 23 % en 2022. En regardant encore plus finement les résultats de fertilité, on constate que les primipares ont été plus sévèrement touchées : 32 % de succès à IA1 contre 49 % en 2022 et 30 % ont reçu au moins 3 IA contre 16 % en 2022. En revanche, il n’y a aucune dégradation de fertilité sur le site des génisses

Vaginite et arthrite

Parallèlement, depuis l’automne 2022, de nombreuses primipares une fois vêlées souffrent de sévères vaginites sans qu’il n’y ait eu de vêlage difficile et également d’arthrite du carpe et/ou du jarret sans plaies apparentes sur les articulations touchées. Ces deux pathologies se révèlent très difficiles à guérir malgré les traitements antibiotiques et AINS (anti-inflammatoire non stéroïdien) mis en place précocement. Les virus de l’IBR et du BoHV-4 pouvant en partie expliquer ce tableau clinique couplé à l’infertilité. Ils ont été écartés au printemps 2023, respectivement par l’analyse sérologique de lait de tank et l’analyse sérologique de 5 primipares ayant présenté des symptômes de vaginite et/ou arthrite.

Plusieurs primipares ont souffert de vaginites sévères (© Pr Christian Hanzen )

Une vaccination efficace

Reste au diagnostic Ureaplasma diversum, un mycoplasme causant vaginite et infertilité et la fièvre Q pouvant principalement expliquer les résultats d’infertilité observés. L’analyse fièvre Q est entreprise en PCR sur lait de tank en août 2023. Elle se révèle fortement positive. Malgré l’absence d’avortement venant confirmer l’imputabilité de la fièvre Q, une vaccination est lancée dans la foulée sur l’ensemble des femelles mises à la reproduction. On constate aussitôt une amélioration du succès à l’insémination (cf. courbe verte fin d’été 2023). Concernant les vaginites et arthrites sur primipares, tout s’est estompé en début d’été 2023 sans que l’on puisse les incriminer à la fièvre Q avec certitude.

Plusieurs leçons sont à tirer de ce cas probable de fièvre Q

  1. L’accompagnement en reproduction avec un vétérinaire de façon mensuelle permet un monitoring régulier des performances de reproduction. Si une dégradation se dessine sur une ou plusieurs visites, une démarche diagnostique peut être enclenchée aussitôt.
  2. La fièvre Q ne se manifestant pas toujours par des avortements manifestes en fin de gestation, d’autres pistes sont à considérer pour la détecter le plus rapidement possible :
    - Réaliser des constats de gestation précoces (dès 26 jours après IA) suivis d’une confirmation un mois plus tard permet de dépister les avortements dans le premier tiers de gestation. Au-delà de deux cas en un mois, un plan avortement peut être démarré.
    - Lors d’achat d’animaux, réaliser a minima une sérologie fièvre Q. Néanmoins, un résultat positif ne permettra pas de confirmer le statut excréteur de l’animal mais plutôt de savoir que l’animal a déjà été en contact avec la maladie. Et un résultat négatif ne permettra pas d’assurer que l’animal est indemne car il existe des animaux excréteurs séronégatifs. Il serait alors judicieux de retester les séronégatifs trois à cinq semaines plus tard pour vérifier l’absence de séroconversion. L’idéal serait de connaître le statut du troupeau d’origine mais il n’existe pas encore de méthode officielle et fiable pour établir un statut face à cette maladie.
  3. La manifestation clinique de la fièvre Q peut être très variable d’un élevage à l’autre selon de nombreux facteurs dont :
    - une infestation massive par aérosol (fumier contaminé autour de l’exploitation) ou l’introduction d’un animal excréteur de façon intermittente ;
    - l’organisation de l’élevage : lieu d’élevage des génisses, moment d’introduction dans le troupeau ;
    - la gestion de la biosécurité sur l’exploitation : box de vêlage, gestion des arrière-faix (ce qui reste dans l’utérus après l’expulsion du fœtus) et/ou avorton, gestion des fumiers possiblement contaminés ;
    - la virulence de la souche bactérienne. À ce sujet, des études sont en cours pour affiner demain la gestion de cette maladie.
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