
Le risque de ne plus disposer de vermifuge efficace à cause des résistances est sérieux. Les traitements ne doivent plus se faire à l'aveugle. Des stratégies existent pour cibler les troupeaux et les périodes à risque. Elles deviendront de plus en plus précises.
LES STRONGLES DIGESTIFS SONT DES VERS DU TUBE DIGESTIF qui peuvent induire des baisses de croissance chez les génisses, voire les rendre malades, et des pertes de production laitière chez les vaches adultes. Des traitements anthelminthiques, c'est-à-dire actifs contre les vers, sont donc souvent administrés. Ces vermifuges sont des médicaments précieux : ils éliminent les vers présents chez les bovins, peuvent prévenir les réinfestations lorsqu'ils sont rémanents, et permettent ainsi de maîtriser l'impact négatif des parasites sur les performances et la santé des bovins. Cependant, s'ils sont mal utilisés, c'est-à-dire trop fréquemment et sans évaluation préalable du réel risque parasitaire, les vermifuges peuvent avoir des effets négatifs. En effet, une utilisation trop fréquente de molécules de la même famille conduit à l'émergence de populations de vers résistants (voir encadré). De plus, certains anthelminthiques éliminés dans les bouses après traitement des animaux peuvent avoir des effets néfastes importants sur une faune non cible essentielle à la dégradation des bouses sur les pâtures. Par exemple : les résidus d'avermectine ont une forte toxicité sur les larves de bousiers.
DÉVELOPPER L'IMMUNITÉ AVANT TOUT
Par ailleurs, le contact avec les vers étant nécessaire pour le développement de l'immunité antistrongles digestifs, l'excès de traitements rémanents chez les génisses peut retarder l'acquisition de cette immunité, et donc conduire à l'augmentation du nombre de traitements chez les animaux plus âgés.Avoir un coup d'avance, c'est tenir compte de ces effets négatifs pour bien les prévenir. Il est primordial d'avoir à l'esprit que le risque d'apparition de résistance n'est pas négligeable. Des cas ont été rapportés un peu partout dans le monde, y compris en Europe et en France (voir encadré p. 52). Il faut notamment tirer des leçons de ce qui s'est passé chez les petits ruminants où les résistances sont très développées, avec des vermifuges qui ne sont plus efficaces dans beaucoup d'élevages. La clé est de mettre en place des stratégies de traitement ciblé-sélectif. C'est-à-dire en restreignant l'usage des vermifuges sur des périodes et des lots ciblés comme « à risque » (suffisamment de parasites présents pour engendrer des pertes). Prochainement, il sera aussi possible de sélectionner les individus pouvant bénéficier du traitement en matière d'amélioration ou de maintien de leurs performances.
GÉNISSES : RÉALISER UN DOSAGE DE PEPSINOGÈNE DANS LE SANG
Ces animaux du prétroupeau ne sont pas encore immunisés. Le recyclage parasitaire peut donc être important dans ces lots, jusqu'à ce que les niveaux d'infestation deviennent dangereux. Pour identifier les lots à risque et les périodes à risque, il faut tenir compte de la conduite de pâturage et de la météo. Il existe des outils informatiques(1) qui intègrent ces informations pour aider les éleveurs et les vétérinaires à déterminer le moment optimal du traitement en cours de saison de pâturage. L'idéal serait de coupler l'utilisation de ces outils « prédicateurs du risque parasitaire » à des analyses de laboratoire pas trop coûteuses, confirmant bien la nécessité du traitement. En travaillant ainsi, on visualise plus facilement quand il faut traiter, mais on identifie aussi les périodes où le contact avec les parasites reste assez bas et sans conséquence négative pour les animaux. Ces périodes-là sont favorables à l'installation de l'immunité. On peut donc optimiser le temps de contact effectif (TCE) avec les strongles digestifs (voir infographie), autorisant le développement de l'immunité, sachant que plusieurs mois de TCE (au moins huit) sont nécessaires pour l'acquisition de l'immunité avant l'entrée dans le troupeau de vaches adultes. Il n'est pas toujours nécessaire de traiter à la rentrée en stabulation. Pour évaluer la nécessité d'un tel traitement, le meilleur moyen est de faire dans le sang un dosage de pepsinogène sur au moins cinq génisses du même lot. Le pepsinogène est une enzyme de la caillette qui peut passer dans le sang quand sa paroi est lésée par les strongles digestifs. En cas de taux de pepsinogène élevé, votre vétérinaire pourra vous conseiller et vous prescrire l'antiparasitaire adéquate. À l'inverse, si les taux de pepsinogène sont très bas, il n'est pas nécessaire de vermifuger à la rentrée... Mais attention, de trop faibles valeurs peuvent aussi être le signe que les génisses ont été insuffisamment exposées aux parasites, que le contrôle a été trop drastique et que l'immunité n'est pas bien installée. Pour optimiser l'usage des vermifuges chez les génisses, des travaux de recherche sont en cours pour trouver des critères permettant d'identifier de manière fiable les génisses à traiter sélectivement. Un retard de GMQ par rapport à la moyenne du lot pourrait être une piste prometteuse.
