« Le rôle des OP est de créer de la valeur et de la faire reconnaître »

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Après la création d’OP représentatives, des producteurs du nord de la France ont décidé de fonder une société commerciale et, ­désormais, une AOP de bassin. Autant d’outils, bâtis étape par étape, pour aller chercher de la valeur, assure Gilles Durlin.

Quelle est la formule de prix négociée par l’OP que vous présidez avec votre laiterie ?

Gilles Durlin : Nous avons d’abord convaincu Danone de l’intérêt réciproque d’une mutualisation des volumes à l’intérieur de l’OP. Puis, en contrepartie de sa volonté de réduire sa collecte sur la zone (- 6 %), nous avons négocié deux formules de prix : dans la première, il est composé à hauteur de 50 % par les indicateurs classiques de marché et à 50 % d’un prix fixe négocié pour cinq ans (327 €) ; dans la seconde, 70 % dépendent de l’évolution du marché et 30 % d’un prix fixe (330 €). Chacun s’est engagé pour cinq ans. Plus sécurisée, la première formule a séduit le plus grand nombre. En moyenne sur cinq ans, je pense que le prix des deux formules va s’équilibrer.

Pourquoi avoir choisi de créer une SAS dédiée à la commercialisation du lait ?

G.D. : Tout est parti de la volonté des éleveurs de trois OP du bassin Nord-Picardie-Ardennes (Danone, Lactalis et Novandie) de se développer. Comme nous avons toujours rejeté l’idée d’un volume C, nous avons décidé d’accompagner ce besoin par la création d’une société commerciale. Puis, le mouvement s’est accéléré à la suite de la décision de Danone de réduire sa collecte. Ainsi, la SAS Dairy Hauts-de-France permet d’aller chercher de nouveaux clients, dans la mesure où nous avions négocié dans les contrats la non-exclusivité des livraisons. Après avoir sollicité les opérateurs régionaux sans succès, la SAS a conclu un premier ­contrat d’un an au prix du marché européen avec un opérateur belge. La collecte a démarré en octobre. Elle porte sur 25 000 tonnes de lait, auprès de 250 producteurs.

Ce sont les OP qui gèrent les contrats ?

G.D. : Oui. Chaque éleveur a un seul tank, mais deux plans de collecte gérés par l’OP. Un prestataire ramasse le lait et les analyses sont réalisées par le laboratoire interprofessionnel. La SAS joue donc le rôle d’une unité de collecte. Elle offre l’opportunité de nous réapproprier une part de la commercialisation. L’avantage est, d’une part, de sécuriser un contrat sur un volume important et, d’autre part, de pouvoir se développer. Dans cet esprit, nous étudierons cette année l’intérêt du marché à terme au sein de l’OP. Une option qui pourrait permettre de contractualiser chaque année une petite partie de sa production. Le rôle de l’OP est de mettre des outils à la dispo­sition des éleveurs. C’est un moyen de préserver la dynamique laitière chez les producteurs et, par ricochet, chez les industriels­. Pour aller plus loin et peser sur les enjeux du territoire, trois OP ont validé, fin décembre, la création d’une AOP transversale de bassin.

Qui participe à l’AOP de bassin et quel sera son rôle ?

G.D. : Trois OP ont adhéré (Lactalis, Danone et Fauquet). Nous attendons d’être rejoints par les autres OP, mais aussi par les coopératives régionales qui doivent comprendre que c’est dans l’intérêt de tous. Le rôle de l’AOP sera de créer une identité locale et de la valeur. Nous n’avons pas les alpages, mais nous pourrions capitaliser sur l’image chaleureuse que renvoient les gens du Nord. Il s’agira aussi d’identifier la valeur ajoutée créée par les éleveurs afin de monter en gamme : je pense à la valeur carbone, au bien-être animal… L’industriel peut les utiliser pour son image, mais cette valeur nous appartient et, à ce titre, l’OP doit pouvoir l’inscrire dans le cadre de ses relations commerciales avec l’industriel en la contractualisant. L’enjeu est de cultiver l’attractivité locale autour de notre capacité collective à produire un lait standardisé de qualité, pour montrer aux industriels que c’est une région où ils peuvent investir, à l’image d’Häagen-Dazs qui a choisi de s’installer dans la région, il y a vingt-cinq ans, pour son potentiel. L’AOP sort ainsi d’une logique syndicale pour entrer dans le commerce, le business et dans une relation apaisée avec les industriels.

Propos recueillis par Jérôme Pezon
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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