« Anticiper les périodes de stress grâce au monitoring »

Pour Franck Hornuel, éleveur de vaches laitières dans la Meuse, " avoir un outil de mesure du stress thermique permet d’analyser de manière concrète les pratiques à améliorer".
Pour Franck Hornuel, éleveur de vaches laitières dans la Meuse, " avoir un outil de mesure du stress thermique permet d’analyser de manière concrète les pratiques à améliorer". (© J.Pezon)

Sur la base des données collectées par un collier de monitoring, Franck Hornuel, éleveur à Sommeilles, dans la Meuse, met en œuvre un ensemble de pratiques contribuant à renforcer le confort de son troupeau en périodes de fortes chaleurs.

Installé dans la Meuse avec un troupeau d’une centaine de laitières en traite robotisée, Franck Hornuel a souscrit depuis deux ans au service Heat’Adapt proposé par Seenorest, en partenariat avec Medria. Cet outil, déjà adopté par 1 800 élevages, est dédié à la sensibilisation et à la prévention du stress thermique. Il repose sur des prévisions météo locales à cinq jours et sur les capteurs d’un collier de monitoring permettant de mesurer l’évolution du comportement animal : ingestion, rumination et stations debout inactives.

© J.Pezon Collier Medria : les indicateurs de stress thermique Heat’Adapt sont fournis par le collier, le même qui sert à la détection des chaleurs, via un abonnement de 402 € (service + location des colliers).

« Chacun est conscient aujourd’hui que ces périodes de canicules ont un impact sur la santé et les performances des animaux, souligne l’éleveur. Le fait d’avoir un outil de mesure a permis d’analyser de manière concrète les pratiques à améliorer et les bénéfices que cela apportait. »

Un manque à gagner de 57 kg de lait par vache

Pour rappel, les effets du stress thermique sont notables chez la vache à partir de 25 °C et sont aggravés par l’humidité. D’où l’intérêt d’évaluer le THI (index de température et d’humidité) qui combine ces deux critères : l’humidité relative et la température ambiante. On estime que la vache laitière subit un stress thermique dès que le THI dépasse un indice de 72 et même 68 chez les hautes productrices : c’est-à-dire qu’une température de 22 °C avec 50 % d’humidité correspond à la limite supérieure de confort thermique d’une vache haute productrice.

Sur le volet de la sensibilisation, les données de THI journalières collectées par le logiciel Heat’Adapt permettent d’abord de matérialiser la réalité de ce stress à l’échelle du département et son incidence sur les performances : ainsi, en 2022 dans la Meuse, l’outil a relevé 69 jours correspondant à une situation de stress (THI > 72). Dans ces conditions et sans aucune mesure d’atténuation mise en œuvre, cela entraînait une perte potentielle de 57 kg de lait/vache de mai à septembre, ainsi qu'une baisse du taux de gestation de 3 à 4 % (le taux de gestation traduit la capacité à obtenir des vaches gestantes par cycle de 21 jours).

Des prévisions à cinq jours pour se préparer

Sur le volet de la prévention, Heat’Adapt permet d’anticiper ces périodes de stress grâce à des alertes météo locales à cinq jours via les coordonnées GPS, avec un indicateur de sévérité du stress. Il est ensuite possible de suivre la réalité du confort thermique du troupeau grâce à trois indicateurs de baisse d’ingestion, d’hyperventilation (associée à une hausse artificielle et anormale de la rumination) et de hausse du temps de repos debout. Ces changements de comportement ont pour conséquences un risque accru d’acidose accompagné d’une baisse du TB, une diminution de la production de lait de 5 % à 30 % selon l’intensité du stress, mais aussi une baisse de fertilité de 10 à 20 % trois semaines avant et cinq semaines après l’insémination appelée « carry-over effect ». Sans oublier une baisse de l’immunité avec des risques sanitaires indirects liés à l’augmentation du microbisme autour des points d’eau.

« L’analyse des données transmises par le collier Medria a permis de constater une baisse de l’ingestion pendant les phases de fortes chaleurs et en particulier une diminution anormale de la rumination la nuit lorsque les vaches n’avaient plus accès à la ration à l’auge à volonté avec des chutes de production de 3 à 4 litres de lait/vache », explique l’éleveur.

De petites améliorations qui ne coûtent pas cher

Avant d’investir dans des filets brise-vent amovibles, pour lesquels il avait un devis de 18 000 €, Franck a donc commencé par faire évoluer ses pratiques alimentaires : « Une somme de petits détails qui ne coûtent pas cher et qui ont contribué à améliorer la situation face au stress thermique. »

La ration est distribuée à 18 heures à partir du mois de mai. « La journée de travail finit un peu plus tard, mais de cette manière, j’observe une multiplication des repas pris pendant la nuit et il est plus facile de repousser la ration en journée pour qu’elle reste toujours accessible. Cela permet de maintenir l’ingestion, sans les pertes de production observées avant. »

La complémentation minérale est renforcéepar l’apport de 200 g de bicarbonate de sodium (50 % de sodium), sans oublier le bloc de sel à disposition.

Le mouillage de la ration est divisé par deux,passant de 8 à 4 litres d’eau par vache pour éviter les reprises en fermentation.

© J.Pezon La stabulation en compte cinq abreuvoirs au total : un de 2,5 mètres dans l’aire d’attente du robot et un abreuvoir à double bol avec réserve dans les passages entre les logettes.

Sur le volet des investissements, seul un abreuvoir à double bol a été ajouté dans un passage entre les logettes. Enfin, lors d’alertes portant sur un stress thermique élevé, l’éleveur fait tout simplement l’impasse sur les inséminations.

Des pratiques d’élevage résilientes

Au terme de la campagne, Heat’Adapt fournit un bilan personnalisé avec un score de résilience en période de stress thermique portant sur trois critères, comparé à une période de référence.

  • Concernant la reproduction, le taux de gestation de 28 % en période de stress thermique observé sur l’exploitation correspond au maintien des performances du troupeau par rapport à la période du 15 décembre au 15 mai (objectif 35 %) ;
  • le temps d’ingestion sur 24 heures est de 305 minutes, soit une baisse de 32 minutes (- 10 %) ;
  • enfin, en matière de confort, le bilan fait état d’une baisse de 36 minutes du temps passé coucher en période de stress, soit 8 h 56 par jour.

Des améliorations sont donc encore possibles que l’éleveur a d’ores et déjà planifiées pour renforcer la prévention : ôter partiellement le bardage sur la façade opposée au vent dominant, investir dans une porte de tri laissant un accès au pâturage à partir de 21 heures pour profiter de la fraîcheur de la nuit.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,46 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 7,25 €/kg net +0,04
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Jean-Michel Diard éleveur laitier dans le Maine-et-Loire

Des sols en bonne santé, même avec des Cive

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