Remplacer le soja par du colza, bientôt la fin d’une dépendance ?

Pour les besoins de son élevage, la France est le premier consommateur de tourteaux de l’Union européenne, devant l’Allemagne et les Pays Bas. En effet, l’alimentation des filières de productions animales exige de gros volumes de graines oléagineuses entières ou sous forme de tourteaux (soja, colza, tournesol…) pour satisfaire les besoins en protéines des animaux d’élevage.

Sauf que la France, et l’Europe avec elle, ne sont pas autosuffisantes. Cette dépendance en protéines végétales oblige ainsi la filière porcine notamment  à importer les deux tiers de ses besoins, dont une part prédominante de tourteau de soja.

Des caractéristiques nutritionnelles connues

À l’occasion des 43^e journées de la recherche porcine, en février 2011 à Paris, Nathalie Quiniou (Ifip-Institut de l’élevage) a présenté une étude menée en collaboration avec trois autres partenaires : Ajinomoto Eurolysine S.A.S., l’Onidol et le Cetiom.

Rappelons en effet que le tourteau de colza est une matière première métropolitaine dont les volumes produits augmentent chaque année en parallèle du développement des agrocarburants. En outre, ses caractéristiques nutritionnelles sont bien connues.

Le remplacement des tourteaux de soja par des tourteaux de colza est donc possible, « à condition de rééquilibrer le profil en acides aminés des formules via des acides aminés de synthèse » telles que l’incorporation de L-Valine, en plus de la L-Lysine, de la L-Thréonine, du L-Tryptophane et de la DL-Méthionine.

Ces incorporations permettent de plus de réduire la teneur des aliments en tourteau de soja, « et plus généralement en matières azotées totales, tout en respectant le profil de la protéine idéale ».

Performances et rejets azotés

Dans le détail, l’essai consistait, d’une part, à mesurer les performances des porcs en croissance obtenues après substitution du tourteau de soja par du tourteau de colza, avec ou sans L-Valine ; d’autre part, à évaluer les rejets azotés associés à chacun des régimes alimentaires.
Dans l’essai, 140 porcs ont été divisés en trois lots, chacun recevant une ration différente :

• Lot 'soja’ : aliments formulés avec du tourteau de soja (sans tourteau de colza ni L-Valine) ;
• Lot ‘colza’ : aliments formulés avec du tourteau de colza sans L-Valine ;
• Lot ‘colza-valine’ : aliments formulés avec du tourteau de colza et de la L-Valine.

Jusqu’à 16 % de rejets azotés en moins

« L’analyse des résultats de l’essai confirme la possibilité de réduire la matière azotée totale tout en remplaçant le tourteau de soja par du tourteau de colza et des acides aminés de synthèse », résumait Nathalie Quiniou. Cette substitution se fait sans que les performances de croissance et de carcasse des animaux ne soient modifiées.

En parallèle, l’analyse des rejets montre également que ces derniers sont fortement réduits avec le colza : dans le détail, la baisse de la matière azotée totale entre les lots ‘soja’ et ‘colza’ (-0,9 point) s’accompagne d’une réduction des rejets azotés totaux de 10 %, tandis que la réduction des rejets atteint 16 % (pour -1,6 point de Mat en moyenne) chez les porcs du lot association colza et acide aminée.

« Dans la suite de l’essai, nous allons procéder à des calculs complémentaires pour évaluer les rejets en phosphore avec les différentes formules. »

Mais la perspective la plus encourageant pour les éleveurs est que cet essai confirme « qu’une formulation vers une teneur en énergie nette plus faible, ou le recours à une autre source de protéines telle que le pois, en complément avec le tourteau de colza et les acides aminés de synthèse devrait permettre de s’affranchir totalement du soja » concluait la spécialiste de l’Ifip-Institut de l’élevage.