Le projet de loi issu des États généraux de l’alimentation est en discussion. L’enjeu est de changer durablement le fonctionnement des filières pour que les agriculteurs tirent un revenu décent de la vente de leurs produits.
À quoi ont servi les États généraux de l’alimentation ? Que peut-on en attendre concrètement ?
Olivier Allain : Pour l’instant, nous sommes toujours dans l’ancien système et on a bien vu que la charte signée par les distributeurs à l’automne n’a pas été respectée lors des dernières négociations commerciales. Mais la loi actuellement en discussion doit faire en sorte que l’on entre dans un nouveau paradigme. L’objectif vise clairement à aboutir à un revenu décent pour les producteurs agricoles. Jamais dans l’histoire, les sujets agricoles et agroalimentaires n’ont été abordés de cette manière, avec la volonté de changer le fonctionnement. L’ensemble comprend quatre points indissociables.
Il y a d’abord la nécessité de créer plus de valeur. La hausse du seuil de revente à perte de 10 % et la limitation des promotions doivent y contribuer.
Ensuite, il faut que cette valeur revienne aux producteurs. L’État ne reviendra pas là-dessus. D’où l’idée d’inverser le mode de construction des prix en partant du coût de production. Cependant, cela ne peut concerner que le lait et les produits laitiers destinés au marché français, soit 60 % de la collecte. Les EGA seront un succès si l’on parvient à contractualiser là-dessus dans la durée.
Le troisième point concerne la montée en gamme. Il s’agit, d’une part, de justifier un prix plus élevé par une différence, notamment dans le mode de production. D’autre part, cette différenciation doit permettre de ne pas subir les importations de produits moins chers.
Enfin, l’État doit montrer l’exemple car il est un gros acheteur de produits alimentaires (collectivités territoriales, hôpitaux, écoles, etc.). Si l’on monte à 50 % de produits bio et locaux sur ce marché, on arrive à un volume énorme. Actuellement, en volaille par exemple, 80 % de l’approvisionnement est importé.
Comment doit évoluer le projet de loi pour que cela marche ?
O.A. : L’inversion de la construction du prix doit être indiscutable. Il faut créer un dispositif s’appuyant sur des chiffres incontestables. Le pire serait un système à géométrie variable. Concernant le plafond des promotions, certains trouvent que le seuil de 34 % est trop élevé et voudraient le descendre à 20. Personnellement, je serais favorable à une interdiction des promotions pour les produits d’élevage. Mais la filière porcine, par exemple, s’y oppose. Il y aura des débats.
Les produits alimentaires coûteront plus cher aux consommateurs : n’est-ce pas un frein ?
O.A. : Les consommateurs ont été les grands bénéficiaires de la LME qui a fait baisser les prix, mais aussi les marges de l’industrie de transformation. Nous sommes intoxiqués aux prix alimentaires bas et cela ne peut pas durer. Les filières agricoles sont au bord du gouffre, de gros industriels ont fait faillite. L’alimentation a un prix. Elle ne pèse que 11 % des dépenses des ménages, un chiffre en baisse constante. Et l’agriculture ne coûte pas cher au contribuable avec un budget de 14 md€, contre 32 pour la formation professionnelle ou 40 pour l’habitat. Deux secteurs dans lesquels les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs. De plus, le prix payé au producteur agricole n’a qu’un faible impact sur l’inflation. En moyenne, la matière première représente 14,3 % des prix des produits alimentaires. Les agriculteurs doivent cesser de culpabiliser du fait des primes qu’ils touchent.
Au final, ce sont toujours les représentants des producteurs qui vont négocier le prix du lait avec les transformateurs ; comment croire qu’ils pèseront davantage ?
O.A. : Aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de discussion. C’est le marché qui dicte le prix, et c’est l’industriel qui connaît le marché. Là où l’on change de logiciel, c’est que les producteurs vont donner le prix.
L’interprofession devra leur fournir des informations incontestables sur les coûts de production et les marchés. Je suis volontariste et j’espère que tous les acteurs des filières seront à la hauteur.
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