
Dans un élevage à la limite de l'arrêt de collecte, l'examen complet des locaux et des pratiques a permis d'assainir la situation.
DE PASSAGE À LA CLINIQUE, THIERRY BIAU, ÉLEVEUR DE PRIM'HOLSTEINS, nous fait part de ses problèmes de taux cellulaires élevés dans le tank. La situation est critique car après la signature de plusieurs « contrats + », il se voit menacé de suspension de collecte. Ses difficultés durent depuis longtemps, il est dans l'incompréhension, voire l'écoeurement. Il a pourtant pris le problème au sérieux et investi du temps et de l'argent pour le résoudre. Mais malgré l'utilisation de produits d'hygiène en pré, inter et post-traite, et un contrôle régulier de la machine à traire, la situation ne s'arrange pas. Au contraire, elle s'aggrave : depuis le début de l'année, il traite une quinzaine de mammites par mois pour une cinquantaine de vaches en lactation et les taux cellulaires sont régulièrement à 500 000 et plus.
Compte tenu de la gravité de la situation, Julien Visse, mon confrère, et moi-même nous décidons rapidement d'effectuer un audit de la qualité du lait. Les événements sanitaires sont notés dans le registre d'élevage. Nous avons accès aux dates, numéros des vaches et intensité des symptômes des mammites cliniques. L'élevage est suivi au contrôle laitier. Les taux cellulaires individuels mensuels des vaches sont consultables. En corrélant ces informations, nous diagnostiquons un modèle de contamination mixte : les animaux s'infectent dans le logement au moment du couchage et pendant la traite. Le diagnostic est confirmé par l'identification des bactéries présentes dans les quartiers infectés, principalement des streptocoques uberis et des staphylocoques. Le premier germe est présent dans la litière et sur le trayon, le second principalement sur le trayon.
Après le diagnostic, nous décidons d'effectuer une visite d'élevage qui permettra d'analyser les facteurs favorisant les contaminations dans le logement et pendant la traite. En fonction de nos observations, des mesures préventives pourront être mises en place.
RÉAMÉNAGEMENT DU LOGEMENT DES LAITIÈRES
Les vaches sont logées en aire paillée avec une surface de 6,5 m2/VL, ce qui est acceptable mais un peu juste pour ce troupeau à 7 500 kg de lait en moyenne. L'aire paillée des laitières est légèrement agrandie en utilisant un box adjacent où logeaient quelques taries.
Nous observons que la quantité de paille utilisée quotidiennement est beaucoup trop importante, notamment l'hiver. Cela favorise les fermentations et proliférations bactériennes, et augmente les risques de contamination lorsque les animaux sont couchés.
La température des litières atteint 40°C, indiquant des fermentations mal maîtrisées. Nous réajustons le paillage, ce qui permettra à cet éleveur de faire des économies importantes, la paille étant achetée. Nous revoyons la position des abreuvoirs. Les vaches y ont accès depuis l'aire paillée, ce qui souille la litière. L'analyse de la circulation d'air dans le bâtiment montre une ventilation insuffisante qui favorise le maintien du microbisme. Le long-pan du côté des vents dominants est intégralement clos et la faîtière est fermée sur la moitié du bâtiment. Nous décidons de ménager une écaille dans le toit et d'ouvrir intégralement la faîtière avec une protection contre la pluie. Cette mesure facilitera l'évacuation de l'air par « effet cheminée ». L'ensemble des mesures préconisées permettra de réduire les contaminations lors du couchage des animaux.
ANALYSE COMPLÈTE DE LA TRAITE
La visite de traite est effectuée le soir. Elle a pour objectif de vérifier un ensemble de points : état des trayons, comportement des vaches pendant la traite, technique de traite, pertinence des produits d'hygiène utilisés... Nous profitons de cette visite pour utiliser la technique de la « traite dynamique » qui permet de vérifier et d'optimiser les réglages de la machine à traire. Pour cela, nous utilisons un appareil qui mesure les niveaux de vide dans l'installation en fonctionnement.
