Ces OP qui innovent

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Café OP.
Café OP. (©C. Hue)

Certaines OP sortent des sentiers battus pour améliorer la valorisation du lait, resserrer les liens entre leurs adhérents ou encore les former. Des idées à prendre pour les autres.

Agréées pour les premières fin 2012, les OP (organisations de producteurs) ont pour mission première de négocier les prix et les contrats. Mais certaines vont bien plus loin. Pour créer du lien entre les adhérents, encourager les adhésions, ou améliorer la valorisation du lait, elles prennent diverses initiatives. Petit tour d’horizon, non exhaustif, de ces démarches que d’autres OP pourraient reprendre à leur compte.

âPour obtenir une meilleure valorisation

L’APBO (Bel Ouest), soucieuse d’améliorer la valorisation du lait pour ses adhérents, a négocié un nouveau cahier des charges avec la laiterie. Il impose depuis le 1er juillet 2018 de nourrir les vaches sans OGM. À ce titre, les adhérents perçoivent une prime de 15 €/1 000 l. Ils sont aussi incités à faire pâturer les vaches au moins 150 jours par an. La prime correspondante s’élève à 6 €/1 000 l. Le cahier des charges reste la pro­priété de l’OP. En contrepartie, Bel s’est engagé sur un prix de base moyen à 350 €/1 000 l en 2018 d’abord, puis en 2019 et 2020. Soit 376 € en moyenne pour du lait standard (38-32) depuis trois ans, pour ceux qui touchent les deux primes.

Grâce à cette démarche, les adhérents de l’APBO figurent dans le peloton de tête du meilleur prix du lait dans l’Ouest. Leur volume contractuel se maintient. Et l’OP regroupe désormais 100 % des livreurs.

L’OP Saint-Père a, elle aussi, trouvé le moyen d’améliorer le prix du lait pour ses adhérents. Constatant que les consommateurs se soucient de la rémunération des producteurs, l’OP a proposé à l’industriel, filiale d’Intermarché, de la mettre en avant sur les briques de lait. Au fil des échanges est née la marque Les Éleveurs vous disent merci. Sur la brique, vendue 88 centimes, s’affiche le retour à l’éleveur, soit 44 centimes. Depuis le lancement en 2018, Intermarché reverse tous les semestres, sur les volumes vendus sous la marque, l’écart entre le prix réel payé et les 44 centimes dus. Soit un bonus de l’ordre de 11,5 à 14,2 €/1 000 l sur toutes les livraisons des adhérents. Ils sont ainsi ceux qui ont touché le prix le plus élevé dans le Grand Ouest en 2019.

« L’OP a gagné des adhérents. Les éleveurs ont retrouvé la fierté de leur métier », souligne Élodie Ricordel, présidente de l’OP. Et l’organisation s’est imposée comme un partenaire dont l’avis compte quand l’acheteur veut avancer sur d’autres sujets tel, aujourd’hui, le bien-être animal.

âPour développer ou conforter sa référence

En 2015, OPLGO s’est mise d’accord avec Lactalis pour que ses adhérents puissent échanger leurs contrats de gré à gré. Une liberté très nouvelle dans le petit monde du lait. OPLGO a mis en place un service de petites annonces pour faciliter les contacts entre les candidats à la reprise et à la cession. « Ce système a séduit de nombreux éleveurs. Même s’il y a eu des dérapages sur les prix, il a permis à OPLGO de recruter de nouveaux adhérents », rappelle Jean-Michel­ Yvard, président de l’OP. Une concurrence s’est installée entre les OP Lactalis, et certaines ont suivi OPLGO pour garder leurs adhérents. Finalement, le syndicalisme majoritaire, viscéralement opposé à tout marché payant des contrats, s’est battu pour tordre le cou à ce système. La loi Sapin 2 l’a interdit fin 2016.

Dans le Nord, l’OP livrant à l’usine Danone de Bailleul rassemble 100 % des livreurs. Ils ont confié à leurs représentants « la mission de rechercher de nouveaux débouchés et des sources de création de valeur », indique Gilles Durlin­, son président. Après avoir négocié un contrat-cadre prévoyant la mutualisation des volumes et la non-exclusivité des livraisons, l’OP a créé en 2016 une SAS avec deux OP régionales : elle a décroché plusieurs contrats renouvelables, soit 32 000 t de lait. Pour rémunérer la valeur créée par les éleveurs, une AOP transversale a été constituée avec deux autres OP. « L’idée est de rémunérer la valeur ajoutée créée par les producteurs, par le biais de diagnostics pouvant être certifiés. » Première concrétisation : l’empreinte carbone. Une cinquantaine de producteurs ont répondu à un appel à projet début 2020 : « Ils ont réalisé un diagnostic CAP’2ER de niveau 2 qui les engage pour cinq ans, à l’issue desquels tous les points carbone gagnés pourront être valorisés auprès de la Bourse carbone. » D’autres OP s’engagent sur cette piste, telle l’ABPO. Ce modèle ouvre la voie à d’autres thématiques : biodiversité­, bien-être animal… Les membres de l’OP se réunissent trois fois par an et bénéficient également d’un soutien dans leurs démarches administratives assuré par l’animateur délégué par la fédération départementale des groupements de producteurs de lait (ADPL).