VACHES ADULTES : S'ASSURER QUE L'IMMUNITÉ EST ACQUISE
Si au moins huit mois de temps de contact effectif ont été possibles avant le premier vêlage (voir infographie ci-contre), il y a peu de risques que les vaches adultes aient besoin d'être traitées. En revanche, en cas de TCE faible, l'immunité peut être acquise incomplètement, et les parasites pourraient entraîner des baisses de production laitière. Les troupeaux à cibler en priorité seraient donc ceux où les génisses ont peu de contact avec les strongles digestifs (peu de pâturage ou trop de traitements).
Pour affiner ce ciblage, une piste prometteuse est la combinaison d'informations. Des travaux de recherche récents ont mis en évidence que dans les troupeaux à temps de contact effectif faible et à niveau d'anticorps antistrongles digestifs élevé dans le lait de tank, il pouvait y avoir un gain de production laitière après traitement anthelminthique à la rentrée en stabulation. En toute logique, ce serait les jeunes vaches dans de tels troupeaux qui devraient être sélectionnées pour le traitement. Cette approche doit être validée et des essais sur le terrain seront menés pour confirmer que cette stratégie de traitement permet bien d'optimiser la production laitière, sans avoir à traiter la totalité du troupeau. Si elle est validée, cette approche sera d'autant plus intéressante que l'on dispose d'un médicament antiparasitaire parfaitement adapté au traitement sélectif des vaches laitières : l'éprinomectine injectable, qui a un délai d'attente nul pour le lait. Et comme elle s'administre par injection, elle ne peut pas diffuser d'une vache à une autre, comme c'est souvent le cas avec les pour-on. En effet, le problème avec les traitements pour-on est qu'ils sont absorbés de manière assez variable par les vaches (quid de la dose arrivant réellement à l'endroit de l'organisme où il faut tuer les parasites), et qu'ils peuvent diffuser d'une vache traitée à une vache non traitée, notamment lorsqu'elles se lèchent (les vaches initialement traitées et non traitées peuvent donc recevoir le médicament en sous-dosage, ce qui favorise beaucoup l'apparition des résistances !)
Le traitement ciblé-sélectif sera donc bientôt possible en troupeau bovin laitier. Les résultats sont prometteurs, et c'est encourageant car il s'agit du seul moyen de prévenir ou, du moins, de retarder l'apparition des résistances !
NADINE RAVINET
(1) Parasit'info (disponible via les GDS) et simulateur du risque parasitaire lié aux strongles digestifs (bientôt disponible sur le site web de l'Institut de l'élevage).
Pour des traitements sélectifs sur vaches laitières, on dispose maintenant d'un antiparasitaire à délai d'attente nul pour le lait. Injectable, il ne diffuse pas d'une vache à l'autre comme les pour-on. © CLAUDIUS THIRIET
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