Après une première visite en Belgique chez Steven et Fien Van Parys, retour dans les Flandres chez Griet et Dirk Vandecandelaere. Le couple élève 110 vaches laitières et leur suite sur 42 ha de SAU
On l'expliquait dans le précédent article : les fermes laitières flamandes sont plus intensives qu'en Wallonie (notamment avec une part d'animaux plus importante sur de plus petites surfaces). Mais leur difficulté c'est justement la surface : l'agrandissement des fermes est quasi impossible. Alors chez Griet et Dirk Vandecandelaere l'objectif est clair : faire mieux avec l'existant.
Viser la productivité
L'exploitation est plutôt simple, pas sur-équipée et avec une organisation revue il y a quelques temps après avoir suivi une formation de Lean management. Leur volonté est de ne pas se faire surprendre. Pour cela, ils se sont équipés d'un petit outil de monitoring : un podomètre pour les vaches (en vêlages étalés sur l'année). Avec une meilleure détection des chaleurs, ils sont parvenus à réduire l'IVV (aujourd'hui à 391 jours).
La sélection génétique est basée sur le lait par vache.
Ils sont aussi plutôt bons du côté des élèves : les génisses vêlent en moyenne à 23 mois. C'est le résultat d'un suivi régulier avec pesées tous les 3 mois. Ils tentent aussi de faire vieillir le troupeau (la moyenne est aujourd'hui de 4,6 ans) pour réduire encore le taux de renouvellement (actuellement de 20 %). Griet et Dirk ont recours à l'insémination Holstein sexée pour 40 % des animaux, le reste est inséminé en Blanc Bleu et les veaux sont vendus pour veaux de boucherie (entre 200 et 300 €).
Autonomes en fourrages avec 42 ha
Avec 42 ha de SAU, les éleveurs estiment être « presque autosuffisants ». Ils produisent leurs fourrages (avec 22 ha de maïs et 20 ha de prairies) et achètent le reste : pulpe de betteraves, tourteaux, drêches... « Certaines années, le maïs est très productif donc on a du stock qui se reporte pour l'année d'après », explique Griet. Et le pâturage prend la relève au printemps. Pour les concentrés, 3 Dac sont en place dans le bâtiment. La consommation moyenne est de 1 653 kg concentrés/VL/an. Le coût alimentaire est de 5,65 €/VL/j.
Le seul hic : la gestion des effluents qui se complique par manque de surface. Jusqu'à présent, les éleveurs s'arrangent avec des voisins pour exporter une partie de leur lisier.
Inagro, organisme de conseil agricole en Belgique, suit l'élevage depuis plusieurs années. Le conseiller cite la ration précise des vaches laitières (à laquelle s'ajoutent les aliments aux DAC) :
Aliment | Coût |
10,4 kg MS maïs | 180 €/t MS = 1,872 € |
3,3 kg MS ensilage herbe | 210 €/t MS = 0,693 € |
2,7 kg MS pulpe de betterave | 240 €/t MS = 0,648 € |
2,1 kg MS Protistar (drêche) | 360 €/t MS = 0,756 € |
0,75 kg tourteau de palme | 259 €/t = 0,194 € |
0,75 kg farine de maïs | 338 €/t = 0,254 € |
0,2 kg avoine | 350 €/t = 0,07 € |
1,75 kg soja | 666 €/t = 1,166 € |
Coût total de la ration : 5,653 €/vache/jour. |
L'eau de pluie dans l'abreuvoir des vaches
Si la ration est calculée pour produire 33 l/j de moyenne, l'eau d'abreuvement complique un peu la donne. En effet, Griet et Dirk ont eu quelques déconvenues à cause de la qualité de l'eau. « Ici en Belgique, on n'a pas le droit de prélever l'eau dans le sol car c'est une ressource protégée », explique Griet. En effet, les forages sont interdits à cause de la proximité de la mer (les prélèvements font monter le niveau de sel dans la nappe).
Les éleveurs récupèrent donc l'eau de pluie des gouttières et la stockent sous l'étable. Malheureusement sans additif, la qualité s'est vite détériorée : les analyses ont révélé une quantité importante de coliformes, entérocoques et clostridia. Et le nettoyage du réseau et de la cuve de stockage n'ont pas suffi.
Ils ajoutent aujourd'hui un produit de désinfection (peroxyde à 100 ppm). Mais la proximité de l'arrivée d'eau avec la fosse à lisier pose problème : il semble y avoir une contamination issue des effluents car les analyses révèlent toujours la présence de coliformes et clostridia. Avant d'engager des travaux pour améliorer cela (assez conséquents car le stockage se situe sous les vaches), ils diluent l'eau de pluie avec l'eau du réseau. Mais cela reste temporaire : « notre gros travail de demain concerne la qualité de l'eau », avoue le couple.
Quel avenir pour l'exploitation ?
Difficile d'obtenir des chiffres économiques de la part des éleveurs, plutôt réservés... Mais étant engagés dans un projet européen sur la résilience en élevage laitier, la question de leur avenir s'est posée : « Notre volonté est de travailler mieux. Pas forcément être plus productifs, le niveau d'étable est déjà bon, mais maintenir ces résultats en réduisant le coût de production. Cela passe par l'alimentation, mais aussi par la qualité de l'eau, poste sur lequel nous prévoyons de travailler rapidement. »
Leur bilan carbone est en-dessous de la moyenne du territoire : 0,85 kg éq CO2/kg de lait corrigé, notamment grâce au travail mené sur les génisses. Pour le réduire encore, ils se penchent actuellement sur l'introduction de trèfle dans leurs prairies.
Les éleveurs sont aussi curieux de découvrir de nouvelle méthodes de travail : « La résilience, c'est aussi pour les éleveurs dans leurs tâches au quotidien ». Et à ce niveau, des efforts sont à faire pour équilibrer le travail avec la vie personnelle... « Avant, on alternait un dimanche matin sur deux : l'un de nous restait couché pendant que l'autre allait traire et distribuer la ration. On ne le fait plus aujourd'hui car le cheptel a grossi. En 2022, nous n'avons pris qu'un seul week-end donc l'objectif maintenant est de trouver quelqu'un pour nous remplacer et se dégager un peu plus de temps. »