Une vie de tracteur...par le tracteur

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« Que serais-je sans toi...ah ils pourraient nous la chanter la chanson mes propriétaires ! Imaginez les cheveux blancs qu’ils se feraient s’il fallait revenir au temps où le moteur s’appelait cheval », ainsi débute ce nouveau « derrière la haie » de la ferme de Lamoinerie, consacré au tracteur et raconté par...le tracteur de Pascal Lhermitte.


S'il fallait revenir au temps ou le moteur s'appellait cheval... (© DR)
 Que serais-je sans toi…ah ils pourraient nous la chanter la chanson mes propriétaires ! Imaginez les cheveux blancs qu’ils se feraient s’il fallait revenir au temps où le moteur s’appellait cheval.
S’occuper de le nourrir, le cajoler (j’en serais jaloux) et surtout le suivre à pied en dirigeant l’engin, retournant la charrue manuellement en bout de champ... Sans parler du rendement très limité de nos quadrupèdes et bipèdes associés : pour travailler et semer 0.50 ha de terre en une journée, il faudrait embaucher des milliers de cultivateurs et équins associés. Alors, c’est pas pour me vanter ou mettre en avant mes cylindres vrombissants, mais je suis capable, à moi tout seul, de semer une dizaine d’ha (et plus) chaque jour. Regardez mon patron : il est assis, écoute la radio et aujourd’hui le guidage GPS peut même lui tenir le volant…

Retour vers le futur !


Un relevage arrière (1), une prise de force (2) et la pression hydraulique (3) (© DR)
Comment ça marche: mes fonctions me permettent l’utilisation de deux types d’engins
- L’engin traîné sur roue est accroché au tracteur : En général il est consacré au transport avec ou non équipements d’épandages. Désormais, certains engins de semis (avec combinaisons d’outils) peuvent aussi être traînés.
- Les engins portés : travail du sol, semis, petits épandages (engrais, pulvérisation). Ils sont attelés sur un relevage arrière (1), voire pour les tracteurs les plus puissants à l’avant (en combinaison avec l’arrière).
Toutes les fonctions du tracteur sont à portée de main
Outre la traction, j’ai deux autres fonctions communes à ces deux types d’attelages afin de mouvoir les outils :
La prise de force (2) : le moteur entraîne un arbre de transmission (avant ou arrière) destiné à être couplé. Plusieurs vitesses de rotations sont possibles : 540 tours/minutes, 750 ou 1000 tours suivant le type d’engins.
La pression hydraulique (3) : Je ne sais pas si on vous met la pression, mais en ce qui me concerne, ce n’est pas qu’une impression : 170 bars de pression d’huile dans mes organes ! Boite de vitesse, relevage des bras articulés, commandes diverses … ça baigne dans l’huile chez moi (je n’oublie pas la lubrification sans laquelle ça me chaufferait les rotules !) Cette pression hydraulique est aussi à disposition d’engins attelés ou traînés : le vérin de la remorque ou encore le moteur hydraulique d’une machine…

Souvent équipé d’un chargeur ... (© DR)
Souvent équipé d’un chargeur qui exige un débit hydraulique important. Dans une ferme d’élevage comme chez moi, je suis alors un vrai un valet de la ferme qui évite bien des corvées manuelles.

Les Bobo(s) agricoles…

Frime avec le gros 4X4 agricole ? La puissance de l’engin n’est obligatoirement un signe extérieur de richesse, même si la course aux chevaux laisse transparaître parfois un sentiment de supériorité, que dis-je, d’orgueil. La réalité est donc plus nuancée. Abordons le vrai fond de la question : si gros … pour quoi faire ?
Il convient évidemment de prendre en compte les surfaces à travailler, rajoutez à cela la rationalisation du temps de travail et la simplification du travail du sol qui exige souvent plus de puissance : de quoi relativiser l’à priori ! En effet rien n’est plus de pire pour l’agriculteur nous conduisant que l’impuissance devant le travail. Notez aussi qu’un tracteur peut être la propriété de plusieurs agriculteurs au sein d’une Cuma (voir Mag 2), c’est le cas du (gros) collègue travaillant avec moi sur la ferme…


