
Alors que certains éleveurs choisissent de vivre avec la maladie, le Gaec La Charbonnière a été le premier de Haute-Savoie à engager son troupeau dans une démarche d'assainissement vis-à-vis de la besnoitiose.
POUR MARYLINE ET PATRICK DURET, installés à Aviernoz (Haute-Savoie), il n'était pas question de « vivre avec la maladie ». Quand le diagnostic de la besnoitiose a été posé en août 2012, les jeunes éleveurs n'ont pas hésité. Malgré un taux de bovins positifs de plus six mois supérieur à 20 %, ils ont choisi d'assainir le plus vite possible leur troupeau. « Nous avions le renouvellement. Alors que dix-sept des quarante-sept laitières devaient être abattues, dix-huit génisses arrivaient, expliquent-ils. Notre priorité était de préserver la génétique de notre troupeau. Nous avons une bonne souche abondance que nous avons travaillée. » Alors que le troupeau conduit en AOP reblochon compte un tiers d'abondances et deux tiers de montbéliardes, les associés du Gaec La Charbonnière entendent développer la première race en montant jusqu'à 45 % de vaches abondances. Pas question non plus de prendre le risque de contaminer le voisinage : avec un parcellaire éclaté et une dizaine de génisses en pension pendant quatre mois, les relations de voisinage sont nombreuses. L'été, les génisses et les taries sont réparties dans neuf parcs différents. Les vaches, elles, pâturent près de l'étable entravée. De mai à octobre, elles sont jour et nuit dehors.
Décidés à assainir leur troupeau au plus vite, Maryline et Patrick Duret n'ont pas perdu de temps, comme en témoigne la chronologie des événements. Le 21 juin 2012 quand un plan avortement est déclenché dans l'élevage, les Duret n'ont pas en tête la besnoitiose. Ils pensent plutôt à la néosporose.
« NOUS NE NOUS SENTIONS PAS CONCERNÉS PAR CETTE MALADIE »
« Deux avortements s'étaient produits à une semaine d'intervalle sur des vaches à huit mois de gestation, rapportent les associés du Gaec entre époux. Elles se trouvaient dans un parc isolé à 5 km du siège de l'exploitation. Dans cette parcelle, la proximité d'un ruisseau attirait de nombreux taons. »
Trois semaines plus tard, quelques jours après le retour des deux avortées dans le troupeau, une troisième vache tombe malade. Elle présente une forte température, des oedèmes aux pattes avant et des plaies sur la peau. Alors que les éleveurs suspectent la FCO (fièvre catarrhale ovine), le vétérinaire pense à la besnoitiose. Des sérologies individuelles ne sont pas réalisées immédiatement. « Compte tenu du temps d'incubation et du délai pouvant aller jusqu'à six semaines entre l'infection et l'apparition des anticorps, des prélèvements immédiats n'auraient pas été pertinents », explique Patrick Duret.
Le 21 août, après un été « stable », les prélèvements réalisés sur les trois « malades » s'avèrent malheureusement positifs. Alors que les deux premières avortées ne produisent que 15-16 litres de lait par jour, les éleveurs décident d'envoyer les animaux à l'abattoir et font appel au GDS (Groupement de défense sanitaire) pour dresser un état des lieux. « Nous voulions faire une photographie de la situation sur le troupeau complet, savoir où nous en étions. » Tous les animaux de plus de six mois sont alors prélevés et dépistés en septembre.
« 40 % DES LAITIÈRES SE RÉVÈLENT POSITIVES, UN CHOC ! »
« À cette période, nous avions encore des lots de génisses et de taries dispersés en alpage. Il a fallu plus d'une journée pour faire le tour des neuf parcs. » Quand les résultats tombent, c'est un choc. « Alors que nous nous attendions au plus à sept ou huit animaux séropositifs, dix-sept vaches se révèlent contaminées, soit 40 % des laitières. » Par contre, aucune génisse n'est touchée.
