La loi Égalim, présentée comme LA solution au revenu des agriculteurs, n’a-t-elle pas été survendue ?
Michel Raison : Oui, le terme « revenu agricole » ayant été employé à tort. Il y a un vrai malentendu car cette loi ne traite pas du revenu agricole mais du prix des produits vendus à la grande distribution. Elle n’agit donc que sur 1/5e du chiffre d’affaires des exploitations. Si on avait voulu faire une loi pour trouver une solution aux revenus des agriculteurs, il aurait fallu une loi d’orientation agricole qui traite de toutes les composantes du revenu.
Et sans aller jusque-là, il faudrait déjà essayer d’arrêter de voter des lois qui plombent ce revenu en alourdissant les charges des exploitations… Comme celles qui découleront du titre 2 de la loi Égalim à travers de nouvelles contraintes sur le bien-être animal, ou celles liées à la surtransposition des règles européennes.
N’oublions pas non plus qu’une partie importante du revenu agricole dépend de la Pac. Il est donc essentiel que nos gouvernants défendent ce budget qui risque de baisser de 15 %. À défaut, la loi Égalim pourrait laisser penser que nous sommes déjà dans la renationalisation de la politique agricole, avec une France qui n’est plus moteur sur la stratégie agricole européenne. On a laissé croire aux paysans qu’à travers cette loi, tous leurs problèmes allaient se régler. À mi-étape, on en est loin.
Quels constats faites-vous concrètement des effets de cette loi ?
M.R. : D’après l’institut Nielsen, l’inflation des produits de grande consommation, des rayons alimentaires, hygiène-beauté et entretien, a été contenue à + 0,3 %. Mais les produits frais ont augmenté de 1,2 %. Du fait de la hausse du SRP (seuil de revente à perte), les grandes marques ou certains produits, comme le beurre (+ 6 %), ont connu une inflation plus forte. Il y a donc eu inflation pour le consommateur. Et en face, l’Observatoire des négociations commerciales nous dit que la déflation du prix d’achat des GMS à leurs fournisseurs s’est poursuivie en 2019 à - 0,4 %. Comment voulez-vous qu’il y ait ensuite un effet de ruissellement des transformateurs sur les producteurs ? Pour cela, il faudrait de la création de valeur, ce qui n’a globalement pas été le cas.
Où sont les dysfonctionnements dans la mécanique Égalim ?
M.R. : Il n’y a pas eu de création de valeur globale car la guerre des prix continue. Elle s’est juste déplacée des marques nationales sur les MDD. Finalement, l’inflation payée par le consommateur n’est pas allée aux producteurs. Elle a servi aux GMS à baisser les prix sur leurs MDD et le non-alimentaire (droguerie, parfumerie, hygiène), qui sont devenus des produits d’appel. Elle a financé le contournement, par ces GMS, de l’encadrement des promotions (1) pour limiter l’impact sur le consommateur. La marge dégagée est aussi restée pour partie chez les GMS ou certains transformateurs. L’État, enfin, a empoché les recettes supplémentaires de TVA liées à l’inflation sur les produits alimentaires.
Le secteur laitier, pour lequel des hausses de tarifs ont été actées par les GMS, a-t-il été épargné ?
M.R. : Des hausses ont effectivement été passées sur les marques nationales, mais la distribution s’est rattrapée sur les MDD. Ce qui pose évidemment un problème particulier aux entreprises dont le mix-produit PGC vendu en GMS est très dépendant de ces MDD. Sachez aussi qu’à deux mois de la fin de l’année, certaines entreprises étaient encore en négociation avec les distributeurs sur les tarifs 2019 de leur MDD. N’oublions pas non plus que ces hausses des tarifs des marques nationales ont comme corollaires, dans le cadre d’une « montée en gamme » de produits, des charges supplémentaires pour les producteurs (alimentation non OGM…), avec des hausses de tarifs des GMS qui ne compensent pas ces surcoûts.
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-MICHEL VOCORET
(1) Le slogan des remises ne dit plus : « Un foie gras acheté, un gratuit ». C’est devenu illégal. Il dit : « Un foie gras acheté, un magret de canard offert », ce qui est légal.
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