En combinant les engins comme ici ..(© DR)
Ah vos 35 heures, j’en ai rêvé ! Me faire travailler moins et produire autant … ! C’est devenu une obsession pour mon chauffeur. C’est aussi un autre levier pour affronter le problème de ma gourmandise évoqué ci-dessus. En simplifiant les techniques de travail du sol et en combinant les engins comme ici … c’est du boulot en moins pour moi et des économies en plus pour mon patron. (Ici le collègue de la Cuma)

Boire et conduire…

Pour faire tout ce travail, j’ai besoin d’énergie et mes appétits étaient jusqu’à présent assouvi par le pétrole. Au-delà de la raréfaction de l’or noir, j’ai pris conscience que mes flatulences posaient aussi un vrai problème d’ordre environnemental cette fois.
Je m’intéresse donc à toutes les solutions nouvelles dont les journaux se font l’écho. On veut me mettre au vert, aux carburants verts ! Pourquoi pas même, me faire boire de l’eau avec le moteur Pantone ou de l’alcool (éthanol) : boire et conduire … pas le choix !


La presse à huile utilisée ici dans une ferme permet d’acquérir l’autonomie énergétique (© DR)
Huile de colza : la presse à huile utilisée ici dans une ferme permet d’acquérir l’autonomie énergétique…et c’est les vaches qui se régalent avec le tourteau (partie solide restante après pression).
Une autre alternative avec l’utilisation de l’huile de colza en substitution totale ou en mélange avec le fuel. Toutefois notre moteur doit le permettre. Or, ce n’est pas évident pour un moteur comme le mien qui utilise des normes anti-pollutions toujours plus dures (hautes pressions d’injonction incompatibles avec l’huile de colza seule en l’état actuel des technologies). Gare aux indigestions ! En l’état actuel des connaissances, le biodiesel semble avoir la faveur de mes concepteurs. Il est issu d’un processus industriel qui garantit la régularité du carburant, la santé de mon arbre à cames… et le revenu fiscal de votre état !

Quel avenir pour moi ?

Figurez-vous qu’avant l’arrivée des tracteurs, 1 /3 des surfaces en France étaient consacrées à la production d’avoine pour les chevaux ! Les cultures servaient à produire l’énergie nécessaire pour cultiver ces même cultures (vous suivez ?). Cela n’a rien d’utopique, mais je ne souhaite pas commencer à polémiquer avec mes cousines et concurrentes les voitures, bien en peine aussi sur le sujet : je ne veux pas la guerre des chevaux vapeurs!


Pas le temps de se dégonfler ou d’être crevés ! (© DR)
Je souhaite encore moins que l’on nous accuse, nous les engins à moteur, d’enlever du pain de la bouche des humains : si la voie du carburant végétal est la seule choisie, il y aura concurrence … et pas assez de cultures pour tout le monde ! Réfléchissez bien à toutes les conséquences, vous les humains !
Moi, pendant ce temps, je carbure….
Que vous dire sinon que l’on est devenu indispensable dans la ferme, tous les jours 7 jours sur 7 pas le temps de se dégonfler ou d’être crevés ! (Ici un collègue de la ferme)

Bouchons et communication…

Plus léger et pour clore la rubrique (snif), quand vous me suivez j’en entends parfois râler. N’oubliez pas que sur la route, moi et mes collègues sommes obligés de limiter notre vitesse à 40km/h sans attelage et 25 km/h avec attelage. Inutile de vous préciser que le bouchon guette pour les voitures qui nous suivent. Alors, comme on est sympa (mon proprio et moi), on pense à se ranger sur le bas coté afin de libérer les «op-pressés » par notre lenteur. Un geste simple et sympa qui contribue à entretenir de bonnes relations… Je conclurais même que c’est une bonne opération de communication … pour l’image de l’agriculteur et de l’agriculture.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,14 €/kg net +0,04
Vaches, charolaises, R= France 6,99 €/kg net +0,05
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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