Pour essayer de comprendre l'épidémiologie, quatorze élevages considérés « à risques » dans le voisinage de pâture sont recensés par le GDS, en concertation avec le vétérinaire. Compte tenu du parcellaire dispersé et des animaux en pension, l'enjeu est de savoir si la maladie a diffusé dans les élevages voisins. Une réunion d'informations est organisée en septembre et plus de 550 bovins sont analysés. Aucun d'entre eux n'est positif. C'est un soulagement pour le couple Duret. « Nous ne nous sommes jamais cachés de la maladie. Savoir que le voisinage proche n'était pas touché nous a permis d'enclencher une procédure d'assainissement dans le troupeau. Elle aurait été inefficace dans un environnement contaminé. »
Pour protéger la partie saine de leur troupeau, les vaches sont alors séparées en deux lots : les positives vouées à l'abattoir d'un côté, les négatives de l'autre. Entre le 21 août et le 30 octobre, les laitières sont traites séparément. « Les pâtures groupées autour des bâtiments s'y prêtaient », soulignent les éleveurs. Les interrogations et les doutes malgré tout sont nombreux : cette stratégie va-t-elle fonctionner ?
« ENVOYER AUTANT D'ANIMAUX À L'ABATTOIR EST DIFFICILE »
« Les vaches sont parties à l'abattoir par groupes de six-sept. Il fallait faire vite pour racheter quelques génisses avant la rentrée en bâtiment, se souviennent-ils. En entravée, il n'y a pas de possibilité de séparer les lots. Nous avons fait partir de bonnes vaches fraîches, de belles abondances. Nous savions que ce serait plus dur de les remplacer. »
Sur le plan économique, le bilan a pu néanmoins s'équilibrer grâce à la très bonne conjoncture laitière de l'automne 2012 (bonne production et prix du lait élevé), et au soutien financier du GDS des Savoie. « Parmi les dix-sept vaches séropositives, certaines étaient vouées à la réforme, dont la plus vieille du troupeau, pointe Patrick Duret. Avec le renouvellement et l'achat de quelques génisses, nous avons recalé et rajeuni le troupeau. Produire plus de lait a compensé les pertes liées à l'abattage des vaches. »
À refaire, les Duret reprendraient la même décision. « Même si envoyer autant d'animaux à l'abattoir est une décision difficile à prendre. D'autant plus qu'elle n'est pas obligatoire, mais de notre seule responsabilité. Cela génère un gros stress. »
Trois ans après l'apparition de la besnoitiose dans leur troupeau, le couple Duret s'interroge toujours sur l'origine de la maladie. « Nous n'avons toujours pas de certitude. Nous ne nous sentions pas concernés par cette maladie. Nous n'achetions pas d'animaux à l'extérieur. Nous ne pouvons faire que des hypothèses. Certains animaux couvaient peut-être la maladie depuis des années sans émettre de signes cliniques. » Dans l'étable entravée où chaque vache a sa place, la position des animaux semble avoir joué un rôle. « La majorité des vaches contaminées se trouvaient près du translucide, sur le côté le plus lumineux du bâtiment orienté soleil couchant. » Une observation qui ouvre de nouvelles hypothèses. « On parle de contamination en extérieur par l'intermédiaire de piqûres de taons, note Séverine Gerfaux du GDS des Savoie, mais il peut y avoir transmission dans les bâtiments via les stomoxes, ces vecteurs mécaniques du parasite. »
Les analyses effectuées sur l'ensemble du troupeau en janvier puis en décembre 2013 sont revenues négatives, ce qui a ramené de la sérénité dans l'élevage. De quoi permettre aux éleveurs de se projeter dans une nouvelle étape de développement de leur exploitation avec un projet de construction d'une stabulation libre. L'été, des traitements insecticides systématiques sont réalisés sur les animaux, même si les éleveurs ne sont pas persuadés de l'efficacité de la démarche. Un contrôle annuel est réalisé chaque année sur l'ensemble du troupeau. Les achats sont contrôlés et les pâtures mitoyennes sont évitées.
ANNE BRÉHIER
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