Une nouvelle fois, on doit s'étonner de la frilosité des acteurs laitiers français à produire la totalité du quota autorisé par l'Union européenne, et à mal préparer l'accélération de la compétition entre les pays, après 2015. Certes, grâce à un prix du lait très rémunérateur pour les producteurs depuis plusieurs mois et à un été pluvieux propice à la repousse de l'herbe, la collecte a augmenté, permettant de réduire de moitié la sous-réalisation de la France. Mais nous devrions avoir rempli notre quota de lait. Comme prévu depuis 2008, ce quota augmentera chaque année (2 %) jusqu'en 2014.
Il est légitime de conseiller aux producteurs d'être prudents, car la conjoncture peut se retourner, comme entre 2007 et 2009. Produire plus ne veut pas dire automatiquement gagner plus. Ceci dit, il ne faut pas se voiler la face. Dans un très complet exposé fait le 3 novembre 2011 au Cniel, Alain Le Boulanger (CER France-Manche) a illustré l'ensemble des éléments à prendre en compte, tirant « quelques enseignements de ces dernières années ». Que rappellent ces derniers ? Plusieurs évidences. La volatilité fragilise le pilotage des exploitations. Les « meilleurs » (en coûts de production) sont toujours au rendez-vous des performances financières et économiques (EBE). Les moins performants décrochent, même en période de conjoncture favorable, les annuités consomment la quasi-totalité de l'EBE. La volatilité des intrants (aliments, énergie, engrais) augmente davantage les écarts que la volatilité du prix, à cause de l'efficacité économique. Dans un contexte de triple variabilité (prix du lait, prix des intrants, volumes), les résultats des « moins de 200 000 l » ont décroché, les petits ateliers ne profitent pas des périodes favorables en terme de volume. Il est aussi confirmé qu'au signal d'augmentation possible de production, ce sont les plus grosses structures qui réagissent plus vite.
Alain Le Boulanger conclut très rationnellement : « La compétence du chef d'exploitation est encore plus importante » en notant, par exemple, que « le litrage par UTH est déterminant pour le revenu disponible ». Il confirme ainsi les études de Vincent Chatelier (Inra Nantes) sur la faible productivité du travail de nos ateliers laitiers.
Pendant que la France hésite (produire plus, avec combien de producteurs et quelle taille d'atelier ?), les objectifs pour 2020 sont clairement affichés en Irlande (+ 50 % de production), aux Pays-Bas (+ 20 %, pour retrouver le volume d'avant les quotas), et au nord de l'Allemagne (plus de lait, avec le développement des grands ateliers laitiers supérieurs à 120 VL). L'Espagne et l'Italie apparaissent aussi prêtes à résorber leur déficit, et donc à moins importer de France et d'Allemagne.
Comme je le dis depuis quatre ans, c'était une grave erreur économique de donner, en France, les suppléments de quotas aux petits producteurs. Dès maintenant, il faut booster les ateliers de plus de 300 000 l, en plaine, décider des montants d'aides supplémentaires pour le lait de montagne, utiliser les moyens donnés par l'Union européenne pour aider les 25 % de producteurs non compétitifs à cesser leur activité. La future vraie compétitivité du lait français ne se reconstituera que par cette politique économique et sociostructurelle incontournable, et par la volonté des (jeunes) producteurs de lait à produire 30 % de plus par UTH.
Le secteur laitier français s'enlise dans deux psychodrames, celui de la contractualisation avec le secteur privé et celui du double prix avec les coopératives du fait de l'absence de transparence dans les deux cas. Si de nombreux transformateurs laitiers se portent bien, on doit observer une stratégie hésitante du groupe Bongrain, un déficit de communication des performances du groupe Lactalis et de ses intentions en France. Ajoutons-y de lourdes interrogations sur les futurs résultats de Sodiaal-Entremont. »
JEAN-PIERRE CARLIER AGROÉCONOMISTE CONSULTANT
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