MAMMITE LES HUILES ESSENTIELLES EN DEMI-TEINTE SUR UN ESSAI

Dès l'infection repérée, en fin de traite, les éleveurs appliquaient sur le quartier atteint l'équivalent d'une noisette d'un mélange d'huiles essentielles, en prenant soin de se protéger d'un gant.© GDS 56
Dès l'infection repérée, en fin de traite, les éleveurs appliquaient sur le quartier atteint l'équivalent d'une noisette d'un mélange d'huiles essentielles, en prenant soin de se protéger d'un gant.© GDS 56 (©)

La première évaluation d'un mélange d'huiles essentielles sur des infections mammaires montre des résultats intéressants sur les cas cliniques. Sur les mammites subcliniques, les antibiotiques font beaucoup mieux mais ils sont loin de tout guérir.

L'USAGE DES HUILES ESSENTIELLES (HE) COMME ALTERNATIVE AUX ANTIBIOTIQUES dans le traitement des infections mammaires connaît un regain d'intérêt. Et pas seulement chez les éleveurs en production biologique. Mais pour quelle efficacité ? Éleveurs et vétérinaires sont partagés, entre ceux qui affirment avoir des résultats positifs et d'autres beaucoup plus sceptiques. Les huiles essentielles ne sont pas considérées comme des médicaments qui, eux, doivent faire la preuve de leur efficacité pour être mis sur le marché français. Et jusqu'ici, rares sont les études scientifiques indépendantes ayant communiqué sur l'effet de l'aromathérapie sur les mammites. Après six mois d'essais de terrain qui ont mobilisé une quarantaine d'éleveurs, en majorité conventionnels, les travaux du GDS Bretagne* permettent aujourd'hui de lever un coin du voile.

169 CAS OBSERVÉS

169 vaches laitières sont entrées dans le protocole d'expérimentation. Elles avaient été sélectionnées dans les élevages comme étant des animaux sains, avec trois comptages cellulaires consécutifs inférieurs à 300 000 cellules par millilitre et pas d'épisodes cliniques. « Les sujets éligibles devaient être des vaches à infection récente car elles présentent un potentiel de guérison certain », précise le docteur Ivanne Leperlier du GDS Morbihan. Ces vaches ont reçu un traitement à base d'huiles essentielles après la détection d'une infection : soit une mammite clinique avec la présence de grumeaux dans le lait, soit une mammite subclinique avec un taux cellulaire supérieur ou égal à 500 000 c/ml lors du contrôle mensuel. Au total, les éleveurs ont ainsi traité 65 cas subcliniques et 104 cas cliniques.

LE DILEMME DU CHOIX DES HUILES

Ce fut un débat important pour les expérimentateurs car le panel des HE est très large et sur le terrain, les partisans des mélanges et ceux d'une huile unique s'affrontent. Le GDS s'est imposé d'utiliser des huiles référencées au règlement européen pour un délai d'attente nul. Il fallait aussi une absence de toxicité par voie transcutanée, et bien sûr choisir des produits utilisés et reconnus par les aromathérapeutes. Au final, les huiles essentielles retenues pour la préparation ont été : Eucalyptus citriodora citronnellalifera connue pour ses propriétés anti-inflammatoires, antalgiques et modérément antibactériennes, Mentha arvensis var. piperascens aux propriétés antibactériennes, antalgiques et vasoconstrictives, et Thymus satureioides, antibactérienne et immunostimulante. Ce mélange était appliqué par massage, méthode la plus courante, matin et soir et pendant quatre jours, un mode opératoire acceptable pour les éleveurs. Le lait a été jeté pendant la durée du traitement : c'est obligatoire pour toute mammite clinique et c'est une précaution supplémentaire pour limiter d'éventuelles modifications organoleptiques, préjudiciables aux transformateurs.

L'efficacité des HE a été évaluée sous plusieurs angles. D'abord, la guérison bactériologique : la bactérie identifiée le premier jour de l'infection (prélèvement par l'éleveur puis analyse au laboratoire) est-elle présente ou non trois semaines après la fin de l'application des HE ? Ensuite, la guérison cellulaire : le comptage est-il ou non en dessous de 200 000 cellules après trois semaines ?

