L’arrivée du numérique pousse les entreprises de conseil, de sélection génétique, les GDS, etc. à investir ensemble. Dans le Grand Ouest, deux pôles émergent.
Depuis le début de l’année, dans l’Ouest, les annonces de partenariats entre organismes de conseil en élevage (Ocel), entreprises de sélection (ES), GDS, etc. se multiplient. La baisse du nombre d’élevages laitiers n’en est pas la principale raison. Ces structures ont anticipé cette évolution il y a déjà plusieurs années par des fusions interdépartementales. Côté Ocel, les Pays de la Loire achèveront ce mouvement en 2018 par la fusion des trois en place. Les ES, elles, rayonnent désormais sur plusieurs régions, avec encore de possibles passerelles. Celle, en février dernier, des schémas de sélection normands d’Origenplus et Gènes Diffusion le prouve. Dans ce paysage, les GDS et centres de gestion (réseau CER) sont « à la traîne ». Seuls, les GDS bretons ont créé une entité régionale.
Les big data rattrapent l’élevage
Ces regroupements ne suffisent plus. La volatilité des prix à laquelle sont exposés les éleveurs exige aujourd’hui des services et conseils plus poussés et mieux calibrés à leur système de production. L’émergence des big data ouvre la voie. Ils sont conçus pour rassembler des données et surtout les croiser. L’objectif est double : créer de nouveaux indicateurs techniques et technico-économiques, et construire des applications digitales (sur smartphone et tablette) facilitant la vie des éleveurs. « À nous de faire parler les données qui vont se multiplier dans les élevages grâce aux capteurs », décrypte Philippe Royer, directeur du groupe Seenergi (Ocel ligériens et normand). « Le numérique est important, mais cette révolution n’est qu’un élément. La science va continuer à changer la conduite des troupeaux en faisant parler la goutte de lait et l’ADN des bovins. »
La détection des vaches atteintes d’acétonémie par l’analyse du lait ou un index génétique santé du pied ne sont que les prémices. Demain, sans doute pourra-t-on évaluer le bien-être de la vache par le croisement de son comportement, sa production, sa température, etc. À condition de pouvoir agglomérer les données économiques, génétiques, de santé, production et reproduction que chacune des structures de conseil détient. En d’autres termes, elles ont besoin les unes des autres pour avancer dans cette direction. Les alliances plus ou moins poussées ces derniers mois dans l’Ouest répondent à cette ambition. Une ambition qui réclame des moyens, difficiles à financer seul. Elles ont choisi de mutualiser les investissements et leurs compétences.
« Le nouveau règlement zootechnique européen nous incite aussi à aller dans ce sens », complète Vincent Rétif, président d’Évolution, partie prenante dans la start-up Applifarm. « En 2019, chaque race sera organisée en Osue dont la collecte des données d’élevage et la sélection génétique feront partie des missions. Évolution souhaite être reconnue Osue en holstein, normande et pie rouge des plaines. Une candidature sera déposée avant la mi-2018 qui contiendra des partenariats avec les organismes d’élevage. »
Bretons d’un côté, Ligériens et Normands de l’autre
Deux stratégies d’alliance voient le jour, l’une en Pays de la Loire et Normandie réunis, l’autre en Bretagne.
La première repose sur l’union des Ocel pour proposer les mêmes innovations et services à leurs 14 000 adhérents. Une façon de résoudre le risque de concurrence entre eux sur les deux régions. En janvier 2015, la SAS Seenergi est créée, puis d’octobre 2016 à août 2017, trois filiales voient le jour. Elles mutualisent les conseillers experts et sortent des domaines habituels aux Ocel. En accueillant Oringenplus en octobre, Seenergi (voir encadré) accède à des informations génétiques. Et ce n’est pas fini : elle regarde vers les Ocel de l’Est. La Bretagne suit une autre logique qui ouvre la porte à la concurrence. Tous les acteurs du monde de l’élevage restent en effet maîtres chez eux. Autre différence: le périmètre est plus large puisqu’ils constituent la start-up Applifarm avec les industriels de l’aliment et de l’aval. Elle est leur bras armé « pour créer et tester les services de demain. L’arrivée des objets connectés est une tendance lourde. Il faut l’intégrer plutôt que risquer d’être dépassé par des concurrents ».
La concurrence entre les entreprises de conseil se prépare
Son travail immédiat consiste à concevoir technologiquement une plateforme avant d’envisager la mise en commun et le croisement des données que les partenaires apporteront. Des partages qui seront contractualisés pour respecter la protection des données.
Car s’ils réussissent à développer des applications grâce à la plateforme commune, sur le terrain, ils se trouveront en concurrence. La réglementation les y emmène. Les entreprises de contrôle officiel de performances sont agréées pour leur zone jusqu’à la fin 2019. Les pouvoirs publics ne feront pas un nouvel appel d’offres ensuite. De quoi bousculer le paysage du conseil. Un producteur breton pourra voir dans sa cour ses conseillers habituels, ceux des départements voisins, mais aussi ses fournisseurs et sa laiterie avec des services qui marchent sur les plates-bandes des premiers. Dans un monde laitier qui poursuit sa restructuration, chacun aura à cœur de fidéliser les éleveurs des quinze à vingt prochaines années. « À nous de les convaincre de la rentabilité des nouveaux services », dit Philippe Royer.
« Si nous n’investissons pas, nous prenons le risque de l’arrivée sur notre marché de nos concurrents européens ou de gros opérateurs de big data qui s’intéressent à l’agriculture », ajoute Vincent Rétif. L’ensemble de cet édifice repose sur l’accord des producteurs à confier gratuitement leurs données. Cela leur sera proposé dans un cadre contractuel. Un édifice dont les chambres d’agriculture de l’Ouest sont les grandes absentes. Celles de Normandie et des Pays de la Loire participent seulement à enrichir la nouvelle appli Pilot’élevage des déclarations de naissances et mouvements d’animaux.
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