
Face à la prolifération de la faune sauvage et du nombre d'animaux infectés, la surveillance épidémiologique de la faune sauvage et sa régulation constituent un nouvel enjeu sanitaire.
DEPUIS 2004, UNE RECRUDESCENCE DU NOMBRE DE FOYERS DE TUBERCULOSE BOVINE EST OBSERVÉE dans une dizaine de départements français. Dans certains d'entre eux, la recontamination des élevages quelques mois ou plusieurs années après l'abattage total des troupeaux interroge. À la demande de la DGAL (ministère de l'Agriculture), une mission d'investigation a été organisée l'été dernier sous l'égide de l'Anses dans deux des départements les plus touchés par l'infection tuberculeuse : la Dordogne et la Côte-d'Or(1). À chaque fois, des investigations épidémiologiques ont été menées dans six exploitations ayant été re-contaminées.
Dans son rapport publié le 8 octobre 2012, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et de la santé note « qu'il n'est pas apparu de faille majeure dans les modalités de gestion des foyers soumis à un abattage total. L'intervention d'animaux sauvages infectés par la tuberculose paraît l'hypothèse la plus probable pour expliquer au moins la moitié des recontaminations des cheptels visités. Plusieurs cas d'infections de tuberculose, liées aux mêmes souches, ont en effet été constatés à proximité de ces élevages recontaminés chez des cerfs, sangliers ou blaireaux ».
Dans un précédent rapport d'experts paru le 8 avril 2011, l'Anses avait pointé pour la première fois le rôle de la faune sauvage dans la circulation de la maladie et la nécessité de réduire les populations de blaireaux, sangliers et cervidés dans les zones contaminées. Alors que la bactérie Mycobacterium bovis, l'agent responsable de la tuberculose bovine, a été détectée en France pour la première fois en 2001 sur des cerfs et des sangliers et, depuis 2009, sur des blaireaux, les épidémiologistes rappellent que la faune sauvage a été contaminée initialement par des bovins infectés.
« La cause faune sauvages'amplifie même si elle n'est pas la seule », note Pierre Aubert, directeur de la DDPP de la Côte-d'Or, département où 138 foyers de tuberculose ont été déclarés depuis 2007.
LES CHASSEURS ONT FAIT UN EFFORT
Dans ce département où tous les bovins de plus de douze mois sont dépistés depuis fin 2009 par IDC (intradermoréaction comparative), les pratiques d'élevages identifiées comme étant à risques et les contaminations classiques de bovin sain à bovin infecté par contact et voisinage restent d'actualité. En ce qui concerne la contamination possible des sols par l'agent tuberculeux, peu de données claires sont actuellement disponibles. Sa survie dépendrait de la saison, de l'écologie microbienne des sols, des conditions hygrométriques, du pH et de la granulométrie des terrains.
Quatrième département français en surface, patchwork de bois, pâtures et cultures, la Côte-d'Or constitue un territoire rêvé pour la faune sauvage. Malgré l'existence de 13 500 chasseurs et l'importance des plans de chasse (16 000 sangliers à tirer l'an passé, un objectif d'au moins 18 000 la saison prochaine), la prolifération et l'évolution du mode de gestion de la faune sauvage exposent les animaux à des rapports indirects. Au pré, les accès communs à l'abreuvement (rivières, mares, sources), la distribution d'aliments pour plusieurs jours, le positionnement d'auges basses en lisière de zone boisée ou les pierres à sel posées au sol facilitent le contact indirect des bovins avec les cervidés, sangliers ou blaireaux. Dans ce département où la présence de Mycobacterium bovis a été mise en évidence depuis 2003 sur la faune sauvage, les mesures de surveillance et de lutte contre la tuberculose bovine dans les espèces de grands gibiers ont été renforcées ces dernières années. Elles complètent les mesures de prophylaxie et d'assainissement draconiennes mises en oeuvre depuis 2009 dans les élevages bovins (voir L'Eleveur laitier de décembre 2011). « Le renforcement du plan de surveillance du grand gibier garantit un effectif de cerfs et de sangliers analysés, explique Pierre Aubert. Les chasseurs ont fait un effort de chasse : tous les prélèvements d'animaux tués demandés ont été fournis. » Les résultats des analyses interpellent. Cette année, un cerf assez âgé, très contaminé et présentant des lésions a été ainsi retrouvé en vallée de l'Ouche. Était-ce un mâle dominant ? Si oui, le risque de dispersion de la maladie serait réel.
