Alors que les pratiques hygiénistes ont appauvri la flore du lait, les filières fromagères de montagne au lait cru se mobilisent pour améliorer la qualité microbiologique.
COMME L'ONT DÉMONTRÉ LES TRAVAUX DE L'INRA à Poligny (Jura) et Aurillac (Cantal), la flore naturelle des laits participe activement à la formation des caractéristiques sensorielles des fromages au lait cru (goût, arômes, couleur) et à leur typicité. Cet élément est aujourd'hui un facteur clé de différenciation dans l'univers concurrentiel des fromages. Préserver les flores microbiennes des laits à un niveau suffisant constitue donc un enjeu important pour les filières fromagères sous signe de qualité.
Or, la mise en place des normes sanitaires et du paiement à la qualité (loi Godefroy 1969) a appauvri les flores microbiennes naturelles des laits. « En vingt ans, on est passé de 150 000-300 000 à 5 000-25 000 germes par millilitre. On se retrouve avec ces laits pauvres plus difficiles à travailler et qui maturent moins vite. »
Interpellées par cette évolution, les filières fromagères au lait cru AOP et IGP des Alpes du Nord(1) ont engagé, au début des années 2000, un programme de recherche consacré à la flore des laits. Ces travaux ont permis d'identifier les pratiques favorables à la conservation de la flore microbienne utile : préservation de la santé du trayon, élimination des résidus de lavage de la machine à traire, qualité du rinçage et de l'eau utilisée, usage raisonné du prétrempage, gestion des contaminations entre les vaches laitières.
Particulièrement sensibles dans les deux départements de Savoie, ces préoccupations sont partagées par l'ensemble des fromages de terroir sous signe de qualité et d'origine. Des échanges entre filières fromagères se sont donc développés au plan national ces dernières années. Entre 2011 et 2013, un programme intitulé FlorAcQ a été mis en place dans cinq régions françaises(2).
UN DIAGNOSTIC INDIVIDUALISÉ MIS EN PLACE
Dans ce cadre-là, une démarche d'accompagnement des producteurs aux change-ments de pratiques a été développée. Cinquante exploitations y ont participé. Dans chaque élevage, un diagnostic a été réalisé. Il a porté sur les pratiques de traite, l'entretien du matériel mais aussi sur la litière (état et entretien), le bâtiment (étable entravée, logettes) et l'alimentation (possibilité de contaminations aéroportées). Les pratiques pouvant évoluer ont été identifiées en collaboration avec l'éleveur et les partenaires (laiterie, filière fromagère). Un suivi qualité des laits a été mis en place.
UN SUJET COMPLEXE ENCORE À EXPLORER
Des analyses destinées à quantifier les flores utiles en parallèle avec les critères de paiement du lait et les pathogènes, avant et après les changements de pratiques, ont été réalisées.
Pour faciliter le dialogue entre les producteurs et leurs partenaires, des outils ont été développés. L'indice relatif (IR) permet ainsi de suivre dans le temps l'évolution de l'équilibre microbien du lait. Il assure été (saison de pâturage) comme hiver (vaches en bâtiment) un suivi précis de certains germes utiles : bactéries lactiques, bactéries d'affinage, bactéries à Gram négatif, levures et moisissures. Une représentation graphique permet d'engager une discussion entre les différents acteurs.
D'autres outils déjà existants, tels que la lactofermentation, peuvent être utilisés. « Le choix de l'un ou de l'autre dépend de la stratégie de l'entreprise ou de la filière, souligne Tiphaine Convert, du Gis Alpes du Nord-Jura. À partir de la connaissance de la composition en flore intéressante de sa cuve de fabrication et du type de ferments ajoutés, chaque fromager doit s'interroger. Pour ma fabrication, quelles sont les flores importantes ? Comment sont raisonnées les pratiques des producteurs ? Quels sont les acteurs à impliquer pour améliorer les choses ? » Grâce aux travaux menés ces dernières années dans les exploitations, on sait désormais accompagner les changements de pratiques des producteurs. On sait remettre un peu de flore utile sans pénaliser la qualité sanitaire. Les questions désormais concernent l'aval. Que se passe-t-il en fromagerie ? Certaines technologies écrasent-elles les laits crus plus riches en flore ou les valorisent-elles ?
Quelques études récentes suggèrent que les caractéristiques des laits et les pratiques fromagères pourraient interagir et influencer les caractéristiques sensorielles des fromages affinés. Ainsi, selon des travaux conduits en 2009 en reblochon, l'influence de la technologie serait moindre quand le lait est plus riche en flore indigène. Pour confirmer cette hypothèse et aller plus loin, un projet de programme national a été déposé auprès de l'Agence nationale de la recherche. « Compte tenu de la très grande variété des souches microbiologiques et de la diversité des fabrications et des technologies fromagères, nous ne faisons que commencer à saisir la complexité du sujet », soulignent Tiphaine Convert, et Françoise Monsallier, de la chambre d'agriculture du Cantal, impliquées dans ces travaux de recherche.
ANNE BRÉHIER
(1) Abondance, tome des Bauges, reblochon, beaufort, chevrotin, tomme et emmental de Savoie. (2) Pyrénées-Atlantiques (ossau-iraty), Massif central (laguiole et cantal), Languedoc-Roussillon (pélardon), Franche-Comté (Comté), Alpes du Nord (beaufort). www.rmtfromagesdeterroirs.com (casdar FlorAcQ).
La flore naturelle des laits participe activement à la formation des caractéristiques sensorielles des fromages au lait cru (goût, arômes, couleur) et à leur typicité.
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