GUÉRISONS CELLULAIRE ET BACTÉRIOLOGIQUE

Pour les mammites déclarées, les éleveurs devaient noter l'amélioration des signes cliniques (grumeaux, oedèmes, rougeurs). En cas d'aggravation, l'animal recevait une antibiothérapie. Enfin, le protocole a prévu d'évaluer le niveau de récidive des cas considérés comme guéris cliniquement après le traitement. Ainsi, toutes les mammites cliniques dans le même quartier ont été enregistrées dans le mois ou dans les deux mois suivants. Il n'y a pas eu de comparaison avec un placebo ni avec un antibiotique de référence, mais les auteurs ont comparé leurs résultats expérimentaux avec les données publiées sur l'efficacité de l'antibiothérapie et celles évaluant les guérisons spontanées. Il est à noter que les éleveurs participant à cet essai ont suivi un protocole très cadré : examen et enregistrement des cas cliniques, réalisation des tests CMT, suivi et enregistrement des données individuelles, prélèvements aseptiques du lait, etc.

UN TIERS DES ANIMAUX GUÉRIS

Les pathogènes isolés sur les 169 infections de l'essai étaient en grande majorité à Gram+ : 81 % des cas subcliniques et 71 % des cas cliniques, essentiellement des streptocoques et des staphylocoques qui posent habituellement le plus de problèmes en élevage. En toute logique, les Gram- (dont E. coli) ont concerné plutôt les mammites cliniques (14 %). Globalement, les guérisons bactériologiques après traitement aux HE sont faibles (33,7 % en moyenne) avec des écarts selon les germes : entre 21,1 % pour le staphylocoque doré et 62,5 % pour les entérobactéries. Des résultats qu'il faut relativiser. Sur le staphylocoque doré par exemple, l'antibiothérapie guérit moins d'un cas sur deux (45,8 %) et on observe aussi 18,8 % de guérisons spontanées. À l'inverse, sur les streptocoques, les antibiotiques ont une très bonne efficacité (plus de 90 %) et on reste à 38 % avec les HE, mieux toutefois que la guérison spontanée (18 %).

Pour la guérison cellulaire (moins de 200 000 cellules), les HE ont guéri 37,5 % des mammites subcliniques quand l'antibiothérapie est efficace à 72 % et les guérisons spontanées à 22 %. Il faut pourtant noter la bonne guérison cellulaire des mammites cliniques. Les huiles essentielles ont été efficaces dans 68,8 % des cas, alors que l'antibiothérapie obtient 58,2 % pour une étude comparable. Cette efficacité s'explique aussi puisqu'on est ici en présence de streptocoques et de Gram-, déjà connus pour leur meilleure capacité de guérison. L'observation des récidives a été plus décevante pour cet essai : 25,2 % à 30 jours et 48,8 % à 60 jours, soit une récidive sur deux dans les deux mois qui suivent la guérison. Le risque est moindre avec des antibiotiques : 13 % à 30 jours et 29 % à 60 jours.

ANTIBIOTIQUES OU HUILES ESSENTIELLES ?

« Avant de hâter les conclusions, rappelons que ce n'est qu'une seule étude avec un seul mélange de trois huiles essentielles », rappelle Ivanne Leperlier. Dans cet essai, les HE ont un résultat sur les mammites cliniques comparable à l'antibiothérapie qui, rappelons-le, est loin de guérir tous les cas. Les éleveurs avaient aussi noté une bonne efficacité clinique à court terme. Mais ce résultat est à modérer puisque le risque de récidive est important. Sur les mammites subcliniques, l'effet de ce mélange d'huiles essentielles a paru plus limité que l'antibiothérapie mais les résultats restent meilleurs que les taux de guérison spontanée publiés. « Au-delà de la comparaison entre HE et antibiotiques, il faut rappeler l'évidence : moins on aura de mammites, moins on aura d'échecs, car les antibiotiques ne guérissent pas tout. Les mammites ne sont pas une fatalité en élevage laitier et la prévention doit être la priorité de l'éleveur. Ensuite, le traitement précoce sera toujours plus efficace, que ce soit avec les HE ou des antibiotiques. Enfin, l'essai nous a démontré une nouvelle fois que les cas chroniques (qui étaient hors protocole) sont incurables. Les germes sont logés profondément dans les tissus de la mamelle et aucun traitement n'est efficace. L'acharnement thérapeutique est donc à proscrire », conclut Ivanne Leperlier.

DOMINIQUE GRÉMY

* Cette étude est un travail de thèse vétérinaire effectué par le Dr Marie Harlet, encadrée par le Dr Raphaël Guattéo (Oniris) et financée par GIE Élevages de Bretagne et GDS Bretagne.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
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Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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