
Le lupin blanc est aussi intéressant qu'un tourteau de colza. Dans l'Ouest, le principal obstacle à son utilisation était jusque-là sa culture. Les blocages se lèvent un à un.
LE PRIX ÉLEVÉ DU SOJA MET SOUS LES PROJECTEURS des solutions alternatives exploitées de façon isolée ici ou là. En Basse-Normandie, c'est le cas du lupin blanc. Il contient une matière azotée totale autour de 30 %, selon le type de lupin (voir photo ci-contre), proche de celle du tourteau de colza (33,7 %). De même, broyé grossièrement, sa valeur en PDIE lui est identique (139 g/kg brut contre 138 g). La valeur en PDIN est légèrement inférieure : 198 g/kg brut contre 219 g. À noter que les valeurs des tables Inra 2007 sont plus faibles. Elles proviennent de lupins broyés trop finement, plus exposés à la dégradation ruminale.
Son autre intérêt est son absence d'amidon, ce qui évite le risque de dépasser le taux de 25 % dans une ration, l'un des indicateurs de prévention de l'acidose. La graine est en fait riche en acides gras polyinsaturés. Elle fournit une valeur énergétique élevée : 1,18 UFL/kg brut contre 0,85 UFL pour le tourteau de colza et 1,06 pour le tourteau de soja 48. « Des essais au centre des Trinottières montrent que les vaches laitières peuvent consommer jusqu'à 5 à 6 kg de lupin broyé grossièrement, sans problème d'appétence. Dans la réalité, les quelques éleveurs utilisateurs en incorporent moins dans la ration hivernale, d'environ 2 kg par vache. Il concourt à la substitution du tourteau de soja, au même titre que l'ensilage d'herbe et de méteil, le foin de luzerne, etc. Les éleveurs en recherche d'autonomie protéique ont tendance à utiliser en même temps plusieurs de ces leviers », constate David Delbèque, de la chambre d'agriculture du Calvados. Il anime un réseau de 25 éleveurs sur ce sujet. Pascal Lebis en fait partie. Depuis plus de dix ans, il intègre 6 à 7 ha de lupin dans son assolement. « En ration complète composée de fourrages riches en azote, j'en apporte 1,5 à 2 kg par vache en hiver. Avec une telle ration, il faut plutôt veiller à apporter assez d'amidon, c'est pourquoi j'y ajoute du maïs grain. »
Il y a plus de dix ans, 20 à 25 éleveurs du Calvados s'étaient lancés dans la culture du lupin blanc et sa valorisation en concentré broyé et conservé en silo. Les aléas climatiques et les rendements considérés insuffisants ont essoufflé le mouvement. « Actuellement, cinq à six éleveurs laitiers en recherche d'autonomie sont utilisateurs », indique le collègue Gérard Bavière. Convaincue de son intérêt, la chambre d'agriculture du Calvados poursuit les essais depuis treize ans. Son objectif : dégager un itinéraire technique adapté à la région. « Le berceau du lupin est en Poitou-Charentes mais il s'accorde parfaitement aux sols acides, filtrants et même caillouteux normands, mayennais, sarthois et bretons du Massif armoricain. Ils contiennent naturellement la bactérie Rhizobium lupini pour la fixation de l'azote de l'air. En revanche, les bordures limoneuses maritimes de la Basse-Normandie à la Somme ne sont pas appropriées. Le lupin n'apprécie pas les sols humides à hydromorphes ou battants. » Les sols à calcaire actif non plus.
Pour l'agronome, viser en routine les 40 q/ha apparaît désormais envisageable. Les caractéristiques de la parcelle retenue orienteront le choix vers le lupin blanc de printemps ou d'hiver, ce dernier s'adaptant bien aux situations tardives du nord de la Loire (en bordure maritime ou un peu en altitude). Le premier se sème vers le 20 février sur des sols précoces, filtrants et profonds, offrant une bonne réserve hydrique. Il est récolté début septembre. Dans les essais de la chambre d'agriculture du Calvados, la variété précoce qui donne les meilleurs résultats est Féodora.
SEMIS DENSE ET DÉSHERBAGE ADAPTÉ
Le lupin blanc d'hiver s'envisage sur des parcelles plus tardives et un peu caillouteuses qui ne protègent pas d'un éventuel stress hydrique en juillet-août. La floraison à la mi-avril contourne ce risque. Il est semé au 20 septembre et récolté à la mi-août. « Des variétés naines et à floraison déterminée, comme Clovis et Lumen, le permettent dans l'ouest de la France. »
L'infestation en mauvaises herbes de la parcelle est l'autre critère de choix. Le lupin, qui n'est pas une plante étouffante, leur donne l'occasion de se développer. Éviter donc tant que possible celles avec vivaces (liserons, rumex, chardons)
Comme peu d'herbicides sont homologués sur lupin, essai après essai, la « chambre » a mis au point des préconisations pour la petite région du bocage virois, « mais que l'on peut étendre aux sols granitiques et schisteux du Massif armoricain », estime Gérard Bavière. Elles reposent sur la combinaison antidicotylédone Centium 36 CS + Cent 7 + Prowl 400 juste après le semis, avec une possibilité de rattrapage avant le stade 2 à 4 feuilles. Contre les graminées, trois produits sont homologués : Agil, Claxon et Ambition, avec une large plage d'application (stade 2 feuilles à 10 jours avant l'apparition des boutons floraux du lupin).
L'autre avancée majeure pour assurer des rendements de 40 q/ha et plus, concerne la densité de semis. « Les préconisations nationales au semis du lupin blanc de printemps sont de 45 à 50 graines/m2. Nous en conseillons 50 à 60 (110 à 168 kg/ha). De même, pour le lupin d'hiver, elles sont à 25 graines/m2. Nous montons à 35 graines (90 à 100 kg/ha). » Ces densités compensent les pertes au semis, luttent mieux contre les levées tardives des adventices et l'attaque de limaces en hiver. Le lupin blanc étant une culture relativement confidentielle, Pascal Lebis conseille de commander les semences trois à quatre mois avant le semis. Au terme de la culture, il récolte à 15-16 % d'humidité. Il fait ensuite appel à un entrepreneur équipé pour broyer grossièrement les graines. Il confectionne lui-même son silo de stockage avec des bâches, bien fermé ensuite par des boudins. Il est aussi possible de faire appel à une ETA pour l'inertage.
CLAIRE HUE
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