Mercosur : l'UE pousse les 27 à valider l'accord, avec un geste pour Paris

Bruxelles veut aller vite et espère un accord des Vingt-Sept avant la fin 2025, tant que le Brésilien Lula occupe la présidence tournante du Mercosur.
Bruxelles veut aller vite et espère un accord des Vingt-Sept avant la fin 2025, tant que le Brésilien Lula occupe la présidence tournante du Mercosur. (©Adobe Stock)

La France va-t-elle donner son feu vert ? La Commission européenne a appelé mercredi les 27 à approuver l'accord commercial avec les pays latino-américains du Mercosur, en promettant des garanties « robustes » aux agriculteurs, dont Paris s'est félicité.

Les commissaires européens ont validé en milieu de journée le texte de l'accord, première étape avant de soumettre ce traité de libre-échange aux États membres et aux eurodéputés dans les mois qui viennent.

Jusqu'ici, la France menait la fronde au sein des 27. Pour la convaincre et rassurer les agriculteurs européens, Bruxelles promet désormais de compléter l'accord par un « acte juridique » renforçant les mesures de sauvegarde pour « les produits européens sensibles ».

L'exécutif européen s'engage à intervenir en cas d'impacts négatifs des importations sur certaines filières, comme le bœuf, la volaille, le sucre et l'éthanol.

La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, affirme avoir « écouté attentivement » agriculteurs et États membres. « Nous avons mis en place des garanties encore plus solides, juridiquement contraignantes, pour les rassurer », a-t-elle souligné sur le réseau social X.

Des mesures immédiatement saluées à Paris. La porte-parole du gouvernement Sophie Primas s'est réjouie que l'Union européenne « ait entendu les réserves » françaises. Le gouvernement a encore « besoin d'analyser cette clause de sauvegarde », a-t-elle nuancé.

« S'il y a une réponse technique qui nous donne satisfaction, nous regarderons le texte avec plus de bienveillance. Sinon, nous resterons opposés », a dit le ministre français du Commerce extérieur Laurent Saint-Martin au Télégramme.

Après ce geste, la Commission plaide pour que les 27 donnent « rapidement » leur aval à cet accord, si possible avant la fin de l'année 2025, tant que le Brésilien Lula occupe la présidence tournante du Mercosur. « Il n'y a aucune raison d'attendre », insiste un haut fonctionnaire européen.

Avec un mot d'ordre : la nécessité de diversifier les partenariats avec des « alliés fiables », alors que la concurrence est féroce avec la Chine et que les taxes douanières sur les produits européens augmentent dans les Etats-Unis de Donald Trump.

Cet accord doit notamment permettre à l'Union européenne d'exporter davantage de voitures, de machines, de vins et de spiritueux en Argentine, au Brésil, en Uruguay et au Paraguay.

En retour, il faciliterait l'entrée de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, au risque de fragiliser certaines filières agricoles européennes.

« Nous continuons à diversifier nos échanges, à renforcer de nouveaux partenariats et à créer de nouvelles opportunités commerciales », revendique la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

« Trahison »

Mais depuis la conclusion des négociations en décembre dernier, les syndicats des agriculteurs européens sont vent debout. Le Copa-Cogeca, lobby des agriculteurs européens, a dénoncé « un passage en force politique » de la Commission, « profondément dommageable ».

« Le combat se poursuit », a prévenu lundi le premier syndicat agricole français, la FNSEA, en appelant au chef de l'État Emmanuel Macron. L'alliance FNSEA-Jeunes agriculteurs a estimé, elle, que cet accord restait « toxique », et appelé Emmanuel Macron « à honorer sa parole et à exprimer publiquement son opposition claire à cet accord ».

Une mobilisation d'agriculteurs est annoncée jeudi à Bruxelles.

L'exécutif européen remet le dossier du Mercosur sur la table au moment où la France est de nouveau plongée dans une tempête politique. Le gouvernement pourrait tomber lundi lors d'un vote de confiance très mal engagé pour le Premier ministre François Bayrou.

Dans l'opposition, le RN dénonce déjà une « trahison » d'Emmanuel Macron si Paris change de pied sur le Mercosur, tandis que LFI fustige une « capitulation » de la France. Au Parlement européen, ces partis d'extrême droite et de gauche radicale ont chacun annoncé leur intention de déposer une motion de censure contre Ursula von der Leyen, aux chances de succès quasi nulles.

Avec des sociaux-démocrates et des Verts, l'eurodéputé centriste Pascal Canfin a lancé quant à lui une initiative transpartisane pour tenter de « suspendre l'adoption » de l'accord, « en l'absence de transparence et de garanties claires ».

L'un des sujets sensibles concerne les normes sanitaires et environnementales. Les agriculteurs européens accusent leurs concurrents latino-américains de ne pas respecter les normes de l'UE, faute de contrôles suffisants.

Mais l'accord avec le Mercosur compte aussi de nombreux partisans en Europe, à commencer par l'Allemagne qui veut offrir de nouveaux débouchés à ses entreprises industrielles. Selon Bruxelles, il permettrait aux exportateurs européens d'économiser plus de 4 milliards d'euros de droits de douane par an en Amérique latine.

A elle seule, la France ne pouvait faire capoter à elle seule cet accord. Il lui fallait réunir une « minorité de blocage », soit au moins quatre Etats représentant plus de 35 % de la population de l'Union européenne.

L'ajout de la Commission mercredi ne nécessite pas de renégociation de l'accord avec les pays du Mercosur, mais les Européens devront tout de même expliquer à leurs partenaires latino-américains pourquoi ils ont procédé ainsi.

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