Le porc roumain sera-t-il sacrifié sur l'autel de l'Europe?

L'intégration dans l'Union européenne est attendue avec impatience par une majorité de Roumains, mais une rumeur persistante, selon laquelle les normes communautaires interdisent de sacrifier le "cochon de Noël" comme le veut la tradition locale, risque de fléchir leur enthousiasme. Dans un pays où plus de 40% de la population vit de l'agriculture et où 3 millions de porcs sont abattus chaque annnée, souvent dans des conditions insalubres, par des éleveurs individuels, cette rumeur a suscité de vives inquiétudes.

Les normes de l'UE, que Bucarest compte rejoindre en 2007, prévoient notamment l'obligation d'endormir l'animal avant de le tuer, et ce uniquement dans un abattoir autorisé et après un rigoureux contrôle médical. "Si c'est ça l'Union européenne, moi je n'en veux plus", dit le plus sérieusement au monde un agriculteur de Magura (sud), Victor Ban. "La fête de Noël ne sera plus la même si je ne peux plus tuer le cochon comme je le fais depuis toujours", ajoute-t-il.
Soucieux de ménager la sensibilité des électeurs, même au risque de froisser Bruxelles, les politiques n'ont pas tardé d'intervenir dans la polémique. "La Roumanie a ses propres traditions et nous devons veiller à ce qu'elles perdurent", a déclaré le député Ioan Baldea lors d'un débat parlementaire sur le sort des porcins autochtones. "Un Roumain qui ne fait pas du saucisson et du boudin à Noël n'est pas un vrai Roumain", a renchéri l'un de ses collègues, Petre Posea.
Confronté à de tels arguments de poids, le ministère de l'Agriculture a tenté de trancher en faisant appel à la plus haute haute hiérarchie de l'Eglise orthodoxe, majoritaire dans ce pays. "Nous avons demandé à l'Eglise de préciser si le sacrifice des cochons à l'occasion de Noël représente une coutume religieuse", a déclaré le secrétaire d'Etat à l'Agriculture, Liviu Harbuz. "L'avis de l'Eglise sur cette question nous servira d'argument afin de demander une dérogation auprès de l'UE", a-t-il expliqué.
L'agriculture représente l'un des dossiers les plus difficiles dans les négociations avec Bruxelles, et Bucarest a déjà demandé des périodes de grâce allant de trois à huit ans avant de pouvoir répondre aux exigences européennes en matière notamment d'abattage du bétail et de traitement de la viande et du lait. "Plus de 75% des petites fermes roumaines ne respectent pas la législation vétérinaire communautaire et ne pourront pas être restructurées avant 2007", a expliqué le ministère de l'Intégration européenne.
Afin de s'aligner sur les normes de l'UE, la Roumanie devra en outre arrêter les vaccinations contre la peste porcine, dont près de 200 foyers ont jusqu'ici été recensés. "Lorsque nous intégrerons l'UE, il sera interdit de vendre de la viande provenant de porcs vaccinés", a averti le ministre de l'Agriculture, Ilie Sarbu. Cette mesure a mécontenté l'Association des éleveurs, selon laquelle "faute d'être vaccinés, les porcs roumains ne verront plus le jour où la Roumanie entrera dans l'UE".
Désireuse de dissiper les craintes, la délégation de la Commission européenne à Bucarest a pour sa part décidé d'organiser sur internet un débat sur "l'abattage des cochons et autres traditions de Noël" chez les Roumains. Mais déjà, une autre rumeur tout aussi inquiétante a commencé à courir dans les campagnes: à partir de 2007, les paysans ne pourront plus produire chez eux la "tsouïka", cette eau-de-vie de prunes dont raffolent les Roumains.

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