âPour créer du lien et se former

En 2019, L’OPLB a proposé à ses adhérents de visiter l’usine Lactalis de Pontivy (Morbihan). Un vrai succès puisque les trois dates proposées ont fait le plein. Les éleveurs ont découvert où et comment est transformé leur lait. Ils ont échangé avec le directeur du site et pris conscience de contraintes industrielles qu’ils ignoraient. De son côté, le directeur a, pour la première fois, mis des noms et des visages sur les livreurs de lait. « Cette démarche a permis de créer du lien entre les adhérents de l’OP, mais aussi avec l’industriel. En cas de conflit à l’avenir, il est probable que cette connaissance mutuelle aide à trouver des solutions », remarque Ronan Jacques, président de l’OP. Des visites seront organisées l’hiver prochain sur un autre site. Par ailleurs, l’OPLB propose des formations, par exemple sur les marchés à terme, ou encore sur la construction du prix du lait. Elle envisage aussi des rencontres avec d’autres livreurs de Lactalis installés dans différents pays européens. L’idée est de créer des événements conviviaux permettant aux éleveurs de mieux se comprendre.

De son côté, l’OP Cleps (Savencia) cherche à donner envie aux éleveurs de s’impliquer dans sa structure. Elle a fait appel, il y a deux ans, aux compétences d’animation de la chambre d’agriculture de la Manche pour booster la relation avec les adhérents. Fini les réunions d’hiver avec les membres du bureau face aux adhérents ! La communication est participative. Les producteurs se rassemblent par groupe. Les plus timides s’expriment ainsi plus facilement. Parallèlement, les nouveaux sont invités à suivre la formation « Connaître mon OP », « pour créer du lien avec eux », affirme David Renault, président de l’OP Cleps Ouest. Des formations sont proposées sur la vie du conseil d’administration, pour faciliter le renouvellement des administrateurs. Pour l’OP Cleps, c’est un investissement : elle a dépensé l’an passé 20 000 € dans la rétribution du travail de la chambre d’agriculture de la Manche. Mais elle a obtenu des subventions de la Région, du Département de la Manche, de la chambre d’agriculture de la Manche et du fonds Vivea.

âPour aider à l’investissement

L’AOP Sunlait (Savencia) a négocié avec la laiterie une enveloppe de 750 000 € par an pour aider les investisseurs. Entre 2016 et 2019, elle était dédiée à ceux qui investissaient dans des équipements et des animaux. Il fallait en faire la demande, pour une aide plafonnée à 7 500 €. « Les règles ont été modifiées l’an passé. Les 750 000 € sont destinés aux projets d’un à trois ans, dans une fourchette de 50 000 à 200 000 € », précise David Renault. Les dossiers sont étudiés par une commission mixte entreprise-OP mais l’OP est l’interlocuteur des éleveurs. L’aide s’élève à 5 % du montant total, et est plafonnée à 10 000 €. « Ce programme rencontre du succès puisque l’enveloppe va être consommée. Nous risquons de devoir gérer des besoins supérieurs aux 750 000 €. » Depuis 2016, il existe un programme pour les JA. « Il séduit peu. Sunlait négocie avec Savencia pour le redéfinir. »

L’OP des trois Vallées (Danone Basse­-Normandie) a également cherché à soutenir les éleveurs investisseurs. Le premier chantier a porté sur l’aménagement des laiteries, nécessaire après le passage à une collecte à 72 heures. « Cinquante dossiers ont été cofinancés, pour un total de 150 000 € : 110 000 € pour Danone et 40 000 € pour l’OP, à partir des retours de pénalités et des cotisations », explique Damien Lecuir, président de l’OP. Depuis deux ou trois ans, de nouveaux dossiers émergent en lien avec la stratégie de l’entreprise. Soucieuse de réduire l’empreinte carbone, elle finance des diagnostics CAP’2ER (pour ses six OP). « Danone est notre client. Il veut communiquer sur un produit durable à partir de pratiques qui nécessitent de notre part des investissements. À nous de faire en sorte qu’il y ait un retour aux éleveurs. » Il fait allusion à leur rémunération dans le nouveau contrat en cours de négociation. Il insiste sur la nécessité d’une relation sereine entre l’OP et l’entreprise pour aboutir sur ce type de sujet. Autrement dit, il faut d’abord réussir à se mettre d’accord sur les prix et les contrats.

Pascale Le Cann, Claire Hue et Jérôme Pezon

© c.hue - c.hue

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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