Jean-Pierre Joly, directeur du Marché du porc breton (MPB) et analyste réputé, fait un point sur l’état de l’offre et de la demande. Il explique pourquoi les cours sont aussi statiques depuis plusieurs mois. Quelles sont les perspectives? Faut-il espérer comme le baromètre ITP un cours à 1.20 euro cet été? Que peuvent faire abatteurs et éleveurs? Réponses de Jean-Pierre Joly...
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Web-agri : Quelles sont les perspectives pour le marché français? JP Joly : Il faut considérer deux axes : l’offre et la demande. Pour l’offre, les prévisions officielles laissent entendre que le pic de production est passé et que l’on va vers une lente décrue de la production (d’après l'ITP). |
Mais on est obligé de reconnaître que chaque crise est spécifique. Les producteurs sont de plus en plus spécialisés, et ils résistent plus longtemps et mieux à chaque crise (ce qui va à l’encontre de la lente décrue). Dans les relevés officiels, on voit une forte baisse de la consommation d’aliment pour truie depuis 2-3 mois ce qui n’influera sur la vente des porcs qu’en fin d’année.
On devrait quand même vivre les variations saisonnières. Elles sont déjà visibles sur début avril. Sur la zone Uniporc Ouest il y a 20.000 porcs de moins par semaine qu’en février, soit une diminution de 5% des offres saisonnières. Les autres années, cela provoquait une augmentation des prix...
En ce qui concerne la demande, personne n’est capable de la prévoir, pas plus que son évolution dans les mois à venir. Pour la demande pays tiers (hors union européenne), on est fortement concurrencé par le Brésil. Dans le même temps la commission européenne qui dispose d’un outil de gestion agréé par le Gatt ( les restitutions), n’en use pas du tout! On arrive à la fin de l’année Gatt (juin) et on a seulement utilisé 10-15% du budget autorisé pour favoriser les exportations. Bruxelles n’incite pas à l’exportation! De nouvelles demandes de restitutions pour l’exportation ont été faites récemment et refusées par la commission européenne!
Le baromètre ITP espère un cadran à 1.20 euro cet été!
WA : Et pour le cours, que peut-on prévoir?
JP Joly : Nous sommes tellement échaudé depuis 6 mois, que personne n’ose plus donner de prévisions.
Le dernier baromètre porc ITP est le seul à oser un pronostic. Il annonce une reprise saisonnière des cours et espère un cadran à 1,20 euro cet été.
WA : Pourquoi des cours aussi linéaires depuis octobre?
JP Joly : Sur la fin d’année, malgré le prix très bas (1,04), il y a eu un certain consensus à ne pas baisser le cours sous l’Euro malgré la pression des offres consécutives à des reports de fériés (du 1er novembre et de la fin décembre). Le fait d’avoir tenu ce niveau, correspondait réellement à la barre psychologique de l’Euro. Si l’on avait franchi la barre Euro en novembre (et malgré certaines affirmations contraires), on ne serait jamais remonté au dessus. Pour les éleveurs, il valait mieux que le cours soit linéaire à 1,04 que fluctuant à 0,95.
Au marché, nous avons toutes les semaines entre 65 et 70.000 porcs à vendre. Le prix du porc se construit en fonction de paramètres économiques. On a à disposition de multiples indicateurs : en fonction de ces indicateurs, les vendeurs agissent, vendent ou ne vendent pas!.
Plusieurs fois, depuis avril 2002, le cours du porc a frôlé l’Euro et jamais les vendeurs n’ont estimé que les indicateurs économiques en leur possession ne justifiaient de passer sous l’Euro. Dans les abattoirs, les positions étaient beaucoup plus divisées…
Nous avons enregistré un premier incident le 7 octobre. Le marché s’est déroulé, mais il s’est terminé par zéro porc vendu. Les vendeurs présents ont considéré que la pression sur les prix était anormale! L’objectif des abatteurs était de ramener au 10 octobre le cours à un euro. Globalement les vendeurs ont eu raison de résister à la pression puisque dans les mois qui ont suivi, les cours sont restés vers 1,04 euro.
La résistance entamée en avril 2002 a tenu jusque la fin mars 2003. Et il y a deux semaines, il a fallu constater qu’il n’y avait plus majoritairement d’acheteurs prêts à acheter le porc à un Euro. Comme il n’était pas envisageable de ne pas livrer les abattoirs, il a fallu passer sous l’Euro.
WA: Il y a eu aussi plusieurs reports de marché.Qu'est-ce que cela signifie?
JP Joly: A chaque fois qu’il y a un report de marché, c’est qu’il y a désaccord entre vendeurs et acheteurs. Les contraintes de l’élevage font qu’il faut dérouler le marché, même si les décisions sont parfois difficiles à prendre. La limite de la négociation a été trouvée quand les abattoirs ont mis à éxécution leurs menaces de quitter le marché.Il n’existe pas de système pour fixer un prix sans acheteurs!
Si un acheteur peut quitter c’est qu’il a l’assurance de trouver du porc ailleurs, donc que les éleveurs acceptent de livrer sans prix fixé. Nous sommes dans une situation où les éleveurs sont contraints de livrer, il faut en tirer les conséquences et fixer un prix: mieux vaut un marché officiel transparent avec une référence même basse plutôt qu’un marché gris où l’éleveur n’a plus aucune capacité de résistance!
A chaque crise, le MPB est au coeur du cyclone!
Bien sur, et comme à chaque crise du porc, le MPB est au cœur du cyclone, mais sans doute que en complément de ce prix du porc, des actions concertées d’abattoirs pour valoriser en commun des pièces de porc seraient de nature à améliorer le prix éleveur.
Je ne comprends pas toujours forcément que la mobilisation des éleveurs se limite à venir au MPB constater le prix, alors qu’il y a tant à faire en aval pour le prix.
Le témoignage du directeur de Canada Porc International lors de la dernière assemblée générale du MPB pourrait être mis à profit avec des conséquences positives ou fructueuses pour les éleveurs. (ndlr: ce témoignge fera l'objet d'un prochain article sur Web-agri)
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