Alimentation animale : faites du pois qu'ils disaient...

Alimentation animale : faites du pois qu'ils disaient...

En 2009, l’Unip se fixe l’objectif de 400.000 ha de protéagineux cultivés en France en 2012. Un an plus tard, approchant du but, elle le réajuste à 500.000 ha. Mais cette année, en 2011, forte déception pour l’interprofession face à la nouvelle diminution des surfaces ! La filière doit-elle réviser sa stratégie… et son discours ? La promesse du débouché assuré ne serait-elle qu’une belle théorie ? Un article extrait de Terre-net Magazine n°8.


L’irrégularité des rendements des protéagineux empêche toute
contractualisation et rend difficile la stabilisation des débouchés.
(© Terre-net Média)

Dix ans que l’Unip, interprofession des protéagineux, prône le retour du pois dans les assolements. Elle ne boude donc pas son plaisir, en 2010, face au doublement des surfaces et à une hausse de l’offre de près de 550.000 t. « Le pois devrait redevenir une matière première significative dans de nombreuses usines d’aliments du bétail », lance l’interprofession en fin d’année. Elle voit même « une réaction rapide des fabricants à cette reprise de l’offre ».

Quelle déconvenue alors quand tombent les premières estimations de surfaces pour 2011 ! Selon Agreste, la sole des protéagineux baisserait cette année de 23 % pour se situer à 312.000 ha. « C’est bien beau de pousser à faire du pois, mais sans débouché derrière… », déplore un producteur marnais, à l’occasion d’une visite d’essais.

Surcoût du pois


Le pois peut être incorporé à plus de 30 % dans les
aliments pour porcs en croissance, son premier débouché.
(© Terre-net Média)

Où se cachent les Fabs friands de matières protéiques françaises ? « Mon négociant prétend que, pour être rentable, le pois doit être valorisé 30 €/t de plus que le blé. En réalité, c'est au moins le double. L’an dernier, j’ai observé une différence de coût de production de 80 €/t entre le blé et le pois. Cette campagne, l’écart se réduit à 60 €/t ; sachant que le rendement est très incertain car, avec cette culture, l’accident n'est jamais loin. Pour l'instant, j'ai vendu mes pois 54 €/t de plus que le blé, contre 20 €/t de plus l’année dernière. Le compte n'y est pas… »

Hervé Vasseur d’Aliouest (unité de fabrication d'aliments de la Coop de Broons et de la Cecab) insiste également sur le surcoût du pois par rapport aux autres matières premières. Il précise « qu’avec une décote de 10 €/t, sa consommation serait doublée », sachant qu’Aliouest n’utilise que 700 t de pois par mois sur 50.000 t de matières premières.

Il ajoute que, « vu le coût du stockage », il n’est pas rentable de réserver une cellule pour le pois alors qu’elle ne sera pas pleine. Il rappelle enfin les risques de rupture d’approvisionnement sur de petits volumes. Problème aussi évoqué par Patrice Rialland de Sanders nutrition animale : « Face à des quantités limitées, et en contexte de forte volatilité, l’arbitrage se fait en faveur des matières premières pour lesquelles il y a une visibilité, celles disposant de marchés à terme. »

Se bouger… tous !


« Nous n’avons pas intérêt à concurrencer  le soja
pour l’alimentation animale de masse », observe
Jean-François Violette. (© Terre-net Média)

Le producteur rejoint ce discours. « La filière est peu développée, donc très vulnérable. Les opérateurs ne sont ni nombreux, ni très actifs. Et sans marché, pas de prix. » Il relativise mais s’avoue peu convaincu : « Cette année, le niveau de prix me convient. Le pois représente une culture supplémentaire dans ma rotation, qui me permet de bien désherber les graminées. Mais perdre de l'argent comme en 2010 est difficilement supportable, surtout quand on lit qu’il faut faire des pois pour sauver la filière "protéines françaises". Il faudrait que tout le monde se bouge. Si le dernier maillon de la chaîne n’en fait qu’à sa tête et achète un bateau de soja, il ruine les efforts consentis en amont. »

La solution des marchés de niche

Jean-François Violette (410 ha de polyculture-élevage au sud de la Vienne) a introduit vingt hectares de lupin dans son assolement, valorisés auprès des industries agroalimentaires par Lup’ingrédients, filière de la coopérative Terrena. « Fin 2010, Lup’ingrédient a lancé un aliment pour ovins. Une alternative au soja, mais réservée aux productions sous cahiers des charges, vantant l’origine France par exemple. Nous n’avons pas intérêt à concurrencer le soja pour l’alimentation animale de masse. »

Le lupin bénéficie de toute façon d’une bonne valorisation en alimentation humaine. La moitié du prix payé au producteur est fixe, l’autre est indexée sur le colza et le pois. Le producteur connaît son prix moyen et son prix maximum. « Grâce à la productivité du lupin, je réalise une marge brute équivalente à celle dégagée par des rendements de 35-38 q/ha en colza », explique Jean-François Violette. Là se trouve peut-être la voie…


Comparées au soja, les protéines françaises ne
sont pas concurrentielles. (© Terre-net Média)

Le pois revient en force en alimentation animale ?

Selon Agreste, les fabricants d’aliments du bétail incorporaient, en 1997, plus d’1,5 million de tonnes de pois protéagineux dans les aliments composés. En 2009, ce volume chute à 105.500 t. « La contraction de l’offre, consécutive aux réformes de la Pac des années 2000, a entraîné une réduction de l’utilisation du pois en alimentation animale », souligne l’Unip. En 2010, l’interprofession réaffirme qu’il n’y a pas de problème de débouché pour les protéagineux en France, arguant que l’alimentation animale porcine pourrait en absorber à elle seule 1,5 million de tonnes.

 


 

 

 

 

 






 

 


Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°8 Si vous ne l'avez pas reçu chez vous, retrouvez Terre-net Magazine en ligne en cliquant ICI.


(© Terre-net Média)
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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