La souris suisse fait son trou dans le fromage européen

L'Europe du fromage franchit un grand pas vendredi 1er juin avec la disparition des protections aux frontières de la Suisse, qui compte sur ses artisans pour résister à l'envahisseur et accroître ses exportations.

Si la Suisse ne fait pas partie de l'Union européenne, elle a négocié voilà dix ans avec Bruxelles la disparition des frontières pour le commerce du fromage: à compter du 1er juin, la production européenne peut entrer en Suisse sans droit de douane ni contingent et toute subvention à l'exportation est interdite. L'inverse s'applique également.

 Petite souris face aux grands producteurs du continent, la Suisse compte pourtant bien tirer son épingle du jeu. Gruyère, Appenzell, Emmental: le trio des grands fromages suisses à pâte dure a déjà fait son trou à l'étranger et la balance commerciale penche largement au bénéfice de l'Helvétie.

Le fromage est le premier produit agricole exporté par la Suisse. L'an dernier, elle en a écoulé 56.000 tonnes vers l'UE et d'autres pays, et n'en a importé que 33.000 tonnes. "On estime que l'ouverture des marchés présente plus de chances que de risques", résume Ruth Stadelmann Kohler, porte-parole d'Emmi, la première fromagerie helvétique. Agressif à l'export, le Suisse est aussi patriote avec son fromage, véritable icône nationale au même titre que le chocolat ou les montres: 78% de la consommation se porte sur les produits nationaux.

Mais cette part de marché pourrait être grignotée avec la baisse des prix des produits étrangers provoquée par l'ouverture des frontières, notamment sur les grandes marques industrielles. Les "camembert" et autres "mozzarella" fabriqués en Suisse semblent plus menacés par leurs équivalents étrangers que les fromages à pâte dure, reconnaît Christian Häberli, de l'office fédéral (ministère) de l'agriculture.

L'ouverture des frontières, négociée il y a dix ans, a commencé à s'appliquer depuis 2002 avec une baisse progressive des droits de douane, relève-t-il. "Tout a été préparé de longue date. Il y a une certaine nervosité seulement de la part de ceux qui ont dormi", selon lui. Pour les produits traditionnels comme le gruyère, "les gens devraient continuer à privilégier la qualité avec laquelle ils ont grandi", espère Francesca Heiniger, porte-parole de l'organisme semi-public Switzerland Cheese Marketing.

Face à la concurrence des grands producteurs européens, le fromage suisse va insister sur ses appellations d'origine contrôlée, son lait cru et son image artisanale de petites fromageries familiales qui ne produisent que six à huit meules par jour, explique-t-elle. Les fromages frais importés comme la mozzarella se taillent la part du rat sur les étalages helvétiques et l'Italie est sans surprise le premier fournisseur de la Suisse avec 47% des importations, devant la France (34%).

Du côté des exportations, la Suisse se vend pour 27% à l'Italie, grande dévoreuse d'emmental. Les Allemands, portés sur l'appenzell, suivent avec 24%, loin devant les amateurs de gruyère que sont les Français (10%), selon les chiffres de l'Organisation fromagère suisse.

Ces trois pays voisins, avec l'Espagne et le Royaume-Uni, sont les principaux marchés visés par les producteurs suisses à la faveur de l'ouverture des frontières. Pas plus tard que mercredi, le N°1 suisse des produits laitiers Emmi a pris une participation de 25% dans la société italienne Ambrosi, grand producteur de parmesan et de mozzarella. "Notre stratégie est de proposer aux distributeurs une offre de fromages haut-de-gamme sans se limiter aux fromages suisses", explique Mme Stadelmann Kohler.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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