LES TANNINS SONT-ILS AUSSI EFFICACES QUE LES TOURTEAUX TANNÉS ?

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Deux expérimentations, présentées lors des dernières journées de la recherche (3 R), ont tenté de mesurer l'intérêt de ces extraits naturels de châtaignier pour la protection et la valorisation des protéines.

COMMERCIALISÉS EN FRANCE SOUS LE NOM DE PROTENSIL, les tannins de châtaignier sont censés valoriser au mieux l'azote soluble des rations riches en protéines. En limitant la dégradation des protéines de la ration dans le rumen, ils contribueraient à augmenter la fraction PDIA des aliments et donc à revaloriser leur teneur en PDI et à réduire le rapport PDIN-PDIE. Sous-produits de l'industrie du bois, ces tannins sont d'ailleurs incorporés depuis longtemps par les fabricants d'aliments dans leurs mélanges. Constituent-ils pour autant une alternative crédible au traitement industriel au formol (brevet Inra) ? Jusqu'à présent, les données scientifiques et indépendantes manquaient pour en juger. Les travaux récents menés en Normandie et en Bourgogne apportent un peu de clarté dans le débat, sans toutefois conclure définitivement. L'expérimentation conduite l'hiver dernier en Normandie, à la ferme de la Blanche-Maison, avait pour but de comparer les effets du tourteau de colza tanné au formaldéhyde (méthode de référence) à ceux du tannin de châtaignier sur une ration maïs corrigée avec du tourteau de colza et de l'urée. Les vaches, dont la moitié était en début de lactation, ont également reçu 4 kg de tourteau de colza.

2,4 kg du correcteur azoté distribués au lot témoin étaient traités au formaldéhyde, alors que le lot expérimental recevait 80 g de paillettes de Protensil. À la ferme du lycée de Fontaines, le pôle laitier de Bourgogne a lui essayé d'évaluer les effets du tannin de châtaignier sur les performances laitières de montbéliardes nourries avec une ration maïs-herbe corrigée par du tourteau de colza à 35 % et excédentaire en azote soluble (écart PDIN-PDIE de 10 g par kg de MS).

DANS UNE RATION EXCÉDENTAIRE EN AZOTE

Le lot « tannins » recevait en plus 80 g de Protensil (paillettes) mélangée à la ration complète. Que ce soit à la Blanche-Maison ou à Fontaines, le tannin n'a pas dégradé les résultats des laitières. Au contraire, bien que jugé non significatif, un effet positif sur la production a été enregistré. « Nous savions que les tannins de châtaignier avaient un effet de protection des matières azotées, explique Bernard Houssin, de la chambre d'agriculture de la Manche. Mais que cet impact soit du même niveau que celui induit par le tourteau traité au formol nous a un peu surpris. Même si nous savons que l'expérimentation est fiable, nous nous interrogeons. L'efficacité constatée est-elle liée au type de ration distribuée ? Retrouvera- t-on la même efficacité dans des contextes un peu différents ? L'existence d'un troisième lot alimenté avec une ration sans tannin aurait permis de mieux interpréter les résultats. »

Pour Denis Chapuis, de la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire et animateur du pôle laitier Bourguignon, l'adjonction de 80 g par vache et par jour de tannins de châtaignier dans une ration excédentaire en azote soluble semble permettre une meilleure valorisation de celle-ci, sans modifier la quantité et la qualité du lait produit. « Toutefois, l'essai mené à Fontaines ne permet pas de conclure. Il nécessite d'être reconduit dans une situation de pâture exclusive comprenant au minimum 30 % d'herbe dans la ration (des laitières de préférence en début de lactation). »

POUR LUC DELABY, DE L'INRA, « UN EFFET TÉNU »

C'est ce qui sera fait ce printemps 2012 à partir de début avril (mise à l'herbe) et jusqu'à mi-juin. L'an passé, en effet, la sécheresse printanière n'a pas permis de passer au pâturage exclusif. L'expérimentation sera menée en partenariat avec l'Institut de l'élevage et l'Inra de Rennes. Deux lots d'une vingtaine de montbéliardes pâtureront ensemble les mêmes parcelles et recevront séparément un complément équivalent en énergie : 500 g d'un granulé composé de 80 % de blé et de 20 % de tannin pour le lot expérimental, 400 g de blé pour le lot témoin. Des mesures de hauteur d'herbe à l'entrée des parcelles seront réalisées. Des analyses d'urée et d'azote résiduelles des bouses seront effectuées. La poursuite de l'expérimentation de Fontaines au pâturage constitue un choix judicieux pour Yves Alligier, de Conseil élevage de la Loire, un département où de nombreuses exploitations utilisent déjà le tannin de châtaignier. « Le tannin marque d'autant plus que les rations sont riches en azote soluble (PDIN). C'est à l'herbe que son effet est le plus flagrant. Au pâturage, le transit des vaches est plus lent et mieux maîtrisé, ce qui contribue à sécuriser les rations. » Et d'observer : « Bien qu'incomplets, les résultats des travaux conduits l'hiver dernier en Normandie et en Bourgogne confirment les observations que nous faisons sur le terrain. L'action du tannin sur la valorisation des protéines et sur les performances laitières a été mise en évidence, même si elle n'est pas scientifiquement démontrée ». Beaucoup plus réservé, Luc Delaby, de l'Inra de Rennes, à la station du Haras-du-Pin, reconnaît que la question du tannin de châtaignier est une vraie question. « Toutefois, il ne sera pas facile de répondre, car on est dans un effet ténu », estime le chercheur. Pour l'instant, il n'est pas question de dire que le tannin de châtaignier rivalise avec le tourteau de colza tanné. « Les expérimentations conduites aussi bien à la Blanche-Maison qu'à Fontaines ne permettent pas de conclure. À Fontaines, on observe juste un petit plus de lait (0,8 kg) non significatif. La mise en place d'un troisième régime à haut niveau d'apport PDI pour situer le régime expérimental et voir comment se positionne le lot témoin aurait été intéressante. » Selon le scientifique, les travaux menés sur ce site méritent d'être approfondis. Même s'il ne pense pas qu'on arrivera à démontrer que le tanin de châtaignier assure des niveaux de protection équivalents à ceux obtenus avec le tourteau tanné, la poursuite de l'expérimentation en Bourgogne permettra au moins d'objectiver les qualités attribuées par les éleveurs au tannin de châtaignier : un effet positif au niveau des bouses, de la santé des vaches, et une action sur le TP. C'est à ce titre qu'il y collaborera. Dans l'attente des conclusions de l'expérimentation printanière de Fontaines, les éleveurs savent au moins que l'ajout de 80 g par jour de tannin de châtaignier dans l'alimentation de leurs laitières ne dégrade pas leurs performances (voir graphique ci-dessus). Économiquement, avec le prix actuel du Protensil à 1 200 €/t, le coût de la ration du lot « tannins » distribuée à Fontaines l'hiver dernier, a été chiffré à 101 €/1 000 l contre 105 € pour celle du lot témoin. « L'efficacité supérieure de la ration compense le léger surcoût de concentrés », précise Denis Chapuis.

Les détails des deux expérimentations sont disponibles en ligne sur www.journees3r.fr.

ANNE BRÉHIER

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,4 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 7,21 €/kg net +0,06
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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