
Une étude à grande échelle conduite en race montbéliarde sème le trouble. Elle montre que les vaches avec un pic de lactation écrêté et une meilleure persistance laitière n'ont pas forcément de meilleures performances de reproduction.
POUR COMBLER LE DÉFICIT ÉNERGÉTIQUE INCONTOURNABLE DU DÉBUT DE LACTATION, la vache laitière puise dans ses réserves corporelles et maigrit. C'est bien pour limiter ce déficit énergétique que certains éleveurs cherchent à écrêter le pic et à obtenir une courbe de lactation plutôt plate. La vache puiserait ainsi moins dans ses réserves corporelles et serait dans une situation plus favorable pour sa reproduction.
Ceux qui font ce choix se tromperaient-ils ? L'étude récente, conduite à l'initiative des trois organismes de Conseil Élevage de Franche-Comté, sème le trouble. Elle nuance ce que l'on croyait évident.
Ce travail conduit par Anna Rouméas, élève ingénieur à Agrosup Dijon, a passé au crible 273 000 lactations de vaches de race montbéliarde de Haute-Saône, du Doubs, du Territoire de Belfort et du Jura, contrôlées de 2009 à 2012 (75 % en système foin-regain). Parmi elles, 234 000 vaches correspondant à toutes vaches fécondées au cours de leur lactation (date d'IA fécondante connue) ont été analysées au regard de leurs performances de reproduction, enregistrées par Gen'IA test et Jura-Bétail, les deux entreprises de mise en place opérant sur la zone.
Première observation de cette étude : que l'on soit entre 5 000 et 6 000 kg de lait, 7 000 et 8 000 kg de lait ou 9 000 et 10 000 kg de lait, on trouve des vaches qui peuvent présenter des courbes de lactation plates avec un pic de production limité et une bonne persistance(1), ou des courbes de lactation avec un pic élevé et une persistance faible. Il est donc possible de produire une même quantité de lait avec des profils de courbe différents.
« Pour étudier l'impact de la forme de la courbe sur la reproduction, nous avons choisi de nous placer à un même niveau de production par lactation en 305 jours et de comparer les résultats de reproduction de deux profils de courbe de lactation », détaille Anna Rouméas.
Premier groupe, « persistance + » : des vaches avec un pic faible et une persistance élevée. Second groupe, « persistance - » : des animaux à pic élevé et persistance faible. Une fois corrigé du rang de lactation et de la saison de vêlage, il en ressort un intervalle vêlage-1re IA plus long chez les vaches « persistance + », de 6 jours chez les primipares et 7 jours chez les multipares produisant 6 000 à 7 000 kg de lait. Il leur faut aussi plus d'IA pour obtenir une IA fécondante (+ 0,1 pour les primipares et + 0,2 pour les multipares). Ces vaches qui montrent une courbe de lactation plate ont un intervalle vêlage-IA fécondante plus élevé : 10 jours pour les primipares et 13 jours pour les multipares pour des vaches entre 6 000 et 7 000 kg. Cet écart à la faveur des vaches présentant un pic élevé et une faible persistance se vérifie pour tous les niveaux de production (voir ci-contre).
DES RÉSULTATS DÉCONCERTANTS QUI S'EXPLIQUENT
Comment interpréter ces résultats pour le moins déconcertants ? Faute de disposer d'informations précises sur l'état corporel des vaches et sur leur capacité d'ingestion, diverses hypothèses sont formulées. « Il se pourrait que les vaches qui ont une courbe de lactation plate aient aussi une capacité d'ingestion plus faible, d'où leur pic plus faible. Résultat : leur déficit énergétique ne serait pas meilleur et elles perdraient autant d'état que celles qui ont un pic élevé mais une meilleure capacité d'ingestion. Ces dernières seraient donc, au final, dans une situation plus favorable à la reproduction », avance Anna Rouméas.
Autre explication : « Les vaches qui ont une courbe de lactation plate mobiliseraient moins leurs réserves corporelles en début de lactation, mais cette mobilisation durerait dans le temps, alors que les animaux avec un pic élevé et une persistance faible mobiliseraient davantage, mais reprendraient plus rapidement de l'état corporel et auraient un bilan énergétique plus favorable au moment de l'IA. »
Les éleveurs qui cherchent à écrêter le pic de lactation pour doper la reproduction de leur troupeau sont-ils pour autant dans l'erreur ? Absolument pas, car cette étude est d'abord une photo de la façon dont les montbéliardes produisent la même quantité de lait en exprimant ou pas un pic avec, à la clé, une persistance de lactation peu ou vraiment affirmée. Cette étude ne distingue pas les animaux dont le pic est volontairement exprimé ou écrêté selon le choix de l'éleveur. Pour autant, les hypothèses avancées suggèrent que pour réussir à écrêter un pic et exprimer une courbe de lactation persistante sans nuire à la reproduction, il est incontournable de stimuler l'ingestion des animaux.
LES COURBES DE LACTATION MIEUX CONNUES
Cette étude a aussi été l'occasion d'analyser quelques facteurs de variation du profil de la courbe de production des montbéliardes.
On constate ainsi que les primipares (35 % des effectifs) présentent un pic plus faible (25 kg), mais aussi plus tardif et une meilleure persistance (0,92). Les vaches en deuxième et troisième lactation expriment un pic respectivement à 30 et 32 kg de lait pour une persistance de lactation moindre (0,87 et 0,82).
Autre constat : les lactations du printemps sont caractérisées par un pic élevé et une persistance faible, tandis que celles d'automne ont un pic faible et une persistance élevée.
« La conduite alimentaire pourrait l'expliquer. En effet, les vaches qui vêlent en mars démarrent leur lactation avec le pâturage d'une herbe jeune, excédentaire en azote soluble qui stimule la production. A contrario, les animaux qui vêlent au mois d'octobre ont un début de lactation qui coïncide avec des difficultés de pâturage, le retour du froid, de l'humidité et la transition alimentaire. La moindre persistance de lactation de ces vaches qui vêlent au printemps est sûrement dûe à leur deuxième partie de lactation qui coïncide avec les chaleurs estivales et la croissance limitée de l'herbe. Les vêlages d'automne bénéficient au contraire d'une relance de la production en seconde partie de lactation grâce à la mise à l'herbe, avec un deuxième pic de lactation à la clé », illustre Anna Rouméas.
On l'imagine aisément, ces constats sont à moduler selon le système fourrager. Avec de l'ensilage de maïs, les courbes de lactation des vaches vêlant au printemps chutent moins après le pic que celles en système foin-regain. De même, ces vaches au maïs qui vêlent à l'automne n'ont pas ce rebond de production au printemps.
Autre facteur de variation exploré : la durée de tarissement. « Plus elle diminue, plus le pic de lactation et le niveau de production sont inférieurs à la moyenne. Les tarissements courts (moins de 45 jours) sont associés à des pics écrêtés et des quantités de lait limitées. » Pas d'effet en revanche sur la persistance.
JEAN-MICHEL VOCORET
(1) Persistance appréciée selon le ratio : lait produit de 100 à 200 jours/lait produit de 0 à 100 jours.
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