Dans un coin du hangar abritant ses veaux, Sébastien Sachet, éleveur de veaux de boucherie à Essé (Ille-et-Vilaine), égrène pour l'AFP la liste des documents qu'il est tenu de remplir au quotidien, sous peine de pénalités financières parfois lourdes. « Déclarations Pac, plans prévisionnels, cahiers phytosanitaires, carnets d'élevage, et les flux d'azote, une spécificité bretonne... Il faut toujours montrer patte blanche, c'est des heures supplémentaires qui ne finissent jamais », soupire cet éleveur de 44 ans.
Il s'est installé en 2008 en reprenant l'exploitation de son père. Elle compte aujourd'hui 380 veaux, qu'il engraisse par lot pendant environ six mois pour le compte d'un groupe basé aux Pays-Bas, ainsi qu'une vingtaine de vaches allaitantes, des « Bretonnes Pie Noir » qui lui appartiennent. Pour les besoins de son exploitation, Sébastien Sachet cultive également 80 hectares de terre, en agriculture de conservation depuis 2010.
Il estime être représentatif du « producteur de veaux moyen en France ». La charge de travail de l'éleveur et ses horaires habituels ? De 6h30 à 19h00, sept jours sur sept « avec quand même une bonne pause au déjeuner pour souffler mais souvent de la paperasse à rattraper le soir » après le repas, souligne-t-il. Sébastien Sachet dit devoir passer « environ une heure chaque jour » à remplir et classer des documents purement administratifs.
« Fliqués »
Au total, il abat des semaines de travail de 70 à 75 heures, à mettre en regard d'un revenu agricole faible, de 1,8 Smic en moyenne (environ 2 490 euros net par mois en 2023) pour les éleveurs de veaux du réseau Inosys auquel il appartient. Un revenu mathématiquement inférieur au Smic horaire pour un salarié aux 35 heures...
L'éleveur ne se plaint pas de son sort mais souffre en revanche de la pression administrative croissante en élevage qu'il dit ressentir au quotidien. « On est fliqués, on doit rendre des comptes à tout bout de champ », s'agace-t-il. À titre d'exemple, il étale sur le bureau les cahiers d'élevage où le moindre détail concernant ses veaux est répertorié et contrôlé : poids, caractéristiques, aliments et médicaments, analyses sanguines, fiche de mortalité, etc.
S'il ne conteste par cet exercice de traçabilité, Sébastien grince en revanche des dents sur la lourdeur d'un système qu'il juge archaïque, comme pour les « passeports » individuels des bovins, des étiquettes en papier vertes qu'il doit échanger pour des étiquettes jaunes auprès de la direction régionale de l'agriculture. « On passe des heures et des heures à les détacher une par une, à les remplir, à les signer. Et en plus, ils nous les envoient dans le désordre ! », lance-t-il.
Et soumis à des pénalités
En cas d'erreur sur une étiquette, l'abattoir lui inflige une pénalité de 40 euros. Mais la sanction peut être bien plus lourde en cas de contrôle par l'administration des volumineux « cahiers de fertilisation » et « plans prévisionnels de fumure », qui recensent au jour le jour et parcelle par parcelle, le moindre épandage de fumier, les objectifs de rendement et les rendements effectivement réalisés.
« Si ce n'est pas conforme, ça se traduit par une retenue financière de 3 % sur les subventions PAC, ça peut aller jusqu'à 10 % en cas de récidive », assure Sébastien Sachet.
L'éleveur a lui-même déjà subi une pénalité de 3 %, soit environ 2 000 euros dans son cas, lors d'un contrôle de son « cahier phytosanitaire », pour « un masque respiratoire qui n'était pas rangé dans sa boîte et un fongicide appliqué deux fois à demi-dose plutôt qu'une dose en une seule fois ».
« C'est impossible de tout connaître. Les services de l'État sont tous spécialisés et même eux ils ont du mal ! », plaide le producteur, qui exprime son « ras-le-bol et surtout un dégoût quand on voit les produits importés de pays qui ne s'embarrassent pas de ces normes ».
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