Dans un tel contexte, la mobilisation des chasseurs est indispensable. Afin de parvenir à une baisse des populations de sangliers en Côte-d'Or, un arrêté préfectoral pris en octobre 2012 a instauré que tout détenteur d'un plan de chasse est tenu de garantir sa réalisation à hauteur de 80 %. Le niveau moyen départemental serait à 76 % contre 66 % antérieurement avec, il est vrai, des écarts selon les zones. « Certains ont joué le jeu, d'autres non, note Pierre Aubert. Lors de la dernière saison, des réattributions sanitaires gratuites et simplifiées ont été effectuées pour 2 000 sangliers. » Les décisions prises en avril dernier par la Fédération départementale de la chasse devraient inciter les chasseurs à mieux réguler le gibier. Pour la prochaine saison, en effet, chaque société de chasse devra assumer financièrement les conséquences des effectifs de gibier sur son secteur. Pendant trois ans, pour éviter de mettre en difficulté les petites sociétés, une caisse de péréquation de la Fédération départementale de la chasse contribuera à la mise en oeuvre de cette stratégie pour les sociétés de chasse les plus affectées au plan financier.
BLAIREAUX : METTRE LE PAQUET AUTOUR DES POINTS NOIRS
Dans la Côte-d'Or, le blaireau fait également l'objet d'un dispositif de régulation et de surveillance. Il est mis en oeuvre dans 197 communes. Après une année 2011 médiocre avec 1 500 blaireaux piégés, 355 analysés, dont 19 porteurs de M. bovis, soit 5,3 % d'incidence, un gros effort de piégeage et de formation des piégeurs (encadrés par les lieutenants de louveterie) a été réalisé en 2012. 4 156 blaireaux ont été piégés, dont 450 dans la zone périphérique. 10 blaireaux sur les 755 analysés étaient porteurs de lésions (aucun en zone périphérique). En 2013, la zone de surveillance sera rapprochée du coeur de la zone. « Nous voulons mettre le paquet autour des foyers récurrents, pour tendre dans ces secteurs sur des points noirs bien délimités vers l'éradication des blaireaux et protéger les troupeaux, annonce Pierre Aubert. Des questions se posent : comment éviter, dans la zone où les blaireaux auront été éradiqués, l'arrivée de congénères extérieurs venant utiliser les terriers abandonnés et potentiellement contaminés ? Est-il possible d'assainir les terriers et les latrines, de les boucher ? Sur ces questions, nous avons sollicité l'ONCFS (0ffice national de la chasse et de la faune sauvage). »
LA TUBERCULOSE A CHANGÉ
Complexe, la tuberculose bovine d'aujourd'hui ne correspond plus aux schémas épidémiologiques classiques des années 50 à 80. Dans son récent rapport d'expertise, l'Anses observe ainsi que « le nombre de cas par exploitation est le plus souvent limité à un seul individu qui présente régulièrement des lésions de très petite taille. D'un autre côté, même dans des cheptels régulièrement suivis, il n'est pas rare de découvrir des veaux de 4 à 6 mois présentant des lésions généralisées. Ces observations peuvent conduire à s'interroger sur l'existence d'une variabilité de la virulence des souches circulantes, ou sur la sélection de profil de souches nouvelles ou particulières, ou encore sur l'intervention de facteurs de sensibilité d'ordre génétique chez les bovins. »
Plutôt que de pointer du doigt les départements engagés en première ligne dans la lutte contre les infections entretenues en partie par la faune sauvage comme la tuberculose mais aussi la brucellose (en Haute-Savoie, ce printemps, des bouquetins et un chamois ont été analysés positifs), on serait bien avisé de tirer parti de leur expérience pour se prémunir du danger qui guette.
En matière de tuberculose bovine, le scénario redouté est en effet que certaines espèces sauvages (sangliers, cervidés, blaireaux...) deviennent des réservoirs primaires de la maladie qu'il sera de plus en plus difficile d'enrayer si l'on ne s'en préoccupe pas rapidement. Un scénario catastrophe pour les filières fromagères au lait cru et l'élevage laitier et allaitant déjà bien fragilisés dans certains territoires.
ANNE BRÉHIER
(1) La Côte-d'Or détient, en France, le record des dégâts occasionnés sur les cultures par le gibier : 2 millions d'euros par an, en moyenne, avec un pic de 2,7 millions d'euros en 2010-2011.
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