
La loi Égalim 2 a été voulue pour combler les lacunes d’Égalim 1, qui a ramené trop peu de valeur dans les fermes. Cependant, pour Olivier Mével, elle ne renforce pas le poids des producteurs face à leur acheteur. Encore un rendez-vous manqué.
Quels changements principaux Égalim 2 apporte-t-elle ?
Olivier Mével : Comme Égalim 1, cette loi vise à corriger la LME (loi de modernisation de l’économie) de 2008, qui reste donc prépondérante. Les négociations concernées sont seulement celles qui démarrent en novembre entre les distributeurs et les industriels, quand ces derniers envoient leurs conditions générales de vente (CGV). Ce nouveau texte impose des conditions identiques pour tous les acheteurs. Il n’y aura plus de discrimination, ce qui va sans doute gêner le leader, Leclerc. Par ailleurs, les prix des produits agricoles ne sont plus intégrés à la négociation. Cette loi est aussi porteuse d’avancées intéressantes sur la mention de l’origine sur l’étiquetage. L’esprit de la loi reste bon, mais elle ne va pas assez loin.
Peut-on espérer une amélioration des revenus des producteurs de lait ?
O.M. : Ce texte ne touche pas au déséquilibre du rapport entre les producteurs et leurs acheteurs. L’éleveur est toujours seul face à sa laiterie. La référence aux coûts de production reste centrale, alors que l’on connaît leur grande dispersion. C’est un rendez-vous manqué. L’interprofession va continuer d’enchaîner les séances de crispation autour du coût de production alors qu’elle a autre chose à faire. Ce système de contrats de longue durée centré sur les coûts de production revient à donner aux laiteries le droit de déterminer le niveau de marge des éleveurs. Quelle humiliation !
Par ailleurs, le champ de la négociation entre industriels et distributeurs sera réduit puisque la matière première agricole en est exclue. Cela va obliger les transformateurs à dévoiler la part de matière première dans leurs différents produits, ce qui relève du secret des affaires. Les acheteurs vont comparer les produits sur ce critère, tout en mettant la pression sur les autres composantes du prix (main-d’œuvre, logistique, communication et marketing, commercialisation). Ce n’était pas nécessaire. Au final, je ne vois pas comment Égalim 2 pourrait avoir un impact positif sur les revenus des éleveurs.
Que manque-t-il à cette loi ?
O.M. : Rééquilibrer le rapport de force entre les producteurs et les industriels implique de renforcer les OP. Les négociations commerciales devraient démarrer par l’envoi de leurs CGV par les OP à leur acheteur. Elles seraient exprimées en termes de volumes, de conditions logistiques et de prix. Le coût de production n’a rien à y faire. Cette donnée stratégique ne doit être discutée qu’au sein des OP car elles seules peuvent gérer les écarts. Les OP devraient faire du commerce, facturer leurs produits. Égalim 2 aurait pu pousser dans ce sens, inciter les éleveurs à adhérer aux OP.
De plus, il serait utile de créer une autorité indépendante de régulation des filières alimentaires. Car l’Observatoire de formation des prix et des marges ne joue pas son rôle. Cette autorité serait dotée de pouvoirs d’information mais aussi de sanction. On voit bien les dysfonctionnements actuels. Les médiations n’aboutissent pas. Certaines OP assignent leur acheteur en justice !
Pourquoi est-ce si compliqué, alors que les consommateurs approuvent l’exigence de revenu des agriculteurs ?
O.M. : Il était possible de changer la donne mais cela n’a pas abouti. Les lobbies – y compris certains qui représentent l’amont des filières – se sont activés pour bloquer les changements. Mais l’émergence de la prise en compte de la souveraineté alimentaire peut jouer en faveur des producteurs. Personne ne veut plus prendre le risque d’importer les problèmes sanitaires des autres. Alors que la pression permanente sur les prix agricoles risque de fragiliser la chaîne alimentaire, le marché français devient prioritaire. Les industriels commencent à penser qu’ils vont peut-être manquer de lait. Cela peut conduire à une convergence favorable aux producteurs. Déjà, on voit quelques OP bien organisées qui réussissent à créer un nouveau rapport avec leur acheteur, chez Danone et Bel notamment. Peut-être les prémices d’une nouvelle ère.
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