Les subventions agricoles des pays riches, enjeu majeur des négociations en cours à l'OMC, font l'objet désormais d'une offensive en Europe pour briser, comme cela a été fait aux Etats-Unis, la loi du silence protégeant leurs bénéficiaires.
S'inspirant du travail entrepris aux Etats-Unis par l'ONG Environmental Working Group (EWG), qui a mis sur la place publique l'identité des fermiers subventionnés et les montants reçus, un réseau d'experts indépendants travaille à faire la lumière sur le secret le mieux gardé de l'Union européenne. "Après avoir passé douze ans à arracher l'information aux Etats membres et à la Commission européenne, nous obtenons finalement quelque chose", a expliqué jeudi 13 octobre à Bruxelles le député européen (groupe socialiste) Terrence Wynn, membre des commissions de l'Agriculture et du Budget du Parlement européen. "La France est la cible principale" de cet exercice de transparence, a expliqué le parlementaire britannique, parce qu'elle reçoit à elle seule un quart des subventions agricoles de l'UE. Il a indiqué qu'en dépit du refus de coopération des autorités françaises, de premières données sur les bénéficiaires français pourraient être diffusées d'ici six semaines, avant la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Hong Kong en décembre.
M. Wynn a qualifié de "tournant" le rapport publié cette année au Royaume-Uni, qui avait mis en évidence que les membres de la famille royale, à commencer par la Reine elle-même et le Prince Charles, les gros propriétaires fonciers en général et les groupes agro-alimentaires comme le sucrier Tate and Lyle profitaient abondamment de la générosité du contribuable européen. Jack Thurston, qui conduit le projet européen au sein du German Marshall Fund, rappelle qu'une nouvelle loi sur l'accès à l'information a contraint le gouvernement de Londres à ouvrir ses livres. "L'Union européenne est en général assez ouverte sur la manière sur la manière dont elle dépense l'argent public, mais pas en ce qui concerne la Politique agricole commune (PAC)", relève M. Thurston. Les données détaillées montrant qui reçoit quoi existent pourtant, "bien cachées dans la partie la plus sûre de la Direction générale de l'Agriculture", a-t-il affirmé. "La transparence est un élement crucial pour s'assurer que le débat sur les subventions agricoles ne soit pas mené seulement par ceux qui sont subventionnés", a expliqué Ken Cook, président du EWG, qui s'est lancé dans cette entreprise il y a douze ans.
En 2001, l'organisation a mis en ligne une base de données, Farm Subsidy Database, qui identifie, comté par comté, ce que perçoivent les fermes et entreprises subventionnées aux Etas-Unis. Ce travail n'a pas seulement permis de constater que 10% des agriculteurs américains reçoivent 72% des subventions, mais aussi que 60% d'entre eux ne perçoivent rien du tout. EWG a identifié par exemple "des centaines de "fermiers" qui touchent des millions de dollars en plein Beverly Hills", le quartier chic de Los Angeles. "Les journalistes ont été capables de mettre un visage sur les subventions", ce qui a contribué à changer les termes du débat aux Etats-Unis, estime-t-il. En outre, la base de données, consultée chaque mois par des millions de personnes, "est devenu un phénomène, particulièrement dans l'Amérique rurale, où chacun voulait savoir ce que son voisin touchait".
Plus significatif encore, le travail d'EWG a alimenté le recours introduit avec succès à l'OMC par le Brésil contre les subventions américaines à la production de coton, un secteur où elles sont concentrées sur un nombre particulièrement faible de bénéficiaires. M. Thurston espère que la publication des données dans un nombre croissant de pays européens, après le Royaume-Uni et le Danemark, aura le même impact sur le débat dans l'UE, où 20% des agriculteurs captent 80% des subventions.
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