« Je réaffirme qu’il faut travailler davantage les coûts de production »

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La Coordination rurale s’est offusquée des propos de l’économiste annonçant qu’un éleveur laitier doit s’organiser pour faire tourner son exploitation avec un prix du lait à 330-340 €/1 000 litres. Il réaffirme ici la difficulté d’obtenir plus de 400 € en lait standard.

Comprenez-vous que vos propos aient pu choquer certains ?

Vincent Chatellier : Le communiqué de la Coordination rurale, diffusé à la suite de ma conférence de mai dernier, manque singulièrement, à mon avis, de subtilité et de finesse par rapport aux propos tenus. En cette période difficile pour les éleveurs, il nous faut collectivement privilégier la qualité des argumentations et, le cas échéant, respecter de potentiels avis divergents quant aux solutions à promouvoir pour permettre au secteur laitier de rebondir. Pour ma part, je réaffirme que l’optimisation des coûts de production est une voie à considérer avec sérieux par les éleveurs car la volatilité des prix est accrue, les structures atteignent pour certaines des tailles conséquentes et les règles fiscales incitent parfois à des investissements (en mécanisation) décalés des besoins réels. Le coût unitaire de production varie cependant selon le modèle productif, les régions et l’âge du chef d’exploitation. Le prix du lait payé au producteur est, lui aussi, dépendant de la plus ou moins grande maîtrise technique (qualité du lait). Avoir pour stratégie d’optimiser son coût de production va donc dans le bon sens. Cela ne signifie en aucune manière que je considère que le prix du lait doit être calé à ce même niveau.

Pourquoi le prix du lait ne pourrait-il pas se stabiliser à plus de 400 €/1 000 litres ?

V.C. : Dans certaines filières démarquées (agriculture biologique, fromages AOP, ventes directes, etc.), le prix du lait est supérieur à 400 €/t. En lait conventionnel, où les jeux concurrentiels sont exacerbés quand l’offre excède la demande, ce niveau n’a pratiquement jamais été atteint. Chacun sait qu’un tel niveau de prix serait unanimement apprécié des éleveurs et bienvenu pour stimuler les investissements ou mieux valoriser le capital accumulé au départ à la retraite. Mais il semble difficile d’y parvenir durablement dans un marché de plus en plus internationalisé (12 % de la production laitière européenne et 42 % de la production française sont exportés) et où la production n’est plus régulée par un contingentement de l’offre. En l’état de nos modes de régulation, les exploitations européennes les plus performantes seraient, avec ce niveau (400  €/t), incitées à produire davantage au risque de déstabiliser rapidement les équilibres du marché.

Avec un prix du lait à 300 €/1 000 litres, peu de producteurs couvrent leurs coûts de production et à 330 €, le salaire est maigre. Est-ce durable ?

V.C. : Le prix du lait payé au producteur a été clairement insuffisant, au cours des deux dernières années, pour faciliter l’installation des jeunes et permettre à une grande majorité des éleveurs de tirer un revenu qui soit à la hauteur de leur engagement. À 300 €/t, seules les exploitations qui combinent une bonne maîtrise technique et un faible poids d’endettement sont capables de tenir, sans trop détériorer leur trésorerie. Compte tenu de la hausse du prix de certains intrants et des investissements réalisés récemment, certaines exploitations en phase de modernisation sont fragilisées. Si le prix du lait est une variable importante, il n’empêche que la réussite d’un projet d’exploitation tient aussi à de nombreux autres facteurs. Les équilibres économiques étant fragiles, un prix du lait durablement faible affecte économiquement les structures et démobilise les potentiels futurs entrants. N’oublions pas qu’un écart de prix de 40 €/t pour une exploitation de 500 000 litres représente un enjeu de 20 000 € par an. C’est ce qui a manqué dans de nombreuses exploitations au cours de la période récente. Si la France ne peut pas s’extraire de la réalité des marchés européens­ et internationaux, le niveau de valorisation des produits laitiers sur notre marché intérieur doit nous interroger. La forte concentration des centrales d’achats et la recherche de prix bas par les consommateurs sont des éléments à placer au cœur des réflexions engagées sur l’évolution des rapports de force entre les acteurs de la filière.

Propos recueillis par Dominique Grémy

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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