Les éleveurs des Pyrénées ravis ou exaspérés

Les éleveurs des Pyrénées ravis ou exaspérés

Chaque été, vaches et brebis montent par milliers dans les estives des Pyrénées: la transhumance est considérée comme une vitrine de leur métier par certains éleveurs, qui convient des touristes du monde entier, d'autres pestent contre les nuisances occasionnées par le public.

Transhumance
La transhumance permet aussi d'entretenir des espaces à haute qualité environnementale qui, sans cela, se
fermeraient et deviendraient inaccessibles. (© Terre-net Média)

Poussés par le manque de terres, les éleveurs font monter depuis la nuit des temps leurs bêtes dans ces pâturages de montagne où l'herbe est réputée excellente, libérant leur exploitation pour faire du foin.
« Dans les Pyrénées, on a surtout une transhumance de proximité, les bêtes partent du fond des vallées », à la différence des Alpes où les animaux parcourent de très grandes distances, explique Thierry Marfaing de la Fédération pastorale de l'Ariège.

Mais si après la Seconde guerre mondiale, le transport en bétaillère s'est fortement développé, certains éleveurs choisissent de revenir à la transhumance à pied. Dans l'estive du Bestou, au dessus de l'étang ariégeois de Lers, Jean-Louis Savignol, éleveur de mérens, cheval rustique des Pyrénées, trie les animaux qui resteront sur place pendant cinq mois et ceux qui passeront l'été dans une autre estive.
Des touristes l'accompagnent, car il a décidé de tirer le meilleur parti de la transhumance en organisant des escapades à leur intention. Ils viennent de France mais aussi du Japon, de Nouvelle-Zélande, du Canada ou d'Afrique du Sud, dit-il, expliquant que son activité d'élevage pure est déficitaire. « La transhumance c'est notre vitrine, on montre le beau côté des Pyrénées ».

« Faire connaître notre métier d'éleveur en milieu difficile »

François Martres, éleveur à Betchat (Ariège), parcourt chaque année 50 km en trois jours avec ses 350 brebis pour rejoindre son estive. C'est l'occasion de « faire connaître notre métier d'éleveur en milieu difficile. Et ça fait des retombées pour le pays ». Adeline Bordelet, coordonnatrice des services pastoraux à travers les Pyrénées, constate que le pastoralisme s'est « diversifié en direction du tourisme ». « On a des visites et des fêtes d'estives dans certains départements, des coffrets week-end en montagne ». Patrick Caperaa, de la Chambre d'agriculture des Hautes-Pyrénées, note que les fêtes pour lesquelles « il y a un véritable engouement » ont changé de sens. « Les gens y trouvent un transfert de culture, des moments ludiques, mais historiquement, les anciens faisaient ces fêtes car le départ des bêtes en montagne étaient un soulagement. Ça délestait l'exploitation ».

Nombre d'éleveurs ne veulent cependant pas s'embarrasser de contraintes supplémentaires en s'occupant du public. Francis Chevillon, éleveur retraité près de Seix (Ariège), critique des fêtes qui prennent parfois des libertés avec les coutumes authentiques. Il organisait des fêtes mais ne le fait plus. « La dernière année, j'avais 300 touristes sur les talons. Je suis responsable de 800 brebis, je fais comment ? », demande-t-il, expliquant s'être fâché avec certains touristes et avoir perdu des brebis qu'il a mis trois jours à retrouver. Certains profitent des projecteurs de la transhumance pour évoquer leurs difficultés. Cette année, les éleveurs de la vallée ariégeoise du Biros ont annulé la fête, découragés par les restrictions d'accès dues à la présence d'un couple de gypaètes barbus, espèce protégée de vautours, à quoi se sont ajoutées, disent-ils, des attaques d'ours.

Un label pour valoriser les produits et compétences

En attendant, la transhumance permet d'entretenir des espaces « à haute qualité environnementale », qui sans cela se fermeraient et seraient inaccessibles, notent les professionnels, qui aimeraient voir ce rôle davantage reconnu. Certains rêvent aussi d'un label montagne qui « valoriserait (leurs) produits et compétences ».

Transhumance - Une tradition très réglementée

Chaque année, 100.000 bovins, 510.000 ovins, 9.000 équins et 4.100 caprins montent dans les pâturages d'altitude des Pyrénées, dans des conditions réglementées.

Plus de 80 % des estives d'altitude sont gérées de manière collective et plus de 5.200 éleveurs utilisent ces espaces, explique le Réseau pastoral pyrénéen. Les Pyrénées comptent trois ensembles: dans la partie atlantique, on trouve majoritairement des brebis produisant du lait et du fromage, dans la partie centrale sont exploités des ovins et bovins pour la viande, tandis que la partie méditerranéenne, où le pastoralisme joue un rôle important dans la lutte contre les incendies de forêt, est également axée sur la production de viande.
Il s'agit plutôt d'une transhumance de proximité, les animaux partant du fond des vallées pour gagner les estives, même si parfois, comme dans les Hautes-Pyrénées, les animaux viennent de beaucoup plus loin et le transport se fait alors par bétaillère. Transhumer tout ou partie du chemin à pied est très codifié, même si la réglementation a été parfois remise à plat comme en Ariège ou dans les Hautes-Pyrénées, pour faciliter la tâche de ceux qui veulent privilégier la marche par rapport au transport par camion, très coûteux.
En Ariège par exemple, un arrêté préfectoral stipule précisément dans quelles conditions les bêtes pourront emprunter routes et chemins et enjoint aux automobilistes de leur céder le passage. Le passage des troupeaux est interdit sur certains axes, sur d'autres, c'est la circulation des voitures qui peut être interrompue. Le troupeau doit être précédé et suivi d'un véhicule équipé d'un feu orange tournant, et accompagné d'au moins trois bergers. Les éleveurs doivent être à jour de la prophylaxie et obtenir une autorisation de transhumance auprès des services vétérinaires.
D'après la Fédération pastorale de l'Ariège, le coût d'une estive gardée s'élève entre 40 et 80 euros la saison pour une vache dite accompagnée (de son petit), entre 2 et 4 euros pour une brebis et 20 à 100 euros pour un cheval.

 

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