LES STRONGLES DIGESTIFS : À TRAITER À BON ESCIENT

La question de la date de traitement est cruciale pour les génisses.© CLAUDIUS THIRIET
La question de la date de traitement est cruciale pour les génisses.© CLAUDIUS THIRIET (©)

La gestion du parasitisme est complexe et les traitements systématiques et trop fréquents peuvent engendrer des problèmes de résistance à terme. La recherche avance pour aider les éleveurs à savoir quels animaux traiter et à quel moment.

LE RISQUE D'INFESTATION DES BOVINS PAR LES STRONGLES DIGESTIFS dépend à la fois de la conduite du pâturage et de la météo. Son évaluation est complexe et le risque varie d'une année sur l'autre. Une exposition limitée à ces parasites ne présente pas de danger pour l'animal et elle lui permet de développer une immunité. « On estime qu'après huit mois de contact effectif avec des larves infestantes, un bovin est immunisé », précise Nadine Ravinet, de l'Institut de l'élevage. Des génisses qui pâturent peuvent donc acquérir cette immunité au cours de la deuxième saison.

Cette immunité n'empêche pas l'infestation, mais est entretenue par la présence d'une population stable de parasites en raison de l'instauration d'un équilibre entre le bovin et les larves hébergées. Préserver cet équilibre n'est pas aisé, mais il s'agit d'un objectif. Car les animaux immunisés ne souffrent pas de la présence des strongles et ils ont rarement besoin d'être traités. Les parasites qu'ils hébergent ne développent pas de résistance.

Pour y parvenir, il faut favoriser le contact avec les parasites et ne traiter que les animaux qui en ont besoin. Oniris, l'Institut de l'élevage, l'Inra, les GDS bretons, les GTV et les chambres d'agriculture de Bretagne travaillent depuis plusieurs années dans le cadre d'un projet Casdar afin de définir les règles d'une stratégie de traitement sélectif des bovins laitiers contre les strongles digestifs. Les génisses n'ont aucune immunité lors de leur première sortie au pâturage. C'est à ce moment qu'elles se trouvent pour la première fois en contact avec les parasites. Elles ingèrent les larves en pâturant. Au fil de la saison, les parasites s'accumulent dans leur tube digestif et les larves sont de plus en plus présentes dans l'herbe. Ce contact progressif favorise le développement de l'immunité, mais comme mentionné plus haut, il faut du temps pour qu'elle s'installe. Au bout d'un moment, le niveau d'infestation peut pénaliser la croissance, voire la santé des animaux. Le traitement du lot devient alors nécessaire.

DÉTERMINER LE MOMENT OÙ IL EXISTE UN RISQUE POUR LA SANTÉ

Toute la question est de savoir quand traiter pour préserver la santé des animaux tout en favorisant le développement de leur immunité. Pour répondre à ces exigences, les chercheurs ont élaboré un simulateur du risque parasitaire. Il prend en compte la température puisqu'elle conditionne le développement des larves dans les pâtures. Il intègre aussi le type de conduite du pâturage (continu ou tournant). Cet outil s'appuie sur un logiciel existant, Parasit'info(1) qui a été affiné. En clair, il s'agit de simuler le recyclage parasitaire afin d'évaluer la pression d'infestation et de déterminer le moment où il existe un risque pour la santé des animaux. Quand c'est le cas, il faut traiter ou pâturer une parcelle saine.

En cours de saison de pâturage, si les animaux présentent des troubles digestifs, les strongles sont une cause possible. Une coproscopie (analyse des bouses) permet de le confirmer.

À L'AUTOMNE, DOSAGE SANGUIN DE PEPSINOGÈNE

La question de traiter ou pas se pose aussi au moment de la rentrée des animaux à l'automne. À ce stade, le cycle des parasites est arrêté. Les larves s'enkystent dans la paroi de la caillette, mais elles ne pondent plus. Une coproscopie est donc inutile. En revanche, on peut réaliser un dosage sanguin de pepsinogène.

Cette enzyme présente dans la caillette se retrouve dans le sang des animaux lorsque la paroi de la caillette est endommagée par les strongles digestifs. Son dosage permet d'évaluer l'état de la caillette et donc la quantité de parasites présents. En fonction du résultat, le lot devra être traité ou non. Et il permet d'évaluer rétrospectivement l'efficacité des mesures de contrôle du parasitisme prises durant la saison.

En ce qui concerne les vaches, la question de savoir quels animaux traiter et quand se pose également. Sachant qu'elles ont généralement acquis une immunité si elles ont pâturé durant leurs deux premières années sans être trop protégées par les traitements.

« Les examens réalisés sur les vaches en abattoir montrent que la majorité d'entre elles hébergent des strongles digestifs de façon modérée. Seulement une minorité subit une forte infestation qui peut porter préjudice à la santé et à la production », souligne Nadine Ravinet.

Ces observations confirment qu'il n'est pas nécessaire de traiter l'ensemble des vaches adultes.

Mais comment identifier celles qui en ont besoin ? Pour le déterminer, deux essais ont été réalisés. « Nous avons comparé les productions laitières dans vingt-cinq troupeaux divisés en deux lots, l'un étant traité et l'autre non », indique Nadine Ravinet. Les traitements ont été réalisés environ deux mois après la mise à l'herbe au printemps ou lors de la rentrée d'automne. Dans ce dernier cas, le traitement a eu un effet positif mais très modéré sur la production laitière. L'écart est de 0,27 kg de lait/vache/jour, six semaines après le traitement (voir L'Éleveur laitier n° 215, page 54), avec une variabilité assez élevée entre vaches et entre troupeaux. En revanche, l'étude montre un effet inverse au printemps : la production laitière chute de près de 1 kg/jour après le traitement. « Nous avons été très surpris par ce résultat que nous n'expliquons pas encore vraiment », poursuit Nadine Ravinet. L'expérience devrait être répétée afin de voir si ces observations se confirment. En attendant, elle conseille de ne traiter les vaches qu'à l'automne. Pour déterminer qui traiter, l'étude s'est penchée sur différents critères potentiellement déterminants. La densité optique (DO) du lait de tank évalue la présence des anticorps anti-Ostertagia, le parasite le plus fréquent. Elle traduit l'exposition du troupeau à ce parasite. Un deuxième critère, le TCE (temps de contact effectif) a été calculé sur la base de l'histoire des animaux. Il permet d'évaluer l'immunité qu'ils ont développée. Enfin, l'âge des animaux est un troisième critère important.

Au final, le traitement des laitières est profitable, en particulier pour les jeunes vaches, lorsque la DO est élevée et le TCE faible. Ceci concerne donc des troupeaux qui ont été fortement exposés aux parasites alors que les animaux n'avaient pas encore eu le temps de développer une forte immunité. Ces critères peuvent être évalués avec le vétérinaire. En suivant cette stratégie, les éleveurs utiliseront moins de traitements tout en préservant la santé et la production des animaux. Les parasites resteront présents mais seront moins exposés aux endectocides. Ils développeront donc moins de résistance.

PASCALE LE CANN

(1) Parasit'info a été conçu par Gérard Argenté (GDS des Côtes-d'Armor) et Alain Chauvin (école vétérinaire de Toulouse). www.parasitinfo.com

Aperçu des marchés
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Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
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