Jean-Pierre Alzieu est vétérinaire praticien dans l’Ariège, membre de la commission parasitologie de la Sngtv (Société nationale des groupements techniques vétérinaires), et de l’observatoire de la Grande douve. Interview.
Nathalie Petit (NP) : Des vaches laitières conduites en zéro pâturage peuvent-elles être concernées par la Grande douve ?
Jean-Pierre Alzieu, vétérinaire praticien dans l’Ariège, membre de la commission parasitologie de la Sngtv : Malheureusement, oui. Et la cause est à trouver dans la conduite du tarissement. Par des phénomènes qui sont de nature culturelle, les éleveurs réservent au tarissement des prairies un peu moins riches, souvent dans des prairies permanentes, parfois les vaches taries sont mélangées avec les génisses. On a ainsi des élevages où on est consterné, les vaches taries ont été traitées, mais les animaux se replombent immédiatement.
NP : Cela remet il en cause la pertinence du traitement douvicide au tarissement ?
« Nous avons découvert le nouveau visage de la fasciolose par les déviations immunitaires et métaboliques », déclare Jean Pierre Alzieu, vétérinaire praticien dans l’Ariège et membre de l’Observatoire de la Grande douve. (© DR)
J-P Alzieu : Le traitement des vaches laitières en cours de lactation ne permet pas de rendre les animaux indemnes. Le tarissement est le meilleur moment pour traiter les vaches laitières chez lesquelles il est très important d’éliminer tous les stades du parasite. Par des travaux récents, nous nous sommes aperçus que les mécanismes de la grande douve sont encore mal élucidés, il y a des larves inhibées dans leur développement, plus ou moins en attente, parce que bloquées par les larves adultes. Pour traiter les vaches laitières avec des produits très complets sur douve (à la fois adulticides mais aussi larvicides), le tarissement est un bon moment, qui évite d’avoir des problèmes de résidus dans le lait.
NP : Quelles sont alors les conditions de réussite du traitement ?
J-P A : «L’éleveur doit avoir entre le tarissement et le vêlage une conduite irréprochable. S’il a des vêlages toute l’année, il va traiter au cas par cas chacune des vaches laitières au tarissement et doit s’assurer de ne pas mettre les animaux dans des zones où il y a des métacercaires. Sinon le remède est pire que le mal, car si les vaches laitières rencontrent la grande douve, même peu, les répercussions physiques sont d’autant plus graves à chaque fois. Sachant aussi qu’hors zone de montagne, on peut avoir deux à trois générations de limnées par an. L’éleveur doit avoir une vigilance particulière vis à vis de l’eau. Clôturer une zone à risque est un excellent moyen de soustraire les animaux à l’exposition au risque . Mais il est parfois difficile de limiter certaines surfaces et par ailleurs remplacer l’abreuvement à la mare e! st parfois impossible pour des raisons de coûts d’utilisation d’eau de la ville, il faudrait cependant l’accepter pour éradiquer la douve.
NP: Vous parlez de nouveau visage de la fasciolose, qu’avez vous découvert ?
J-P A : Nous avons découvert le nouveau visage de la fasciolose par les déviations immunitaires et métaboliques. Au contact de Fasciola hepatica, l’organisme produit des immunoglobulines spécifiques de la voie Th2 mais qui sont très peu efficaces pour la régulation du parasite. A terme, cette mobilisation constante aboutit à une déprime de la voie immunitaire Th1 fragilisant la réponse de l’organisme face aux infections bactériennes ou virales. Les déviations liées à la fasciolose sont également métaboliques. Les synthèses de l’organismes sont alors dirigées vers la production de médiateurs inflammatoires, ce qui altère les performances des animaux : diminution de la production de lait et de viande ainsi que du TP, réduction de la qualité colostrale prédisposant le veau aux maladies néonatales. On entrevoit mieux pourqu! oi les colostrums des vaches douvées sont appauvris en immunoglobulines et que le taux protéique du lait est abaissé… et pourquoi les gastro-entérites infectieuses natales sont alors particulièrement prévalentes et intenses chez les veaux nouveaux-nés. L’ensemble de ces déviations organiques constitue véritablement le nouveau visage de la fasciolose.
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