Les seuils d'alerte sont dépassés pour les lésions d'hyperkératose (excès de kératine à l'extrémité des trayons). Trop de vaches présentent ce type de lésions à des stades avancés. Elles constituent des sites de proliférations bactériennes très difficiles à désinfecter. De plus, les sphincters qui ferment l'extrémité du trayon sont endommagés, facilitant la pénétration des germes lors du couchage des animaux. Sur certaines vaches, nous constatons la congestion des trayons dont l'extrémité apparaît rouge, voire légèrement bleutée. De plus, les vaches ont tendance à piétiner en fin de traite. Les mesures de traite dynamique montrent que le vide dans l'installation est globalement stable, même en conditions de pose ou de dépose des griffes. En revanche, le vide sous le trayon en cours de traite est trop élevé. Sur l'ensemble des mesures effectuées, les deux tiers sont proches de 40 kPa. C'est bien au-dessus de la norme recommandée de 35 à 38 kPa. Ce niveau de vide trop important favorise l'apparition des lésions que nous avons mises en évidence sur les trayons. En mesurant les variations de vide de la pulsation, nous constatons que la phase d'ouverture des manchons est inférieure à 10 %, ce qui favorise les contaminations par remontées de lait.
Concernant la technique de traite, la mousse est essuyée avec du papier et les premiers jets sont tirés avec le papier en main. Cela a pour conséquence de mouiller le papier, qui recontamine les trayons avec du lait porteur de bactéries. Dans cette installation en 2 x 4 postes, les vaches sont préparées et branchées par séries de quatre. Elles sont branchées trop tard par rapport à la libération d'ocytocine qui conditionne une éjection du lait optimale. Pour désinfecter les manchons et éviter les contaminations entre les vaches, ils sont trempés dans un seau d'acide péracétique. Toutefois, il arrive que certains manchons ne soient pas totalement immergés, notamment à partir du milieu de la traite lorsque le niveau de désinfectant baisse dans le seau. Des résidus de lait contaminés subsistent donc dans ces manchons. Par ailleurs, en finissant manuellement la traite de plusieurs vaches, nous observons qu'il ne reste pas assez de lait dans les mamelles. En l'absence de décrochage automatique, les vaches sont débranchées trop tard, elles sont surtraites. Cela participe à la formation de lésions sur les trayons. L'analyse des produits utilisés en prétraite et post-traite montre que ces désinfectants ne sont pas optimaux. Le produit de post-traite ne contient pas de désinfectant à l'efficacité reconnue.
Compte tenu de l'ensemble de nos observations, nous décidons de modifier plusieurs points. Le vide de l'installation est baissé de 2 Kpa dans un premier temps pour revenir dans les normes recommandées. La séquence de traite est modifiée en préparant et en branchant moins de vaches à la fois. L'acide péracétique est pulvérisé dans les manchons au lieu de l'appliquer par immersion, ce qui économisera du produit. Les manchons seront changés tous les sept mois au lieu d'une fois par an.
LES TAUX CELLULAIRES REDESCENDUS SOUS LA BARRE DES 250 000
Le débranchement des vaches en fin de traite est effectué plus tôt, en fonction de l'écoulement de lait visible dans la griffe. La mousse de désinfection en prétraite et le produit de post-trempage sont abandonnés pour des désinfectants efficaces, notamment à base d'iode en post-traite.
Nous modifions la gestion des vaches présentant des taux cellulaires élevés ou des mammites récidivantes. Les quartiers infectés sont identifiés à l'aide du test CMT et des prélèvements stériles sont effectués pour trouver les germes et choisir l'antibiotique le plus adapté. Cela permet de limiter les augmentations de taux cellulaires du tank dues à ces vaches et d'éviter les pertes financières importantes liées aux réformes pour cause sanitaire.
Après la mise en place des recommandations, la fréquence des mammites cliniques a rapidement diminué et les taux cellulaires de tank sont passés aux alentours des 250 000 cellules/ml de lait. L'interdiction de collecte a été évitée.
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