
Les organisations de producteurs (OP) avancent avec leurs moyens et leur histoire pour assumer toutes leurs missions, au-delà de la seule négociation du prix du lait. Un parcours semé d’embûches, qu’elles défrichent patiemment.
Dix ans après leur naissance, quelles sont les réussites et les difficultés des OP ?
Élodie Ricordel : Les OP ont le mérite d’exister. Elles ont des statuts, des missions propres, une place dans la filière, même si elle reste encore insuffisamment connue et reconnue. Avant, les producteurs étaient peu représentés face à leur acheteur. Aujourd’hui, le dialogue est plus ou moins facile selon les laiteries mais au moins, elles ne peuvent pas le refuser. Les OP se sont auto-construites. Dix ans, c’est jeune. En face, les laiteries sont mieux organisées, avec des compétences juridiques, une connaissance fine des marchés, et même de nos coûts de production. Le rapport de force tourne à leur avantage, d’autant plus que l’offre de lait est supérieure à la demande. Difficile de leur faire admettre que notre lait a une valeur, et un coût. Par ailleurs, les éleveurs n’ont qu’un acheteur et pour certains, la priorité est que le lait soit collecté. L’OP doit représenter tous ses adhérents avec leur diversité. Elle a aussi pour mission de faire appliquer la loi Égalim, via les contrats-cadres, ce qui nécessite un bon appui juridique ; ces difficultés n’empêchent pas d’avancer. À l’OP Saint-Père, nous avons créé la marque « Les Éleveurs vous disent merci ! », en lien avec la laiterie et Intermarché. C’est une réussite qui profite à tous nos adhérents. Elle concerne 20 % de la collecte, payés 44 c/l, et nous a rendus fiers de nos produits. Aujourd’hui, nous nous battons pour la valorisation des 80 % restant. D’autres OP ont aussi lancé des initiatives profitables pour leurs adhérents.
Ont-elles acquis leur indépendance ?
E. R. : Je le pense. Au départ, les OP se sont appuyées sur les structures existantes et cela les a aidées à démarrer. Elles avancent progressivement, chacune à son rythme, en fonction de son histoire et de sa construction. Sur le plan financier, elles fonctionnent grâce aux cotisations des adhérents. À Saint-Père, celle-ci s’élève à 25 €/100 000 l. Il faut le voir comme un investissement, qui donne à l’OP les moyens de fonctionner pour défendre les éleveurs. Dans l’Ouest, l’AOP (association d’OP) Poplait regroupe neuf OP, soit environ 5 000 élevages et 3 Mds de litres de lait. Grâce à elle, les responsables d’OP bénéficient d’un réseau pour échanger, partager leurs idées et leurs expériences. Il s’agit d’une ressource importante pour nous aider à assumer nos missions, à trouver des solutions. La réussite passe aussi par l’investissement bénévole des administrateurs.
Que leur manque-t-il pour aller plus loin ?
E. R. : Les OP s’appuient sur les adhérents qui veulent bien s’impliquer. C’est très prenant, et nous devons aussi faire tourner nos fermes. Faute de formation spécifique, nous n’avons pas toutes les compétences et les connaissances requises pour faire le poids face à des industriels. Mais défendre les producteurs nous motive. Pour peser plus, il faudrait avoir un pas d’avance, travailler sur des projets pour être force de proposition vis-à-vis des laiteries. Nous souhaitons nous former et être accompagnés afin d’avancer dans nos missions. Poplait organise des formations, souvent prises en charge par Vivea, pour apprendre à négocier, à prendre des responsabilités, à fédérer une équipe. Les OP ont aussi besoin de personnel formé. À l’OP Saint-Père, nous avons organisé un séminaire pour définir nos projets et identifier nos besoins. La laiterie a l’obligation de nous transmettre les informations concernant la collecte et la qualité du lait, c’est à nous de traiter ces données et de les utiliser pour cogérer les volumes. Cela fait partie des missions des OP mais demande des moyens humains. Nous sommes au début d’une histoire. Nous nous heurtons au manque de transparence dans le retour du prix aux producteurs, à la volonté des acheteurs de s’aligner sur l’environnement concurrentiel, et à un manque de connaissance de nos missions de la part de certains adhérents. C’est exigeant parfois, mais passionnant. Malgré ces difficultés, l’existence des OP et l’investissement de leurs membres sont indispensables pour défendre les intérêts des producteurs et motiver les générations futures.
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