
Née du partenariat entre le Groupement des Mousquetaires (Intermarché) - via ses filiales Sca Pétrole & dérivés et Sva Jean Rozé - et Saria France, Estener est l’une des premières unités de production de biocarburant issu de graisses animales à entrer en activité. Elle a été inaugurée le 7 novembre au cœur de la zone industrielle portuaire du Havre.
La France rattrape son retard sur ses voisins européens vis-à-vis de la valorisation des déchets d’abattoirs en biocarburant. Le site industriel Estener du Havre est entré en production ce mois-ci. « C’est la première usine "avancée" de biodiesel issu de graisses animales non alimentaires en France (Ndlr : l’usine Daudruy à Dunkerque retraite également de la graisse de porcs). Avec cet investissement de 40 millions d’euros, nous faisons ainsi face au défi de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement local pour répondre à une demande toujours croissante en gasoil », se félicite Jean-Pierre Meunier, président Les Mousquetaires. Le pôle industriel du Groupement des Mousquetaires est le 3e groupe français de l’industrie de la viande et le 11e groupe agroalimentaire. Mais c’est aussi le 2e distributeur de carburants avec 13 % des stations-service en France.
« Ce projet industriel répond à un double enjeu, à la fois économique et écologique : il s’inscrit harmonieusement au sein de la filière viande française à laquelle il apporte un nouveau débouché de valorisation des coproduits voués jusqu’alors à la destruction ; de plus, ce biocarburant innovant offre un excellent profil environnemental sans entrer en concurrence avec l’alimentation humaine ou animale. »
75.000 tonnes de diesel
En s'engageant avec son partenaire Saria Industries qui dispose d’une expertise dans la valorisation des sous-produits et des coproduits animaux qu’elle collecte auprès des éleveurs ou des abattoirs, le Pôle industriel du Groupement des Mousquetaires se dote d’une production de 75.000 tonnes par an de biodiesel. Pour limiter les transports, l’usine est située à proximité des gisements de résidus issus des abattoirs de Sva Jean Rozé et d’ateliers de découpe du Grand Ouest de la France. L’usine transformera également des déchets de supermarchés et des huiles de friture usagées des restaurants du groupe Mousquetaires. Ce nouveau site génère aujourd’hui 27 nouveaux emplois directs et une centaine d’emplois indirects.
Un rendement de 96 %
Pour la fabrication de son biodiesel ou Emha (Ester Méthylique d’huiles Animales), Estener s’appuie sur un process industriel de transformation appelé « transestérification ». Les graisses animales sont mélangées à 70°C au méthanol en présence d’un catalyseur (hydroxyde de potassium). Toute la valeur du procédé consiste ensuite à traiter les matières indésirables présentes dans les matières premières en mettant en œuvre les étapes de lavage, décantation, séparations mécaniques et surtout de distillation. Avec ce procédé, le rendement de la filière de traitement atteint 96 % et ne génèrerait ni odeur ni effluent pollué significatif. Ce biocarburant de deuxième génération émettrait 83 % de gaz à effet de serre et 12 % de monoxyde de carbone en moins que le gasoil classique.
Obligation d’incorporation 7 %
Avant de se retrouver à la pompe, ce biodiesel d’origine animale sera incorporé à hauteur de 7 % avec du gasoil fossile. En effet, ce choix d’investir dans les biocarburants d’origine animale vient d’abord de l’obligation européenne d’incorporer du biodiesel (animal ou végétal) dans le gasoil livré aux stations-service. De 1,2 % en 2005, cette obligation est passée à 7 % en 2013. Un objectif qui ne peut être atteint avec le seul biocarburant issu d’huile végétale (colza, tournesol, palme,…). Jusqu’alors, les pétroliers s’approvisionnent essentiellement en biodiesel d’origine animale issu d’usines allemandes et espagnoles.
Double comptage
Le biodiesel "avancé" (issus de déchets et résidus n'entrant pas en concurrence avec l'alimentation) est reconnu au niveau français et européen pour ses qualités environnementales et bénéficie de ce fait d’une fiscalité adaptée : le double comptage vis-à-vis de la Taxe générale sur les activités polluantes (Tgap). « Nous soutenons qu’avec l’arrivée d’une nouvelle usine en France, le plafond de ce double comptage, (fixé à 0,35 % en 2013) doit évoluer vers 0,7 %, donnant ainsi un message clair de soutien et de stabilité fiscale à cette nouvelle filière » commente Jean-Pierre Guillaume, président Sca Pétrole & Dérivés, Les Mousquetaires.
Et les éleveurs ?
Bien entendu, il y a fort à parier que les éleveurs, en amont de la chaîne, ne seront toujours pas récompensés pour la vente de leurs animaux dont le cinquième quartier est gracieusement offert aux abatteurs et dorénavant aux pétroliers !
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